L’homme et le rat : un étrange commerce

"Les deux rats, le renard et l'oeuf", de Jean de La Fontaine. Illustration Benjamin Rabier (1924)
"Les deux rats, le renard et l'oeuf", de Jean de La Fontaine. Illustration Benjamin Rabier (1924) - Common licence
"Les deux rats, le renard et l'oeuf", de Jean de La Fontaine. Illustration Benjamin Rabier (1924) - Common licence
"Les deux rats, le renard et l'oeuf", de Jean de La Fontaine. Illustration Benjamin Rabier (1924) - Common licence
Publicité

Les relations de l’homme et du rat, à travers les siècles, sont colorées de multiples façons, du plus sinistre au plus touchant. Elles méritent d’être éclairées, par-delà les angoisses et les fantasmes.

« Les rats sont entrés dans Paris ». A lire la presse, ces temps-ci, la tentation surgit de pasticher la célèbre chanson d’Albert Vidalie qu’interprétait naguère Serge Reggiani, et où il était question non pas des rats, mais des loups. Les gazettes ont fait écho à une brutale prolifération des rats dans notre capitale, comme d’ailleurs dans de nombreuses métropoles de la planète. Les spécialistes tempèrent l’inquiétude, mais quand bien même il s’agirait d’une exagération, le fait est qu’on constate bien un accroissement de cette population et qu’il fait renaître une multitude de peurs anciennes, et de fantasmes. 

Nous allons traiter ce matin du commerce complexe qu’au long des siècles l’homme a entretenu avec les rats. On les a accablés d’une responsabilité dans une quantité de désastres sanitaires, mais ils ont aussi porté une symbolique d’une grande diversité. Il est arrivé qu’on leur voue un culte, qu’on se réjouisse de pouvoir les manger, qu’on les ait même apprivoisés comme animaux de compagnie. Les prisonniers leur ont parfois demandé une solidarité de l’ombre. La guerre leur a toujours été propice, celle de 1914-18 étant resté spécifiquement présente dans la mémoire des combattants. Dans les arts et dans la littérature, – et pas seulement au fil des fables d’Ésope ou de La Fontaine- ils affirment leur place avec autorité. La psychanalyse, avec Freud et ensuite, les a promus à sa manière. Le cinéma d’animation et la bande dessinée leur ont fait bon accueil. 

Publicité

Les rats méritent peut-être, en somme, qu’on leur rende justice et en tout cas qu’on en pondère la malignité. J’ai convié à cette fin Éric Baratay, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Lyon 3, dont les familiers de cette émission savent, car je l’y ai plusieurs fois convié, qu’il a su installer l’histoire des animaux au cœur de notre curiosité sur le passé.

Archives sonores

  • Lecture d'une Fable de La Fontaine Les deux rats, le renard et l’œuf, par Jean-Pierre Arbon.
  • Lecture d'un extrait de La Peste (1947) d'Albert Camus dans une émission de Véronique Cohen consacrée aux rats sur France Culture le 3 mai 2006.
  • Archive phonographique de Maurice Genevoix du 26 juin 1951 expliquant ce que représente le rat dans l'imaginaire des humains.
  • Chanson Le petit rat de l'opéra, paroles de Henri Kubnick, interprétée par Jacques Hélian et Ginette Garcin en 1948.
  • Lecture d'un extrait des Mémoires d'un rat (1917) écrit par Pierre Chaine et lu par Gëtan Jor dans les "Lundis de l'histoire" sur France Culture le 22 mai 1967.

Bibliographie

  • Eric Baratay, Bêtes des tranchées, CNRS éditions, 2013. Coll. Biblis, 2017
  • Michel Dansel, Notre frère des ténèbres : le rat, édition Critérion, 1994
  • Robert Delort, Les animaux ont une histoire, Seuil, 1984
  • Frédéric Audouin-Rouzeau, Les chemins de la peste : le rat, la puce et l'homme, PUR, 2003
  • Articles : Robert Delort, "La peste soit du rat", L'Histoire, mensuel, janvier 1985
  • Olivier Thomas, "Les rats sont entrés dans Paris", à paraître dans l'Histoire, avril 2020

L'équipe