L'affaire Camille Kouchner - Olivier Duhamel : une parole et des discours

Chacun joue son discours
Chacun joue son discours ©Getty -  pseudodaemon
Chacun joue son discours ©Getty - pseudodaemon
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Depuis la parution du livre de Camille Kouchner, La familia grande, beaucoup de discours et de commentaires... trop ?

Depuis une semaine à peu près, ce qui est appelé dans les médias “l’affaire Duhamel-Camille Kouchner” a suscité beaucoup de commentaires. Pour rappel, ou pour celles et ceux qui ne le savaient pas : jeudi dernier, est paru un livre dans lequel Camille Kouchner, fille de Bernard Kouchner, relate l’inceste subi par son frère jumeau, abusé sexuellement par leur beau-père, Olivier Duhamel. 

"Pourquoi en parler maintenant alors que les faits sont prescrits ?" ; "Est-ce une œuvre littéraire ou un témoignage ?" ; "Assistons-nous au procès de petits milieux puissants, littéraires et politiques, et parisiens ?" ;  "Est-ce, par la même occasion, le procès de la gauche et de Saint-Germain-des-Prés ?" ; "Est-ce un pas de plus dans la libération de la parole ou un règlement de comptes qui ne regarde personne ?" 

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Voici le genre de questions posées à ce sujet, pas inintéressantes d’ailleurs. Si vous en avez parlé avec des proches, vous en avez peut-être fait l’expérience : passé les “c’est horrible”, nous voici à discuter non pas de la parole et de ce qu’elle dénonce, mais de la prise de parole. Que faut-il en faire ? Faut-il la saluer ? La condamner ou l’encourager ?

Signes des temps
43 min

Chacun son discours

Au-delà du paradoxe qui consiste à commenter une prise de parole (ses intentions, le contexte, ses effets) plus que l’acte qu’elle désigne, il est tout autant frappant de voir comment chacun tient, face à cette parole, à “se sauver”. 

Il ne s’agit pourtant que de discussions informelles, avec des amis, ou sa famille, mais déjà le malaise est là : personne n’a lu le livre, quelques-uns seulement ont lu deux-trois articles sur le sujet, mais il s’agit d’avoir quelque chose à dire, quoi que ce soit. 

Tout le monde joue son rôle, d’ailleurs : le critique de l’entre-soi de la gauche caviar, l’enthousiaste de la libération de la parole, celui qui pointe la dimension politique de l’intime, l’autre qui s’inquiète, au contraire, de l’intrusion dans la sphère privée, et puis, il y a celui qui lance un “laissons ce travail à la justice”, ou qui nous fait un cours sur l’écriture, la distinction entre la fiction et le réel, quand un autre lui répond que les frontières sont ténues. J’oubliais, il y a aussi celui (et je l’incarne souvent) qui propose, gêné, de passer à autre chose en remplissant les verres de vin. 

Quand le silence est brisé, quand une parole est exceptionnelle, quand l’innommable est prononcé, on ne sait plus quoi dire, mais, paradoxalement, on parle quand même. Et plus souvent pour parler de la parole elle-même que pour l’écouter. 

Parole et écoute 

Et c’est là où on en vient au problème : entre le silence de ceux qui savent et le bruit des commentaires de ceux qui ne savent pas, on n’entend rien. On n’entend pas souvent des paroles singulières, on entend plutôt des discours rôdés, des commentaires attendus ou, pire, qui se veulent originaux, on entend même des personnes qui se taisent. 

Dans le Léviathan du philosophe anglais Thomas Hobbes (et je dois dire que je n’avais aucun souvenir de ce texte chez lui), celui-ci nous dit que : 

“L’invention la plus noble, ce fut celle de la Parole, (...), invention grâce à laquelle les hommes enregistrent leurs pensées, les rappellent quand elles sont passées et aussi se les déclarent les uns aux autres”. 

Je suis d’accord avec Hobbes, mais qu’en est-il de l’écoute ? où on accepte de ne pas parler, de n’avoir rien à déclarer, juste à écouter, à prendre la mesure de l’acte, à essayer de comprendre les mécanismes en jeu ?
Je vais être honnête, je n’ai pas lu le livre de Camille Kouchner, je vais le lire, mais hormis ces quelques minutes, je pense que je n’aurais rien d’autre à ajouter à ce qui est dit.