

C’est la Colombie que l’actualité impose ce matin à notre attention puisque son président a reçu hier, 7 octobre, le Prix Nobel de la Paix. À vrai dire les nouvelles qui nous sont venues ces jours-ci de ce pays soufflent le chaud et le froid...
- Yves Saint-Geours Historien de l'Amérique latine et ancien ambassadeur de France à Brasilia
C’est la Colombie que l’actualité impose ce matin à notre attention puisque son président a reçu hier, 7 octobre, le Prix Nobel de la Paix. À vrai dire les nouvelles qui nous sont venues ces jours-ci de ce pays soufflent le chaud et le froid. Le 26 septembre, on a appris que prenaient fin cinquante-deux ans d’une guerre civile qui a été la plus longue qu’ait jamais connue l’Amérique latine. Cinquante-deux ans ! Trois générations de combattants… Le président Juan Manuel Santos et le commandant des Forces armées révolutionnaires de Colombie, les fameuses FARC, personnage connu sous le nom de guerre de Timochenko, ont signé un accord de paix de 297 pages, accord qui avait été négocié durant quatre longues années. Plusieurs chefs d’Etat, dont Raul Castro pour Cuba et divers dignitaires étrangers, ont assisté à la cérémonie et ont contribué à en sceller la solennité. Et pourtant, tandis que les observateurs étrangers constataient sur place un soulagement largement répandu, il cheminait en profondeur des indignations intactes. Beaucoup de Colombiens, entraînés par l’ancien président Uribe, qui, quand il était aux affaires et depuis lors, a incarné une ligne dure contre les FARC, se sont refusés à admettre que des représentants de la rébellion puissent être élus au Parlement et qu’ils ne purgent aucune peine d’aucune sorte. A telle enseigne que, le 2 octobre, l’angoisse a succédé à l’allégresse quand on a appris que, lors du référendum organisé pour que le peuple puisse ratifier l’accord, les partisans du refus l’emportaient dans les urnes, sur le fil, selon une infime majorité de 50,21% contre 49,79%. L’espoir n’en demeure pas moins vivace, car les guérilleros, qui goûtent au bonheur de la paix, ne paraissent pas songer, pour l’heure, à reprendre les armes. Cette situation paroxystique invite à s’intéresser de plus près à l’Histoire d’un pays mal connu en France, accablé qu’il est par un bon nombre de stéréotypes, qui tournent généralement autour de la figure sinistre des narcotrafiquants. Pour éclairer les racines de cette conjoncture incertaine, Yves Saint-Geours est mon invité ce matin, en direct et en public, depuis nos chers, nos prestigieux, nos stimulants Rendez-vous de l’Histoire de Blois. Yves Saint-Geours est actuellement ambassadeur de France en Espagne, mais c’est comme historien de l’Amérique latine que je le convie, car sa compétence est reconnue dans ce domaine. D’où viennent donc ces interminables déchirements dans un pays dont la géographie compliquée offre pourtant des ressources remarquables ? La trace ancienne d’une indépendance chaotique, les incertitudes des modes de gouvernement, entre anarchie et centralisme, la puissance des forces centrifuges, les déséquilibres sociaux, les problèmes agraires récurrents, ces composantes d’un mal-être collectif exigent d’être scrutées dans le long terme. Non sans qu’on rappelle que si le passé éclaire le présent, comme on le sait ici surabondamment, il ne dessine jamais, heureusement pour la Colombie, aucune fatalité pour la suite. Jean-Noël Jeanneney
Programmation sonore :
- Chanson « Colombia Tierra Querida » de Lucho Bermudez, interprétée ici par Yuri Buenaventura en 1996.
- Extrait d’une interview de Gabriel Garcia Marquez, diffusée dans l’émission « Une vie, une œuvre » sur France culture, le 24 mai 2014.
- Reportage à Paris, Porte de Champerret, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Simon Bolivar (extrait du discours du ministre équatorien Antonio Paravelasco), le 23 juillet 1947.
- Extrait d’un reportage à Bogota de Zoé Berri, dans l’émission « Et pourtant elle tourne » de Jean-Marc Four, sur France Inter, le 28 mai 2010.
- Reportage d’Arnauld Miguet sur la Colombie et l’état d’urgence déclaré par le président Uribe, diffusé dans le Journal de 13h sur France 2, le 12 août 2002.
Bibliographie :
- Yves Saint-Geours et Marie-Danielle Demelas, La vie quotidienne en Amérique du Sud au temps de Simon Bolivar (1809-1830), Hachette, 1987.
- Jean-Pierre Minaudier, Histoire de la Colombie, de la conquête à nos jours, L’Harmattan, 1992.
- « La Colombie et le processus de paix : 3 questions à Guillaume Lasconjarias », in : Politique Etrangère, le 13/09/2016.
- Daniel Pécaut, Les Farc, une guérilla sans fin ?, Lignes de Repères, 2008.
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration