Gilles Bœuf : La biodiversité, de l'océan et la forêt, à la cité

Gilles Bœuf
Gilles Bœuf - Patrick Imbert / Collège de France
Gilles Bœuf - Patrick Imbert / Collège de France
Gilles Bœuf - Patrick Imbert / Collège de France
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Quels sont les enjeux de la biodiversité et de la "bio-inspiration" ? Quel rôle joue le temps ? Faut-il radicalement changer nos modes de vie ? Leçon inaugurale de Gilles Bœuf, "La biodiversité, de l'océan, la forêt et à la cité », le 19 décembre 2013 (Chaire Développement durable - Environnement).

Avec

C’est en 1985 que l’écologue Rosen crée le concept de « biodiversité » et c’est avec le second Sommet de la Terre en 1992 à Rio qu’il se médiatise et qu’il investit notamment le monde politique, la « cité » et en 2010, c’est l’organisation de l’ « Année internationale » de la biodiversité des Nations unies.  Gilles Bœuf rappelle l’évolution sémantique de ce terme et au-delà les enjeux qui y sont liés :

"Il est bien clair que la biodiversité ne saurait être représentée par le seul inventaire descriptif des espèces vivantes peuplant un écosystème particulier. Cela ne décrirait que la diversité spécifique. La biodiversité, c’est beaucoup plus que cela, c’est l’ensemble des relations établies entre les divers êtres vivants et entre ceux-ci et leur environnement. Elle a aussi été définie comme étant toute l’information génétique contenue dans chaque unité élémentaire de diversité : un individu, une espèce, une population ou un écosystème" (cf, Blondel, en 2005). « Mais, aujourd’hui, poursuit-il un cri d’alarme est lancé : la biodiversité est entrée dans une phase d’érosion beaucoup trop forte, en fait depuis une époque très récente de l’histoire de la Terre, celle dénommée par le Prix Nobel de chimie de 1995, Crutzen, « l’anthropocène » (extrait article de G. Bœuf dans l’Annale des Mines--Responsabilité et environnement 2012)

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Le concept de biodiversité étant posé, Gilles Bœuf nous propose de revenir sur « l’histoire de la vie », de l’apparition du vivant dans l’océan à la genèse de la reproduction sexuée et du brassage génétique, « le passage de la vie aquatique à la vie terrestre et à la respiration aérienne », l’explosion de la biodiversité terrestre. Cette « histoire n’a pas été un long fleuve tranquille », nous rappelle-t-il. Il revient sur les 4/5 grandes crises d’extinction qui ont frappé la planète, où les ¾ des espèces maritimes et terrestres ont disparu sur un temps court. Le facteur temps est essentiel insiste-t-il et c’est le problème avec les politiques. Gilles Bœuf rappelle aussi que  :

l’homme d’aujourd’hui « ne fait […] que prolonger et amplifier un processus d’érosion de la biodiversité spécifique engagé il y a bien longtemps par nos lointain ancêtres ».

Il s’interroge quels peuvent être les remèdes ? Doit-on « tendre vers une gouvernance supranationale en établissant un véritable droit de la préservation de la nature » ? Plus de coopération ? Il faut travailler de façon commune. « les sciences de la nature et les sciences de l’Homme et de la société sont intimement liées ». On perd de l’espérance de vie. Sans arrêt on doit se remettre en question. Gilles Boeuf prône « un changement radical de notre mode de vie ».

Dans une interview donnée à Libération en 2015, il recommande de « basculer d’une économie anthropocentrée à une éconmoie plus écocentrée ». Critiquant ces « saletés d’engrais et de pesticides de synthèse », il indique que « l ’agroécologie travaille » déjà « avec des bactéries et des champignons du sol et cela marche très bien ».

Spécialiste de physiologie environnementale et d’endocrinologie, essentiellement des poissons, ainsi que de biodiversité, marine et terrestre, Gilles Bœuf a travaillé treize ans à Banyuls, dont 6 où il a été le directeur de l’Observatoire Océanologique. Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), il est le Président du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) à Paris. Dans ses articles, comme dans sa leçon inaugurale, il évoque avec passion les nombreux exemples du « génie de la nature » pour reprendre un terme cher à Gilles Clément, génie qui peut nous inspirer pour élaborer des matières, des modes de vie plus écologiques et performants… Le crabe chinois qui va de l’eau de mer, à l’eau saumâtre, à l’eau douce et qui grimpe aux arbres, le dauphin chinois et son merveilleux sonar qui a disparu dans l’indifférence en 2007, les espèces de virus dont il faut répertorier la diversité, la pomme de pin qui s’ouvre ou se referme selon les variations d’humidité… les saumons qu’il a étudiés pendant 18 ans qui eux aussi vont de l’eau douce à l’eau de mer. Tout fait sens pour lui, tout est important.

Dans l'interview donnée à Libération en 2015, il s’exprime en tant que président du Centre européen en biométisme (CEEBIOS), entendez la notion de « bio-inspiration », il cite Léonard de Vinci

« Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur »

Et nous gagnons le grand amphithéâtre du Collège de France, pour la leçon inaugurale de Gilles Bœuf, intitulée, « La biodiversité, de l'océan et la forêt, à la cité », le 19 décembre 2013 dans le cadre de la Chaire Développement durable - Environnement, Energie et Société (la version électronique)

Pour prolonger :

Gilles Boeuf, « Qu'est-ce que la biodiversité ? Quels sont les mécanismes de son érosion ? », Annales des Mines - Responsabilité et environnement 4/2012 (N° 68) , p. 9-14