

L'écho de la Terreur résonne encore. C'est à son aune que l'on examine toute l'histoire du monde, que l'on condamne ordinairement les utopies et les totalitarismes, que l'on pèse les choix politiques... Comment la Terreur devint-elle la naissance de notre modernité ?
- Jean-Clément Martin historien, professeur émérite de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Après les controverses passionnées qui ont marqué le Bicentenaire de la Révolution française, voici déjà un quart de siècle, on avait pu croire, quelque temps, à une certaine érosion de la curiosité savante pour cette époque fondatrice.
Eh bien, pas du tout ! L'événement révolutionnaire fut de si immense portée qu'il a bientôt retrouvé un très vif attrait intellectuel, un attrait dont témoignent des publications de grande qualité - non sans qu'on ait constaté un certain déplacement de l'intérêt aux dépens de l'histoire des idéologies et des forces politiques et au profit de celle des émotions, des représentations, des enchaînements imprévisibles.
Les travaux récents d'Antoine de Baecque, Timothy Hackett, Guillaume Mazeau, Annie Jourdan, Sophie Wahnich, pour ne citer que ceux-là, témoignent de cette énergie renouvelée. Le film de Pierre Schoeller, Un peuple et son roi, qui vient de sortir sur les écrans, s'inscrit dans la même ligne.
Au demeurant, en dépit de l'évolution des éclairages, il est un thème qui n'a pas cessé de parcourir l'historiographie, de génération en génération, un thème lancinant, obsédant : la question de la Terreur et de sa portée, sur-le-champ et depuis lors. La Terreur et sa trace : cette trace est pluriséculaire et elle appartient tout droit, par-là, à notre émission.
La publication récente d'un ouvrage précieux, vigoureux, par moments iconoclaste, m'a incité à nous y consacrer ce matin. L'auteur, mon invité, en est Jean-Clément Martin, professeur émérite à la Sorbonne, où il a dirigé le prestigieux Institut d'Histoire de la Révolution française.
Son livre s'intitule Les Échos de la Terreur et il porte un sous-titre en forme d'oxymore : Vérités - au pluriel - d'un mensonge d'État. Un oxymore qu'il va nous falloir éclairer, comme aussi les deux dates que l'auteur a affichées : 1794-2001. 2001 ? Serait-ce donc, du côté du World Trade Center, une clôture, un aboutissement ? La fin des terroristes ? Sûrement pas ! La fin de la Terreur comme principe, comme système ou comme fascination ? Voilà qui reste à démontrer et c'est un défi, entre autres, que je vais proposer à mon interlocuteur.
Archives sonores
- Chanson « Salut, 9 Thermidor » de Méhul et Marie-Joseph Chénier (1795), interprétée par Jean-Christophe Benoît, diffusée dans l’émission « L’histoire de France par les chansons », le 21 mars 1961.
- Description par Bertrand Barère des derniers moments de Robespierre (extrait de ses Mémoires publiés vers 1820), lue par François Chaumette dans « Les Lundis de l’Histoire » de Pierre Sipriot, sur France culture, le 13 février 1967.
- Extrait de La Mort de Danton de Georg Büchner (1835), dialogue entre Robespierre (Jean Vilar) et Danton (Jean Davy), mise en scène de Jean Vilar, enregistré au Festival d’Avignon, le 15 juillet 1948.
- Extrait de Le femme au collier de velours d’Alexandre Dumas (1850), réalisé par Jean-Mathieu Zand, dans l’émission « Samedi noir » de Blandine Masson, sur France culture, le 16 mai 2015.
- Lecture par Henri Poirier du discours de Georges Clemenceau à la Chambre en 1891, à propos de la pièce Thermidor de Victorien Sardou, dans Frissons fin de siècle de Jean-Pierre Rioux, sur France culture, le 18 juillet 1990.
Bibliographie
- Jean-Clément Martin, Les échos de la Terreur. Vérités d’un mensonge d’Etat (1794-2001), Belin, 2018.
- Jean-Clément Martin, Robespierre. La Fabrication d’un monstre, Perrin, 2016.
- Jean-Clément Martin, La Terreur. Vérités et légendes, Perrin, 2017.
- Jean-Clément Martin, La Terreur. Part maudite de la Révolution, Découvertes Gallimard, 2010.
- Jean-Clément Martin, La machine à fantasmes. Relire l’histoire de la Révolution française, Vendémiaire, 2012.
- Jean-Clément Martin, Philippe Joutard, Camisards et Vendéens, Alcide, 2018.
- Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Gallimard, nrf essais, 1989.
- Michel Biard, Hervé Leuwers (dirs.), Visages de la Terreur. L’exception politique de l’An II, Armand Colin, 2014.
- Michel Biard (dir.), Les politiques de la Terreur, 1793-1794, Rennes, Presses universitaires, 2008.
- Marc Belissa et Yannick Bosc, Robespierre. La fabrication d’un mythe, Ellipses, 2013.
- Cécile Obligi, Robespierre. La probité révoltante. Paris, Belin, 2012
- Hervé Leuwers, Robespierre, Fayard/Pluriel, 2016.
- Martial Poirson (dir.), La Révolution française et le monde d’aujourd’hui : mythologies contemporaines, Paris,Classiques Garnier, collection « Rencontres », 2014.
- Martial Poirson (dir.), La Terreur en scène : dramaturgies critiques et pratiques scéniques de l’Histoire, Études Théâtrales n°59, Louvain-la-Neuve, Printemps 2014.
- Jacques Hussenet (dir.), « Détruisez la Vendée ! », La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques, 2007
- Jean-Numa Ducange, La Révolution française et l’histoire du monde. Deux siècles de débats historiques et politiques, 1815-1991, Armand Colin, coll U., 2014
- Jenny Raflik, Terrorismes et mondialisation, Gallimard, 2016.
- Antoine de Baecque, La Révolution terrorisée, CNRS éd., 2017
- Timothy Tackett, Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire (1787-1793), Seuil, 2018.
- Annie Jourdan, Nouvelle histoire de la Révolution,Flammarion, 2018.
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