Nationalismes d'Europe : loin en arrière

Fête nationaliste au château de Hambach (Palatinat), le 27 mai 1832
Fête nationaliste au château de Hambach (Palatinat), le 27 mai 1832
Fête nationaliste au château de Hambach (Palatinat), le 27 mai 1832
Fête nationaliste au château de Hambach (Palatinat), le 27 mai 1832
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Les identités nationales ne sont pas des faits de nature, mais de construction. Ancêtres fondateurs, histoire, langue, paysages, folklore... Sa mise au point fut la grande œuvre commune menée en Europe durant les deux derniers siècles.

Avec

Voici quelques jours à peine, Emmanuel Macron, s'adressant à la nation qu'il dirige, a eu, à la télévision, cette formule radicale et impressionnante : "l'Europe bascule presque partout vers les extrêmes et à nouveau elle cède aux nationalismes". 

Les Enjeux internationaux
10 min

Puisque ce sentiment se répand de la sorte, et non sans quelques motifs, il m'a semblé nécessaire et utile d'aller traquer ces nationalismes-là en arrière, en remontant jusqu'aux origines de leur émergence, au temps où s'affirmèrent les ressorts de leur future extension. Autrement dit jusqu'au XIXe siècle qui, dans la suite de la Grande Révolution française, fut celui de la remise en cause des hiérarchies politiques traditionnelles, ces hiérarchies que, dans l'Ancien régime, les souverains tout à la fois surplombaient et incarnaient. 

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Comme toujours les mots ont leur charge d'ambiguïté. Fait national, nationalités, identités nationales, patriotisme : dans ce champ on glisse aisément d'un comportement à un autre, d'une fierté portant une morale universelle au repli sur soi et à des ambitions expansionnistes, parfois racistes. L'ambivalence du terme d'"identité" éclaire cela spécialement. 

C'est donc de définitions qu'il va donc falloir d'abord se préoccuper pour savoir de quoi l'on parle, en bonne ou en mauvaise part. Avant d'évoquer, sous cette lumière spécifique, quelques-uns des grands mouvements de l'histoire européenne jusqu'après la Première guerre mondiale. 

Il se trouve que mon invitée, Anne-Marie Thiesse, directrice de recherches au CNRS et spécialiste d'histoire culturelle, s'est penchée de longue date sur ces questions intellectuellement complexes et civiquement capitales. Avec elle, nous allons tâcher de démêler dans la durée quelques-uns de ces fils entrelacés.

Archives sonores

- Lecture d’un extrait de « Qu’est-ce que la Nation ? » d’Ernest Renan, conférence donnée en Sorbonne le 11 mars 1882, par Yves Fabrice dans l'émission « Les Chemins de la connaissance » de Jacques Munier sur France culture le 5 septembre 2015.

- Lecture d’un rapport de l’abbé Grégoire de 1794 (à propos de l’anéantissement des patois), lu par Sylvain Solustri dans l’émission « Tire ta langue » d’Antoine Perraud sur France culture, le 2 octobre 1996.

- Lecture d’un extrait du Kavela d’Elias Lönnrot (1835), diffusée dans l’émission « L’autre scène ou les vivants et les Dieux » de Claude Mettra sur France culture le 9 juin 1980.

- Lecture d’un extrait du Tour de France par deux enfants de G. Bruno (1877), par Paul-Emile Deiber dans l’émission « Les Lundis de l’Histoire » de Pierre Sipriot, le 5 octobre 1970.

- Lecture de La mort de Chauvin, extrait des Contes du lundi d’Alphonse Daudet (1880), par Daniel Kenigsberg, dans « La Fabrique de l’Histoire » d’Emmanuel Laurentin sur France culture le 15 septembre 2000.

Bibliographie

- Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales. Europe XVIII-XXe siècle, Points Seuil, 2001. 

- Anne-Marie Thiesse, Faire les Français. Quelle identité nationale ?, Stosk, 2010.

- Anne-Marie Thiesse, Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1997.

- Anne-Marie Thiesse, Le roman du quotidien. Lecteurs et lectures populaires à la Belle Epoque, Le Chemin vert, 1984.

- Ernest Gellner, Nations et nationalisme, Payot, 1989.