Euthanasie : visite d'une consultation spécialisée en Belgique

 Unité de soins palliatifs
 Unité de soins palliatifs ©Maxppp - Marc Ollivier / Ouest France
Unité de soins palliatifs ©Maxppp - Marc Ollivier / Ouest France
Unité de soins palliatifs ©Maxppp - Marc Ollivier / Ouest France
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Ce matin paraît le livre posthume d'Anne Bert, "Le tout dernier été". Atteinte de la maladie de Charcot, la romancière s'est éteinte à 59 ans, avant-hier, en Belgique, après avoir choisi l'euthanasie. Tara Schlegel s'est rendue dans un hôpital de Liège où cette pratique est très encadrée.

En France, même si la loi Claeys-Leonetti a fait évoluer les habitudes, les choses ne se déroulent pas du tout comme en Belgique. Depuis l'an dernier, les médecins français peuvent administrer une "sédation profonde et continue" pour endormir le malade mourant. Mais cela diffère de l'euthanasie, dépénalisée en Belgique depuis 15 ans. Car il s'agit là bas d'une mort assumée et désirée en toute conscience, et on en compte désormais 168 par mois.

Tara Schlegel s'est rendue au CHR de la Citadelle, à Liège. Là bas, le Dr François Damas a ouvert depuis trois ans une consultation, le mardi, où il accueille les patients qui souhaitent en finir avec leurs souffrances.

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le dr Damas et sa collègue Frédérique Bustin, pneumologue.
le dr Damas et sa collègue Frédérique Bustin, pneumologue.
- T.S.

François Damas est l'auteur d'un des rares livres sur l'euthanasie écrit par un médecin qui la pratique : "La mort choisie", paru en 2013 aux éditions Mardaga.

La loi belge encadre très précisément l'euthanasie depuis loi votée en 2002. Ce n'est pas un "droit créance", explique le Dr Damas :

"ce n'est pas un droit du patient, c'est une possibilité de demander"

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Il y a trois conditions essentielles et plusieurs conditions de procédure. Et il faut surtout, surtout, que cette demande soit parfaitement contrôlée par le patient. Qu'elle intervienne dans un contexte de cohérence et d'argumentation en quelque sorte, et de conviction personnelle du patient, qui doit convaincre son médecin que c'est bien un meilleur dernier service à lui rendre. Le patient doit persuader son médecin qu'il est dans une situation de souffrance constante, insupportable et inapaisable. La loi implique que cela la conséquence d'une maladie grave et incurable. Et à ces conditions, la demande claire, répétée, précisée même par écrit, doit pouvoir être prise en compte.

C'est aussi ce qu'explique Jacqueline Herremans. Présidente de l'ADMD, l'association pour le droit de mourir dans la dignité, et avocate :

"C'est une mort, je dirais, partagée. La meilleure des solutions".

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La loi française est bien différente de la législation belge. L'euthanasie n'est pas une simple sédation poursuit Mme Herremans :

"le patient peut encore être chouchouté. La sédation, on est déjà plus là".

30 sec

Attention aux faux espoirs en Belgique après le précédent Anne Bert

Le hall d'entrée de l'hôpital de la Citadelle, à Liège
Le hall d'entrée de l'hôpital de la Citadelle, à Liège
- T.S

Les demandes de patients français ne sont pas rares, mais elles restent marginales. Cela dit, la sortie du livre "Le tout dernier été" pourrait donner de faux espoirs aux malades français. Il n'est pas si simple de rentrer dans les critères de la loi belge. Le Dr François Damas ne veut pas laisser des malades croire que l'on peut mourir là-bas facilement en 15 jours :

"il y a un nombre substantiels de patients français que je déçois beaucoup".

2 min

Il y a des problèmes soit purement psychologiques, soit surtout sociaux et psychologiques, qui sont la cause d'une grande souffrance, et des personnes ne trouvent pas d'autres solutions que de venir frapper à notre porte. Je leur dis que malheureusement ce n'est pas possible. Je ne vais pas m'engager dans une euthanasie chez quelqu'un qui malheureusement ne vit que dans un petit appartement en France, qui n'a pas de ressources et qui a à peine 40 ans et qui voudrait bien mourir. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible.

Jacqueline Herremans met aussi les patients français en garde :

"Anne Bert va amener plus de demandes en Belgique, de la part de patients pour lesquels il faudra parfois dire non".

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Avant 2002, il y avait de réelles résistances, même dans la société belge. En France, on retrouve aujourd'hui des obstacles similaires, conclut Jacqueline Herremans :

"pour les médecins cela représente une perte de pouvoir".

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A écouter : Anne Bert interviewée par Léa Salamé sur France Inter, le 6 septembre dernier

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