Ephrem de Nisibe a composé un ensemble théologique à l’architecture admirable où une conception précise de Dieu, du monde, de l’homme et du salut est définie contre des croyances alternatives.
- Flavia Ruani Chercheuse en Sciences des religions, spécialisée dans l’histoire du christianisme syriaque et les controverses religieuses antiques.
Célébré comme la Harpe du Saint Esprit pour son extraordinaire production hymnographique, Éphrem de Nisibe a été le poète chrétien des marges orientales de l’Empire romain tout au long du IVe siècle. La beauté des images de ses hymnes sur le Paradis, sur la naissance, Passion et résurrection du Christ, sur sa ville natale, mais aussi contre des adversaires en religion, en font l’un des plus grands auteurs de la littérature syriaque. Sa renommée se répandit très vite dans le monde tardo-antique, il fut traduit en grec, latin, arménien, copte, éthiopien, arabe et dans toutes sortes de langues modernes, demeurant toujours actuel grâce à une poétique empreinte de symboles qui continue de toucher le lecteur d’aujourd’hui.
Né vers 306 d’une famille chrétienne, Éphrem vécut à Nisibe (actuelle Nusaybin, dans le sud-est de la Turquie à la frontière de la Syrie), puis à Édesse (aujourd’hui Şanlıurfa), où il se réfugia à partir de l’an 363 pour fuir l’Empire perse. Bien qu’il restât toute sa vie un simple diacre, il était très impliqué dans la vie de sa communauté : interprète des Écritures, maître de chant lors des célébrations liturgiques, Éphrem est commémoré aussi pour les soins apportés aux malades lors de la peste qui affecta Édesse, et de laquelle il mourut le 9 juin 373. Le christianisme syriaque nous a légué le troisième corpus littéraire du monde chrétien ancien, le plus important après le grec et le latin.
Les Hymnes contre les hérésies présentées ici, outre leur qualité littéraire, ont la valeur d’un texte de fondation. Alors que la légende veut qu’Édesse, ville-berceau des chrétiens syriaques, ait été convertie au temps de Jésus, le chantre de Nisibe nous fait découvrir l’élaboration complexe de l’"orthodoxie" au IVe siècle, au cœur de multiples courants religieux. C’est cette orthodoxie, construite sur des oppositions, alternant attaque et défense, qui constitua par la suite la "tradition syriaque" tout court.
Flavia Ruani est titulaire d’un doctorat en Sciences religieuses (EPHE, Paris / La Sapienza, Università di Roma, 2012, thèse portant sur la polémique antimanichéenne d’Éphrem de Nisibe). Elle travaille sur les controverses religieuses au Proche-Orient du IVe au XIIIe siècle. Ses recherches sont centrées sur le monde syriaque, tout en étant ouvertes aussi sur d’autres domaines linguistiques. Elle est chargée de recherche à l'Institut de recherche et d'histoire des textes (UPR 841), CNRS.
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