Une loi mémorielle impose aux citoyens polonais depuis fin janvier 2018 une vision spécifique du passé. Cette loi a attiré l'attention de l'Europe entière sur la complexité des relations que ce pays entretient avec son passé et sur les controverses ardentes qu'elles suscitent.
- Jacques Rupnik Historien, politologue, directeur de recherche émérite au CERI/Sciences Po
C'est toujours, nous le savons bien, un sujet de curiosité, de réflexion et souvent d'inquiétude, que la manière dont une société et ses gouvernants malaxent le passé pour le faire servir à des desseins contemporains. Il s'agit au premier chef de ces fameuses lois mémorielles qui se mêlent d'imposer aux historiens, aux journalistes et en somme à l'ensemble des citoyens une vision spécifique de ce qui fut, au service de ce que l'État voudrait faire de la nation, à plus ou moins bon escient.
Au début de 2018, en Pologne, une loi a été adoptée, punissant d'un maximum de trois ans de prison "l'attribution à la nation ou à l'État polonais, en dépit des faits, la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis" commis contre les Juifs pendant la guerre. La loi a été ensuite adoucie, mais elle a attiré l'attention de l'Europe entière sur la complexité des relations que ce pays entretient avec son passé et sur les controverses ardentes qu'elles suscitent.
Tel est donc notre sujet d'aujourd'hui. Nous allons traiter des brûlures de l'Histoire en Pologne, non sans élargir notre curiosité vers un passé bien antérieur à la Seconde guerre mondiale, jusqu'aux multiples malheurs dont le peuple et son territoire ont été frappés à travers les siècles et qui ont laissé naturellement des traces profondes.
J'aime à vous faire profiter, à cette fin, de la compétence rare de Jacques Rupnik. Directeur de recherches au Centre d'études internationales de Sciences Po, le CERI, il est aussi professeur invité au fameux Collège d'Europe de Bruges. Il est un excellent connaisseur de l'ensemble de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est et, avec lui, nous ne nous interdirons certainement pas d'élargir la focale au-delà de la seule Pologne vers les pays alentour. France Culture fait souvent appel à sa compétence. Mais aujourd'hui, il est ici. Tant mieux ! Jean-Noël Jeanneney
Programmation sonore :
- Lecture d’une lettre de Stephen Pichon, Ministre des Affaires étrangères de Clemenceau, datée du 23 février 1919, adressée à Ignace Paderewski, Ministre des Affaires étrangères polonais, diffusée le 30 novembre 1968.
- Chanson « Les Adieux des chasseurs à cheval de la Garde Impériale aux Lanciers polonais » (1814-1815), par Aimé Donat.
- Lecture du discours de Joseph Pilsudski aux représentants des partis de la Diète, prononcé le 29 mai 1926, par André Seweryn, le 24 décembre 1982.
- Découverte du massacre de Katyn, "France Actualités", le 7 mai 1943, suivi d’une interview de Bronislaw Geremek lors de la reconnaissance de ce massacre par l’URSS, le 3 avril 1990.
- Varsovie fête l’achèvement de la reconstruction de son centre historique, "Les Actualités françaises", le 27 août 1953.
- Reportage à Gdansk sur une manifestation interdite qui commémorait les morts des émeutes de 1970, Antenne 2, le 16 décembre 1982.
Bibliographie :
- Jacques Rupnik, L’autre Europe, crise et fin du communisme, Odile Jacob, Points Seuil, 1993.
- Jacques Rupnik, Les Européens face à l'élargissement : perceptions, acteurs, enjeux, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
- Daniel Beauvois, La Pologne. Des origines à nos jours, Seuil, 2010.
- Daniel Beauvois, La Pologne : histoire, société, culture, Éditions de La Martinière, Paris, 2004.Réédité en 2005.
- Daniel Beauvois, Jerzy Kłoczowski et Yves-Marie Hilaire, Regards sur l'indomptable Europe du Centre-Est du XVIIIe siècle à nos jours, Revue du Nord, Paris, 1996.
- Roger Portal, Irène Jacqz, Bronisław Geremek, Jean Hugonnot, « La Pologne des origines à nos jours », dans Les Cahiers de l'Histoire, no 44 (spécial), mars 1965.
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