

Les meilleurs albums de l'année, le top 10 des films de 2020, les meilleures ventes de livres... le confinement n'est pas fini et on en est déjà là, à classer. Mais comment classer une année pourrie ?
Ça y est, on est en décembre, le dernier mois de l’année, le mois des bilans… et des classements. C’est ainsi qu’hier, je suis donc tombée, pour la 1ère fois, depuis décembre 2019, sur un classement, celui des meilleurs albums de 2020.
Tout à l’heure, je vais sûrement tomber sur un top 10 des meilleurs films, et puis, ce sera celui des meilleures séries, des meilleures ventes de livres, etc., etc.
J’aime ce genre de classements, ces sortes de best-of culturels, je trouve que c’est toujours une bonne manière de voir défiler l’année passée, de se rappeler ce qui a occupé nos soirées et qu’on avait oublié, ou de découvrir des œuvres que l’on aurait manquées. Bref, c’est toujours une bonne manière d’achever les 12 mois passés pour mieux se préparer à la suite.
Pourtant, cette année, je l’avoue : c’est beaucoup trop tôt. Le confinement n’est pas fini qu’on a déjà fini l’année et qu’on en est déjà à faire des bilans et des classements…
Et puis, c’est une année vraiment pas comme les autres : comment faire pour trier, juger et finalement classer ce qui ressemble à un marasme total ?
Trier, classer, ordonner...
Quitte à avoir passé une année difficile, pour ne pas dire pourrie, autant ne rien classer et tout garder ! Et quitte à marquer le coup, autant, pourquoi pas, se passer de classements.
Mais c’est là où j’en viens à ma vraie question : pourquoi en fait ne pas se passer, année pourrie ou pas, de tout classement ?
Le classement, c’est le fait de classer, c’est-à-dire de mettre en ordre. Jusque-là, pas de problème, on est tous d’accord… sauf que tout dépend de ce que ça veut dire “mettre en ordre”.
Denis Diderot dans son Supplément au voyage de Bougainville a, pour sa part, cette phrase :
“Méfiez-vous de celui qui veut mettre de l’ordre. Ordonner, c’est toujours se rendre le maître des autres en les gênant”.
Je ne sais pas à quoi ressemblait l’année 1772 (l'année où Diderot a écrit ce texte), et si elle était du même acabit que 2020, en tout cas, les choses sont dites : mettre de l’ordre, et donc classer, c’est se rendre maître.
Mais c’est là le paradoxe : à quoi bon se rendre maître d’une année qu’on a littéralement subie et qu’on ne gênera jamais ? à quoi bon ordonner le temps passé et une crise qui nous a dépassé ?
Déclasser le classement
Dans ce cas, classer semble relever de l'illusion, de contrôle, de pouvoir ou de maîtrise. Mais c’est d’ailleurs tout le problème des classements : que classent-ils sinon ce qu’ils ont l'impression de classer ?
Hiérarchies, sélections et autres rangements, malgré leurs critères, ont quelque chose d’arbitraire : pourquoi ce qui n’y rentre pas serait définitivement oublié ? et pourquoi ce qui n’est ni 1er ni dernier le serait tout autant ?
Car, disons-le, qui se souvient du 3ème film du top 10 de l’année 2018, ou du 8ème ou du 42ème ? Mais d’ailleurs qui se souvient du meilleur film de 2018 ?
Même ce qui est classé, trié, répertorié, hiérarchisé disparaît… même ce film génial, cet album vraiment cool ou cette série incroyable qui semblait avoir trouvé une place de choix se volatilise... Et ce qui semble rescapé de l’oubli des mois qui passent, rencontre désespérément, au final, le même sort que le 8ème, le 15ème ou le dernier de la classe.
Mais c'est peut-être ça qui est bien avec ces classements : ni gênants ni dangereux, ils déclassent l'idée même de classement, tout comme 2020 a déclassé l'idée d'année. Alors pourquoi non pas s'en passer, mais en faire pour tout et n’importe quoi mais surtout n’importe quand ?
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