Depuis mars dernier, six jeunes réalisateurs et réalisatrices travaillent leur premier long-métrage dans le cadre de la Résidence du Festival de Cannes. Parmi eux, Don Eblahan, cinéaste philippin, dont les films sont marqués par ses origines Ifugao et Visayan, peuples ancestraux des Philippines.
Six jeunes réalisateurs et réalisatrices sont accueillis depuis le mois de mars dans le cadre de la Résidence du Festival de Cannes à Paris où ils sont accompagnés pour leur premier ou second projet de long-métrage. Don Eblahan est l'un d'eux. Originaire des Philippines, il a déjà réalisé trois courts-métrages dont un primé au festival Sundance l’an dernier. Ses films s’inspirent de ses origines Ifugao et Visayan, tribus ancestrales des Philippines.
C’est l’histoire d’une jeune fille qui quitte sa famille pour s’aventurer à travers les routes montagneuses de la Cordillère aux Philippines et tenter sa chance en ville, comme chanteuse de country. "The Headhunter’s daughter", La Fille du chasseur de tête en français est le 3e court-métrage de Don Josephus Raphael Eblahan, de son nom complet. "Un film poétique et onirique, avec une cinématographie, une réalisation et un jeu d’acteurs magnifiques et qui a su capturer d’une manière unique le lieu" a déclaré le jury du festival Sundance, qui lui a attribué son Grand Prix dans la catégorie court-métrage en 2022.
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Des films en lien avec ses racines
Dans chacun de ses films, le jeune réalisateur évoque son histoire et surtout ses origines Ifugao et Visayan, deux tribus ancestrales des Philippines. "Il y a beaucoup de réflexion culturelle sur mon pays. Mes films sont aussi une réaction aux influences coloniales ou à la présence coloniale que nous avons eu aux Philippines. Vous pouvez voir de nombreuses iconographies, d’objets culturels venant d’Espagne, d’Amérique et des symboles religieux aussi. Mes films évoquent la manière dont nous avons assimilé ces cultures et dont peut-être nos ancêtres ont essayé de lutter contre cela ou comment aujourd’hui les personnes essaient toujours de vivre avec."
Don Eblahan veut aussi montrer un autre visage des Philippines : "C'est important pour moi de représenter mon pays, pas seulement à travers un visage parce que nous avons des centaines de milliers d'îles, des milliers de dialectes, de langages, de tribus... C'est important pour moi de montrer tout cela, la diversité de mon pays que peu de gens voient à l'extérieur des Philippines. C'est l'identité que je veux montrer, on a de multiples visages et de multiples histoires." C’est également une manière de toucher à sa propre histoire. "Un moyen de me connecter à chacun de mes parents. Mon père est mort quand j’étais enfant et faire des films dans les montagnes est pour moi une manière de l’atteindre. Mon 2e court-métrage, 'Hilum*' évoque ma mère, alors que le 3e* 'The Headhunter’s daughter' est au sujet de mon père." Le jeune réalisateur raconte que la première fois qu'il est allé dans le village où a grandi son père, à Mayoyao, il a eu l'impression d'être au paradis. "Les rizières en terrasse sont comme d'immenses escaliers qui grimpent jusqu'aux nuages. À certaines saisons, elles sont pleines d'eau et reflètent les nuages, c'est très beau. Ma tribu est fière d'avoir inventé cela, il y a des milliers d'années."
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Don est également très attaché à ses terres d’origines où tous ses films ont été tournés. Il a lui aussi grandi dans les montagnes du nord des Philippines, dans une ville appelée La Trinidad, près de Baguio*, "avec des vallées, des fermes et des chevaux ! Et la pluie ! J'ai commencé à apprendre la guitare quand je suis arrivé dans cette ville enfant parce que je n'avais pas vraiment d'amis encore. C'était un moyen de faire quelque chose en restant à la maison."*
De la musique au cinéma
S’il vient de terminer ses études de cinéma à l’université de Chicago où il a passé quatre ans, grâce à l’obtention d’une bourse, Don Eblahan n’a pas toujours eu comme rêve de devenir réalisateur. "Mon premier amour est la musique", sourit-il.
Enfant, il s’amuse à jouer avec la guitare de son grand-père avant de suivre quelques cours, un peu plus grand. Sa mère pense que c’est un don chez lui, car pendant sa grossesse, elle se coupait les ongles et les glissait dans la rosace de la guitare, un rituel qui signifiait que son enfant à naître serait doué pour l’instrument. "Elle me répète sans cesse que si je suis bon guitariste aujourd'hui c'est parce qu'elle a fait tous ces rituels et je la crois !" Don vient aussi d’une famille d’artistes : sa mère joue de la guitare, son frère également ainsi que du piano, tous les deux savent chanter et son grand-père était guitariste pour l’église et se faisait accompagner au chant par la grand-mère de Don.
"J’étais plutôt attiré par la musique. C’était vraiment mon rêve. Donc j’ai appris à jouer de la guitare, à écrire la musique mais aussi des paroles… C’est comme cela que j’ai pris goût à écrire des histoires. Puis je me suis intéressé aux clips vidéos puis aux représentations cinématographiques de la musique. Et depuis l’adolescence, je regarde des films et cela m’intéresse vraiment." D'ailleurs, il emporte aujourd'hui sa guitare partout, aux Philippines, aux États-Unis, en Espagne et aujourd'hui à Paris, à tel point qu'elle est bien abîmée. Mais elle permet encore à Don de composer des chansons, quand il ne travaille pas son scenario.
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C’est un film qui le fait basculer de la musique au cinéma et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’une comédie musicale, "Nine". "Je l’ai vu à la télé mais en tant que musicien, ce qui m’intéressait, c’était juste la musique et les chansons. Puis j'ai lu des choses sur le film et j'ai réalisé qu'il s'inspirait de '8 et demi' et je me suis demandé ce que c'était. Et c'est la plongée dans le monde du cinéma ! J'ai regardé '8 et demi', puis tous les films de Fellini. Cela a commencé avec le cinéma italien, puis français, puis américain et asiatique ! Et bien sûr, aujourd'hui, j'aime des films du monde entier, grâce à une comédie musicale !"
Depuis, il a donc décidé de se lancer dans le cinéma, d'abord en regardant de nombreux films sur internet, avant de pouvoir aller à l'université. Réaliser des films est "très concret" pour lui. "Je peux voir les visuels et entendre les sons. C’est un outil très puissant qui touche tous mes sens. Je pense que cela touche mon corps tout entier. C’est le cinéma !"
En mars dernier, Don Eblahan a rejoint la Résidence du Festival de Cannes, à Paris, avec cinq autres jeunes réalisatrices et réalisateurs. Il travaille sur son projet de premier long-métrage intitulé "Hum". L’histoire de déroule dans les montagnes, "encore une fois, dans une communauté appelée les Igorots. C’est un peuple auquel appartient l’ethnie dont je fais partie. Ce terme désigne les personnes qui vivent dans les montagnes du nord des Philippines. Mon film est une analyse de la culture et du paysage historique… " Dans les années 1990, alors qu’un tremblement de terre a détruit de nombreux villages de ces populations, une cavalière de rodéo part à la recherche de son frère jumeau, qui a décidé de quitter sa famille pour vivre dans la forêt.
"C’est un film qui livre une analyse sur la manière de vivre dans le monde moderne pour une personne indigène." Un film qu’il tournera évidemment dans sa région d’origine, qu’il regagnera une fois sa résidence en France terminée, au moins de juillet.
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