Le sucre, doux et mortel

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"Le sucre, comme poison" voilà le titre d’une quantité d’articles qui ont prospéré ces dernières semaines, selon l’une de ces pulsions collectives qui surgissent de temps en temps. Une mode soudaine, mais qui ne porte pas moins probablement sa part de vérité et qui appelle une perspective historique

Avec
  • Florent Quellier Professeur d’histoire moderne à l’Université d’Angers, spécialiste de l'histoire de l'alimentation

Pendant qu’en bon nombre, mes chères auditrices, mes chers auditeurs, vous êtes en train, tout en écoutant cette émission, de dissoudre avec votre cuillère un morceau de sucre dans votre tasse de thé ou de café matinale, j’hésite à vous lire le texte que j’ai sous les yeux, et pourtant je dois m’y résoudre. Il s’agit d’un extrait du Traité des dispenses du Carême dans lequel on découvre la fausseté des prétextes qu’on apporte pour les obtenir, un livre publié en 1709 par un médecin janséniste du nom de Philippe Hecquet. Son propos concerne le sucre, dont la consommation est à ses yeux exécrable, et pas seulement durant le temps où doivent jeûner les Chrétiens. « Sa douceur, nous dit notre auteur, en fait le danger, parce qu’il corrige presque tous les désagréments de quelque nourriture que ce soit ; mais le piège est d’autant plus à craindre qu’il est familier, qu’il ne cache pas moins de malignité pour être doux et agréable ; après tout l’arsenic est fresque fade, et les plus mortels poisons ne sont pas les plus déplaisants au goût. On ne saurait donc trop craindre le sucre ; s’il plaît, ce n’est que pour mieux surprendre ». « Le sucre, comme poison », voilà exactement le titre d’une quantité d’articles qui ont prospéré ces dernières semaines, selon l’une de ces pulsions collectives qui surgissent de temps en temps. Une mode soudaine, mais qui ne porte pas moins probablement sa bonne part de vérité et qui appelle en tout cas une perspective historique. Celle-ci permet, nous allons le voir, de découvrir qu’au long des siècles, le sucre, du côté de la production et surtout du côté de la consommation, s’est proposé constamment à l’humanité comme fort ambivalent, à la rencontre d’expériences, de désirs et de rejets multiformes. Florent Quellier, maître de conférences à l’Université François-Rabelais de Tours, est titulaire d’une chaire CNRS d’histoire de l’alimentation des mondes modernes. Il est compétent, il est gourmet, il est allègre, il est devant moi. Jean-Noël Jeanneney

Programmation sonore :

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- Chanson « Praline et bonbon » par Luis Mariano, paroles de Maurice Darnell, 1956.

- Lecture d’un texte d’Albert d’Aix (chroniqueur du XIIe siècle), par Jean-Claude Michel, sur France culture, le 22 août 1980.

- Lecture d’un extrait de Physiologie du goût de Brillat-Savarin (1826), par Jean-Claude Michel, sur France culture, le 22 août 1980.

- Chanson publicitaire du « Chocolat Mignot », par Pierre Daragon, 1933.

- Lecture d’un extrait de Candide de Voltaire (1759), par Michel Bouquet et Jacques Mauclair, sur Radio bleue, 18 novembre 1993.

- Reportage d’Emmanuelle Steels au Mexique, France inter, 28 janvier 2016.

- Générique de fin : air du film Mary Poppins, version française par Eliane Thibault, 1966.

Bibliographie : 

- Florent Quellier, Festins, ripailles et bonne chère au Grand Siècle, Belin, 2015.

- Florent Quellier, Gourmandise, histoire d’un péché capital, Armand Colin, 2010.

- Maud Villeret, Le goût de l’or blanc. Le sucre en France au XVIIIe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2017.

- Sidney W. Mintz, La douceur et le pouvoir. La place du sucre dans l’histoiremoderne, Editions de l’université de Bruxelles, 2014 (édition originale en anglais en 1985).

- Jean Meyer, Histoire du sucre, Desjonquères, 1989.

- Claude Fischler, L’homnivore, Odile Jacob, 1990.

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