Anne-Laure Kiechel : dans l'ombre des puissants

Anne Laure Kiechel à son bureau dans le 8eme arrondissement de Paris sur lequel traînent quelques livres et souvenirs de pays qu'elle conseille.
Anne Laure Kiechel à son bureau dans le 8eme arrondissement de Paris sur lequel traînent quelques livres et souvenirs de pays qu'elle conseille.  ©Radio France - Annabelle Grelier
Anne Laure Kiechel à son bureau dans le 8eme arrondissement de Paris sur lequel traînent quelques livres et souvenirs de pays qu'elle conseille. ©Radio France - Annabelle Grelier
Anne Laure Kiechel à son bureau dans le 8eme arrondissement de Paris sur lequel traînent quelques livres et souvenirs de pays qu'elle conseille. ©Radio France - Annabelle Grelier
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Seule femme associée gérante chez Rothschild, elle a quitté l'année dernière la banque d'affaires pour faire du conseil aux États à sa manière. Plus d'une trentaine de pays ont fait appel à elle pour leur plan de relance post Covid.

D’un vaste appartement du 8e arrondissement de Paris où s’affairent en silence salariés et assistants, Anne-Laure Kiechel trône dans son bureau comme la reine des abeilles sur sa ruche.

Gracile, élégante, son regard vert perçant vous rappelle que le temps qu’elle vous consacre est compté. Toujours entre deux avions, une visio-conférence, un rendez- vous, un téléphone qui vibre chaque seconde, sa vie est un marathon. En bas de l’immeuble, une voiture avec chauffeur est postée jusqu’à tard dans la soirée, elle doit pouvoir sauter dans un avion dès qu’on l’appelle. Les gouvernements qui la sollicitent ont besoin d’aide et souvent d’urgence. C’est ça le métier de conseil aux États : une disponibilité totale. Anne-Laure Kiechel est une femme pressée et précise. 

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"C'est ça le métier de conseil aux États"

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On est dans l’action mais au service et souvent en effet on dit dans l’ombre. Pourquoi dans l’ombre ? Parce qu’on n’a pas à paraître parce qu’on n’est pas représentant du peuple. Dans l’ombre parce qu’on travaille, il y a beaucoup d’abnégation, de préparation de dossier et c’est ça le rôle du conseiller et ce n’est certainement pas de se mettre au-devant de la scène. Le rôle c’est d’arriver en disant : voilà où on en est, Monsieur le premier ministre qu’est-ce que vous voulez ? Qu’est-ce que vous décidez ? 

La Grèce en plein coeur

Formée aux grandes écoles, elle fait ses armes chez Lehmann Brothers à New York et Londres avant de devenir en 2013 la seule femme associée gérante à la Banque Rothschild pour qui elle conseille une vingtaine de pays du G20 : l’Italie, l’Argentine, l’Ukraine, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal. Le dossier grec qu’elle empoigne en 2016 va venir bousculer les lignes d’une trajectoire bien tracée. 

Alexis Tsipras ancien premier ministre grec à l'inauguration de la première chaire européenne consacrée à la dette souveraine à Sciences Po, novembre 2019
Alexis Tsipras ancien premier ministre grec à l'inauguration de la première chaire européenne consacrée à la dette souveraine à Sciences Po, novembre 2019
© Radio France

Le dossier grec : un tournant dans la carrière d'Anne Laure Kiechel

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Quand on a vu, qu’on a vécu la souffrance du peuple grec, qu’on a suivi ça pendant plusieurs années, on se dit qu’il y a quelque chose qui ne va pas, quelque soient les orientations politiques que l’on peut avoir. On se dit qu’il y a quelque chose qu’il faut essayer de réparer, d’atténuer, d’amoindrir. Il faut essayer de les en sortir.

Anne-Laure Kiechel va passer trois ans au chevet de la Grèce, pas une semaine sans passer par Athènes pour rencontrer l’équipe d’Alexis Tsipras avec laquelle elle travaille d’arrache-pied pour sortir le pays du programme d’aide de la troïka et ramener le pays sur les marchés. Ce qui sera fait en 2018. De son expérience grecque, Anne-Laure Kiechel comprend qu’elle ne peut plus penser l’économie seulement de manière technique et transactionnelle comme le fait une banque, elle veut désormais pouvoir influer sur les raisons et l’utilité de lever de la dette.

La banquière d'affaire prend son envol

Début 2019, elle quitte la Banque Rothschild et lance sa propre structure Global Sovereign Advisory, du conseil économique sans s’interdire de faire de la politique. Le moment est bien choisi. Avec la crise du Covid, les mesures d’urgence s’imposent, les pays sont démunis et viennent chercher de l’aide. GSA travaille aujourd’hui avec pas moins d’une trentaine de gouvernements pour élaborer des plans de relance.

Pour Anne-Laure Kiechel, la dette des états est un sujet vieux comme le monde.

" Ce n'est pas le montant de la dette qui est important, c'est de savoir qui va payer ? "

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Qu’il y ait des montants de dette qui soient beaucoup trop importants, ça a déjà existé dans l’histoire, le seul vrai débat c’est qui va payer ? Les taux en ce moment sont extrêmement bas donc il y a moyen de se droguer à la dette en oubliant les conséquences de ce que l’on est en train de contracter.

De nombreuses questions se posent et des débats doivent s’ouvrir rapidement estime-t-elle ayant contribué à la création de la première chaire en Europe consacrée à la dette souveraine, inaugurée en novembre dernier à Sciences Po. Pour Anne-Laure Kiechel, il y a de la bonne dette et de la mauvaise dette. La bonne est celle qui investit sur l’avenir qui répond à un projet de société, à une vision. Cela soulève forcement la question générationnelle. Quelle génération portera cette dette ? Il faut arrêter de parler de ces sujets derrière des portes closes s’insurge la conseillère économique. 

La dette comme passion, elle qui ne dit rien posséder… rien d’autre qu’une maison sur une île grecque.