Périclès, dès son temps, est apparu pour certains comme l'incarnation de la démocratie, et pour d'autres comme celui qui l'en a dépossédé. Le portrait le plus négatif l'a longtemps emporté, on l'a largement oublié, jusqu'au milieu du XIXe siècle au moins...
- Vincent Azoulay Directeur d’études à l’EHESS, directeur de la rédaction de la Revue Les annales, historien et anthropologue de la Grèce ancienne.
Sous l'effet de la crise des gilets jaunes et de l'évolution préoccupante de plusieurs pays membres de l'Union européenne, à l'Est, on voit surgir, ces temps-ci, dans les journaux et sur les tables des libraires, de nombreux écrits qui s'interrogent à nouveaux frais sur la démocratie, sur ses origines, sur ses ressorts, sur ses ambiguïtés, sur ses fragilités. Avec le risque, comme toujours, d'embellir le passé en oubliant les tensions qui n'ont pas cessé de traverser les nations ou les cités qui ont adopté ce régime, au long des âges.
Parce que le mieux est souvent d'en revenir aux origines, nous allons remonter jusqu'à la Grèce antique, jusqu'à l'Athènes de Périclès. Nos manuels scolaires, en parlant du "siècle de Périclès" pour définir le Ve siècle avant Jésus Christ, ont figé ce grand homme, stratège et homme d'État, dans la position respectée et quelque peu abstraite d'un père de la démocratie.
Mais à peine s'approche-t-on de lui – comme nous allons le faire avec Vincent Azoulay, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, son biographe – à peine s'approche-t-on de lui qu'on constate la complexité de cette histoire.
Périclès, dès son temps, est apparu, pour certains, comme l'incarnation de la démocratie organisant généreusement et efficacement le pouvoir du peuple et pour d'autres, en fait plus nombreux, comme celui qui l'en a dépossédé, en réalité, selon diverses dérives. Distance élitaire, démagogie d'une éloquence, concentration de l'autorité au profit d'un seul, violence colonialiste au-dehors, tels sont les éléments principaux d'un portrait à charge qui a connu une grande prospérité après la mort de notre personnage. Le plus négatif l'a longtemps emporté, on l'a largement oublié, jusqu'au milieu du XIXe siècle au moins, et, comme il advient toujours, les variations du destin posthume de Périclès ont beaucoup à nous dire sur les avatars du principe même de la démocratie et sur ses nombreuses malaventures.
Archives sonores
- Lecture d'un extrait de l'oraison funèbre prononcée par Périclès, dans L'Histoire de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide, diffusé dans "Une vie, une œuvre" de Pascale Lismonde sur France Culture, le 27 novembre 1997.
- Marcel Jouhandeau lit un extrait des Vies parallèles de Plutarque, dans "Le Livre de Chevet", sur France culture, le 4 octobre 1966.
- Denis Podalydès lit le dernier discours de Périclès, extrait de La Guerre du Péloponnèse de Thucydide, dans "Ça peut pas faire de mal" de Guillaume Gallienne, sur France Inter, le 21 avril 2012.
- Paul-Emile Deiber lit un texte de Plutarque dur Périclès, dans "Analyse spectrale de l'Occident", le 29 mars 1958.
- Lecture par Jean-Pierre Leroux d'un article de Camille Desmoulins paru dans Le vieux Cordelier en janvier 1794, dans "Les Lundis de l'Histoire" de Jacques Le Goff, sur France culture, le 11 juin 1990.
Bibliographie
- Vincent Azoulay, Périclès. La démocratie athénienne à l'épreuve du grand homme, Armand Colin, 2010.
- Claude Mossé, Périclès : l'inventeur de la démocratie, Payot, 2005 (rééd.).
- Donald Kagan, Périclès : la naissance de la démocratie, Tallandier, 2008.
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