

Les violences policières sont-elles le fait de quelques policiers qui "déconnent" ou du système ? Est-ce une question de parties ou de tout ?
Aujourd'hui, je vous parle du tout et des parties, mais à propos d’un sujet particulier : celui des violences policières.
Dès qu’un débat a lieu à ce sujet, il y a toujours cette question qui est soulevée : les violences policières sont-elles le fait de quelques policiers, l’expression “brebis galeuses” étant devenue récurrente, ou le fait de l’institution Police ?
Autrement dit, le problème est-il de l’ordre des parties ou du tout, est-ce là une question d’individus ou de système ?
En général, quand on parvient à ce moment-là du débat, assez crucial : deux positions s’affrontent, l’une qui soutient, façon Gérald Darmanin, qu’il s’agit de quelques policiers “qui déconnent” et qui seront sanctionnés, et une autre qui signale la récurrence de ces actes, généralisant ainsi le phénomène à un niveau systémique et demandant une remise en cause totale de l’institution.
Hélas, en assistant (et en participant d’ailleurs) à ce genre de débat, on restera souvent sur notre faim, chiffres ou pas à l’appui, car c’est bien ma question aujourd’hui : remettre en cause un système entier est-il seulement une affaire de chiffres, de quantité, de nombres ? Le tout est-il une affaire de parties ?
A partir de combien de policiers...
A partir de combien de policiers qui déconnent, est-on en droit de s’inquiéter au sujet de la Police ? 50, 5000 ou 145 000 ? Est-ce que ça devient grave, et une question de système, quand on a dépassé la moitié de policiers qui déconnent ou un peu avant, un peu après ?
Dans cette optique, il sera tout autant injuste de condamner la totalité des policiers à cause de 2 policiers qui déconnent, que de ne pas la condamner à cause de 75 000 policiers qui déconnent.
Comme quoi, ce n’est pas si évident que ça : s’appuyer sur le nombre de parties touchées n’est pas forcément pertinent pour juger totalement d’un problème, pour tenter de le trancher et d’y mettre fin.
Et c’est ainsi qu’on en arrive à ce paradoxe : la possibilité de remettre en cause un tout, ou du moins de le questionner, sans pour autant partir de toutes ses parties, et plus précisément : sans le penser comme la somme de toutes ses parties.
Mais alors, et c’est toute la question : comme quoi ? De quoi le tout est-il fait si ce n’est de toutes les parties qui le composent ?
La somme et la totalité
Dès l’Antiquité, on a distingué le tout comme somme de toutes ses parties et comme entité à part entière. Autrement dit, on a distingué chaque partie individuelle additionnée les unes aux autres de l’ensemble formé par ses parties. Et au XXème siècle, Jean-Paul Sartre, dans la Critique de la raison dialectique en est venu à dire ça :
“La totalité se définit comme un être qui, radicalement distinct de la somme de ses parties, se retrouve tout entier dans chacune de celles-ci”.
Ce qui est intéressant avec cette distinction, c’est non seulement qu’une institution comme ensemble ou totalité n’a donc pas à voir avec une addition de parties, elle les dépasse. Mais, en revanche, chaque partie incarne à elle seule cette totalité.
Ainsi, ce qui compte avec la Police comme totalité ou ensemble, ce n’est pas tant le nombre de violences policières commises par des policiers individuels, c’est que de telles violences, dès qu’elles se produisent, disent quelque chose de l’ensemble dans lequel elles se produisent.
Peu importe, donc, que les violences policières soient en petit ou grand nombre : dès lors qu’on constitue une partie, qu’on appartient à un ensemble, on exprime une chose de cet ensemble, on l’incarne et on lui donne une forme, et même on le transforme. Comme quoi, tout n’est pas non plus une question de taille, mais surtout de forme.
L'équipe
- Production
- Autre