Entre transparence et secret, gouverner au Moyen-âge

Petit Conseil de la ville de Lucerne. Première illustration de la chronique lucernoise de Diebold Schilling,1513.
Petit Conseil de la ville de Lucerne. Première illustration de la chronique lucernoise de Diebold Schilling,1513.
Petit Conseil de la ville de Lucerne. Première illustration de la chronique lucernoise de Diebold Schilling,1513.
Petit Conseil de la ville de Lucerne. Première illustration de la chronique lucernoise de Diebold Schilling,1513.
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La transparence, tout en autorisant l’État à pénétrer là où il n’a que faire, peut rendre difficile l’exercice efficace de ses missions régaliennes. Seule une certaine opacité permet à l’État de demeurer dans les domaines où cela est légitime, le maitre des horloges.

Avec
  • Jean-Baptiste Santamaria Maître de conférences en histoire médiévale à l'université de Lille.

Les nouvelles technologies, qui ont donné aux réseaux sociaux leur prodigieux essor, suscitent désormais une interrogation lancinante : celle qui concerne les vertus et les périls de la transparence, toujours accrue, d’une société par rapport à elle-même. Une transparence qui permet de débusquer, dans l’ordre du politique et de l’économique, divers manquements au pacte social, diverses défaillances morales, diverses turpitudes jusqu’à nos jours trop souvent dissimulées. Mais une transparence qui risque aussi de devenir oppressante pour les individus en livrant leur vie privée à toutes les intrusions de puissances qui les dépassent. Une transparence qui, tout en autorisant l’État à pénétrer là où il n’a que faire, peut rendre difficile l’exercice efficace de ses missions régaliennes. On ne peut jamais gouverner en étant constamment derrière un verre, livré au regard instantané de tous, à l’immédiateté des passions collectives. On ne peut pas conduire une diplomatie sans une bonne part de secret en face des forces qui portent des appétits, des ambitions, des concurrences des autres pays. Seule une certaine opacité, au moins temporaire, au moins partielle, permet à l’État de demeurer dans les domaines où cela est légitime, le maitre des horloges. Je semble parler ici des défis d’une modernité extrême, mais cette problématique est-elle si neuve que cela ? Voilà bien une question qui nous est familière à ce micro. Jean-Baptiste Santamaria, mon invité, maitre de conférences à l’université de Lille, vient de publier un beau livre, où il s’attache à considérer ce que furent les usages du secret par les rois et par les princes de France et de Bourgogne entre le XIIIe et le XVe siècle. Loin, très loin de nous, oh oui ! Et pourtant… Nous allons voir ! Jean-Noël Jeanneney

Programmation sonore : 

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- Extrait du « Procès de Jeanne », adaptation radiophonique de Dominique Gérard, écrite d’après les minutes du procès de Jeanne d’Arc, avec Jeanne Moreau (Jeanne), Jean Marchat (Pierre Cauchon) et François Vibert (Jean Beaupère), le 28 juillet 1953.

- Extrait d’un entretien entre le journaliste Jean-Pierre Elkabbach et le président François Mitterrand, sur France 2, le 12 septembre 1994.

- Lecture d’un extrait des Mémoires de Philippe de Commynes (Livre II, Chapitre VIII), par André Cazalas, dans l’émission Une vie, une œuvre, produite par Philippe Garbit, sur France culture le 14 avril 1988.

- Lecture d’un extrait du Prince de Machiavel (chapitre 19 : « Qu’il faut éviter le mépris et la haine »), par Michel Galabru, enregistré en 1999.

- Lecture d’un texte de Philippe de Commynes, par François Beaulieu, dans l’émission « Le Roman de la Prose » d’André Fraigneau, sur France Inter, le 27 mai 1972.

Bibliographie : 

- Jean-Baptiste Santamaria, Le secret du prince. Gouverner par le secret, France, Bourgogne, XIIe-XVe siècle, Champ Vallon, 2018.

- Jean-Baptiste Santamaria, La Chambre des comptes de Lille de 1386 à 1419  : essor, organisation et fonctionnement d’une institution princière, Brepols, 2012.

- Denis Olivennes et Mathias Chichportich, Mortelle transparence, Albin Michel, 2018.