Pire que l'ennui ? La monotonie

Les jours passent et se ressemblent.
Les jours passent et se ressemblent.  ©Getty -  fStop Images - Carl Smith
Les jours passent et se ressemblent. ©Getty - fStop Images - Carl Smith
Les jours passent et se ressemblent. ©Getty - fStop Images - Carl Smith
Publicité

Encore un jour avec une conférence de presse de Jean Castex, encore un jour où tout a le goût d'une tisane, où tout a l'odeur d'un masque, où on n'a même plus la force de se plaindre, où on se "monotonise".

Tout à l'heure, aura lieu une autre conférence de presse de Jean Castext, mais enfin, qu’est-ce qu’on peut bien attendre ?
J’ai l’impression d’être dans la saison 4 de Games of thrones, ce moment où à moitié endormie je me demandais pourquoi je continuais à regarder.... On a tous entendu des rumeurs : couvre-feu strict ou confinement light. Chacun ses pronostics. Ou pas. 

Vous avez remarqué ? A la différence des derniers mois, le cœur n’est plus aux paris, après tout entre 18h ou 20h, est-ce qu’on a le choix, et puis si c’est un nouveau confinement, on aura juste à ressortir nos attestations ?
Même se plaindre devient fatigant, trop courant. Les pessimistes n’ont plus grand-chose d’original et les optimistes s’excusent de ne pas l’être assez.

Publicité

C’est peut-être ce qui me frappe à l’aube d’une énième conférence de presse : la terrible monotonie qui règne. Peu importe les mesures prises, les conversations s’épuisent, les corps se relâchent, les colères et les sourires aussi.
Ce n’est pas qu’on va mal, c’est qu’on ne va ni bien ni mal, ce n’est pas qu’on s’ennuie ou qu’on s’agace, c’est plus, ou c’est pire, c’est qu’on se “monotonise”... 

Monotone monotonie

Évidemment, mais bizarrement, ou pas du tout en fait, parler de monotonie, vous allez voir, a quelque chose d’extrêmement… comment dire, ennuyeux ? et peut-être, j’ose le mot, de “chiant”. 

Car, oui, parler de monotonie, c’est être forcément contaminé par elle. Ton de voix, propos, humeurs, passions, sujets, tout devient uniforme.
C’est bien son problème, d’ailleurs, à la monotonie : impossible d’être décalée avec elle, elle vous rattrape et elle se fourre partout. De mes voisins à mes parents, de mes problèmes à mes obsessions. Tous les mêmes, tout pareil.  

Au fond, la pandémie aura au moins eu ce don : révéler l’incroyable monotonie de la monotonie. Mais aussi son plus grand paradoxe : elle n’en a pas.
C’est fou, on peut trouver mille manières de s’étonner dans la vie, face aux événements, face aux “ptites choses”, comme on dit, du quotidien, mais face à la monotonie…. elle vous rappelle vite, non pas à la réalité, mais à ce qu’il y a de moins réel dans la réalité : sa platitude. 

Pourtant, et si je devais vraiment lui trouver un paradoxe, je dirais qu’elle parvient quand même à nous étonner d’une chose : l’absence totale d’étonnement qu’elle génère… 

Pire que l'ennui

Mais de ce paradoxe, que dire ? Que dire d’un état dans lequel tout nous paraît morne, semblable, gris, où tout ressemble à un jeudi 14 janvier avec une conférence de presse de Jean Castex, où tout a le goût d’une tisane, l’odeur d’un masque dans lequel on s’est mouché, où tout ressemble à une fin de catalogue Netflix, où on hésite entre un 1000ème article sur Trump et la démocratie et McGyver version 2016 sur W9 (de toute façon on fera les deux) ? 

On en viendrait même à s’étonner que l’absence d’étonnement que génère la monotonie ait pu un jour nous étonner. Il faut dire qu’elle est même pire que l’ennui… la preuve : le philosophe Vladimir Jankélévitch souligne l’avantage de l’ennui : 

“étant le vide, il devient tout ce que l’on veut. C’est la possibilité pure, indifférence à toute forme, qui accueillera n’importe quelle qualité”

Mais la monotonie, elle, qu’est-ce qu’elle pourrait accueillir comme qualité ? quelle couleur ou chaleur pourrait-elle prendre ? 

Aucune.
Et au fond, c’est ça qui est bien avec la monotonie, c’est qu’elle fait mieux que le pire ennui, et que si la vivre est problématique, elle ne pose, au moins en elle-même, aucun problème.