L'éducation n'affranchit pas

Cour de récréation
Cour de récréation ©Getty - Dan Kenyon
Cour de récréation ©Getty - Dan Kenyon
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L'éducation doit-elle être fondée sur l'autorité ou sur l'autonomie ?

Il y a quelques mois, alors que ma fille faisait ses 1ers pas à l’école, en petite section donc, j’avais parlé à ce même micro, de ce concept devenu une sorte de mantra dans le monde de l’éducation, en tout cas de l’Education Nationale : l’autonomie. 

J’avais été frappée par ce mot que, de la direction aux instituteurs de l’école, on nous avait rabâché à nous, parents. Bêtement, j’étais alors revenue aux sources du concept, en citant Emmanuel Kant (soit le fait de se donner à soi-même sa propre loi) alors que tout était en fait chez Hannah Arendt (grande lectrice d’ailleurs de Kant). 

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Et voici ce qu’elle en dit dans son texte, « La crise de l’éducation », texte qui tombe à pic pour cette journée mondiale : 

« Affranchi de l'autorité des adultes, l'enfant n'est pas libéré, mais soumis à une autorité bien plus effrayante et vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité. »

J’étais joie de trouver chez Arendt ce qui me tracassait avec cette autonomie que les enfants étaient censés acquérir, ou même détenir dès leur entrée à l’école : ce paradoxe selon lequel en les affranchissant, on ne les libérait pas… mais on les abandonnait. Ce qui, loin de m’apaiser, a soulevé cet autre problème : mais si l’éducation en affranchissant, abandonne, peut-elle encore libérer ? 

Besoin d'autorité

Avec l'autonomie, « affranchi de l’autorité des adultes, nous dit Arendt, l’enfant n’est pas libéré », ce qui laisse penser (et elle le défend d’ailleurs) que, pour elle, et à l'inverse, l’éducation se doit d’être incarnée par une autorité, la figure du maître. 

Autorité et pas autoritaire : la nuance est importante car, pour Arendt, celui qui est autoritaire a remplacé son pouvoir par la force, alors que celui qui a de l’autorité, a du pouvoir sans avoir recours à la force. 

Ce qui veut bien dire, et ça n’est pas anecdotique, que tout en défendant une vision « conservatrice » de l’éducation, fondée sur l’autorité maître/élèves, Arendt promeut un certain modèle de transmission. 

D’aucuns diront « daté », d’autres diront, avec nostalgie, que c’était mieux comme ça. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle a en tête une vision non moins paradoxale de l’éducation : libérer en établissant pourtant un rapport, même s’il n’est pas autoritaire, un rapport de soumission. 

Le problème de la soumission

Tout semble divisé en deux modèles bien opposés : l’autonomie qui affranchit mais abandonne à la tyrannie OU l’autorité qui n’abandonne pas mais obscurcit les conditions d’affranchissement d’un individu. Reste donc, dans les deux cas, le problème de la soumission…

Récemment, je me suis pourtant souvenue que, pour réussir une dissertation de philosophie, ça faisait toujours bien de convoquer ce grand concept d’éducation. Plus que bien, c’était semble-t-il la seule solution valable à toutes réflexions sur l’émancipation, la démocratie, la volonté générale ou autre. 

Mais quoi dire de la forme que doit prendre cette formation ? Et de sa part nécessaire de soumission ? Les limites du concept d’éducation sont là : vouloir déterminer a priori la part de soumission légitime, revient à considérablement oublier les conditions très concrètes, et les moyens très restreints, des institutions éducatives. 

Pourquoi veut-on que ma fille soit autonome à 3 ans ? Tout simplement parce qu’elle n’y a qu’une seule institutrice pour une classe de 30 élèves.