Je vous écris de Venise, en cette si belle heure dans la Via Garibaldi, près des jardins de la Biennale, quand le soir s'est posé sur la ville mais qu'il reste encore des taches de rose et d'orangé dans le ciel, que l'on vient de quitter les premières lumières des bateaux le long de la Riva dei Schiavoni et que peu à peu des groupes se forment dans la rue, jusqu'au Rio Sant'Ana, jusqu'au petit Bar mio, un de mes bars préférés du quartier. Oui, c'est maintenant l'heure de la conversation, des salutations, des dernières courses à la boulangerie ou la charcuterie, l’heure des enfants qui jouent à la balle, à la trottinette, et partout, ça et là, des chiens qui courent et s'agitent dans ce petit théâtre de sons, de voix et de cloches qui trace la frontière entre le soir et la nuit, comme une célébration musicale du quartier, jusqu'à la barque amarrée au début du canal, remplie de fruits et de légumes, joyeux marché du matin, recouverte à cette heure de bâches et de cordes. Les yeux encore éblouis par les tableaux de Canaletto et de Guardi que j'ai vus hier à Paris, au Musée Jacquemart-André, j'ai eu envie d'entrer dans la matière même de ces tableaux et de retrouver aujourd'hui tous les paysages de Venise qu'ils ont fixés, dans cet art magnifique des " vedute" , si à la mode au 18 ème siècle, quand Venise était le voyage d'éducation préféré des noblesses européennes qui ne manquaient pas de rapporter de leur séjour ces tableaux comme on rapporte des "cartes postales".
"Canaletto et Guardi, les deux maîtres de Venise", c'est le titre de l'exposition que vous pourrez voir jusqu'au 14 janvier prochain, une exposition orchestrée et dirigée par Bozena Anna Kowalczyk, qui vit justement à Venise et qui a bien voulu accepter de me guider dans cet aller-retour entre la Venise du 18 ème siècle et celle d'aujourd'hui. C'est dans cette grande promenade à la rencontre des peintures de Canaletto et de Guardi que j'aimerais donc vous inviter tout au long de cette lettre vénitienne qui accueillera également Anna Lisa Scarpa, commissaire de l'exposition "Canaletto à Venise" au Musée Maillol, que vous pourrez voir jusqu'au 10 février, et Roger de Montebello, un merveilleux artiste qui allie les points les plus emblématiques de Venise, comme la Pointe de la Douane( La Dogana), près de l'église de la Salute, aux symboles les plus contemporains, l'ordinateur par exemple, et qui par un tour de passe-passe les métamorphose en une peinture presque métaphysique, dans la lignée de Guardi ou bien plus tard dans celle de Chirico. C'est de son atelier donnant sur le Grand Canal que j'ai pu retrouver les couleurs intactes de l'eau, du ciel, des reflets, des palais, tels que les avait rendus Canaletto.
Venise, ville-miroir et ville intérieure, ville magnétique et secrète, mais aussi joyeuse, festive, musicale, qui vous conduira sur la Place St-Marc, à la Salute, à la Dogana, sur les Zattere, sur le Canal de la Fenice, là où l'on retrouve les gestes mélodiques des gondoliers, ceux-là même qui scandent les tableaux des vedutistes (peu importe si leurs chants sont aujourd'hui souvent napolitains). Mais cette lettre vous conduira également dans le quartier de Castello, jusque dans l'île de San Pietro, sur les lieux d'un tableau de nuit de Canaletto : une fête, juste devant l'église de San Pietro....
Invités
Bozena Anna Kowalczyk , commissaire de l'exposition "Canaletto et Guardi, les deux maîtres de Venise"au Musée Jacquemart-André
Anna Lisa Scarpa , commissaire de l'exposition "Canaletto à Venise" au musée Maillol
Roger de Montebello , peintre vénitien
Jérôme Ziesniss , pour l'exposition Guardi au musée Correr, président du Comité de sauvegarde de Venise
Merci à Air France pour son aimable concours.
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