Épisode 12/28 : Trois fois rien

Une fois de plus tout a commencé par un rêve, probablement composé d’inénarrables péripéties, dont au réveil ne demeuraient que quelques mots : trois fois rien. Raymond Devos avait déjà remarqué que “rien” c’est quand même beaucoup plus que “moins que rien” et qu’en plus on pouvait le multiplier : 

Une fois rien, c’est rien. Deux fois rien, c’est pas beaucoup. Mais trois fois rien !...

Publicité

Oui, avec trois fois rien, une fortune peut vous tomber entre les mains… Et c’est riche de ce trésor que nous avons envisagé cet essai, tentant de faire pousser à partir de ce viatique des fruits aussi goûteux que possible. Le minimalisme (le tempérament de celles et ceux qui tirent des feux d’artifice à partir de trois fois rien) suppose de subtiles mises au point révélant de beaux détails (et donc une forme inattendue de maximalisme). On se trouve toujours entre la réserve, le désir de dire peu et le déballage intégral de ce qui nous hante. Trois fois rien, c’est déjà tout un monde et même plusieurs mondes… 

L’été dernier, si chaud (voire caniculaire), le poète américain Ron Padgett a eu la bonne idée de traverser l’Atlantique. Nous lui avons donné rendez-vous dans un café, en plein air, là où on avait encore la possibilité de respirer. Il en a profité pour nous inciter à devenir parfaits. Puis, comme pour tout essai, nous avons suivi le chemin labyrinthique des hasards heureux. 

La forme simple qui incite depuis une vingtaine d’années le travail du peintre Pierre Mabille nous a conduit à évoquer son amour des listes qu’il partage avec Clémentine Mélois, artiste oulipienne débordante d’inventivité (notamment à partir de listes de commissions ramassés au sol des supermarchés). Et enfin, ce goût partagé pour trois fois rien nous a fait rencontrer cette créature aussi subtile et profonde que tracée de peu de signes que Perrine Rouillon a nommée : la petite personne. Les jeux étaient faits. Une fois Ron Padgett reparti dans le Vermont, ses traducteurs et éditeurs, Olivier Brossard et Claire Guillot, sont venus nous éclairer à propos de celui qui recommande : 

Occupez-vous d’abord des choses qui sont à portée de main. Rangez votre chambre avant de sauver le monde. Ensuite, sauvez le monde.

Tout un programme ! Qui est au fond celui de cet essai radiophonique… Qui aura bientôt une suite – indépendante, mais solidaire – intitulée Mille fois tout.

Avec :

Ron Padgett (Comment devenir parfait, suivi des poèmes de Paterson, film de Jim Jarmusch ; Le grand Quelque Chose ; On ne sait jamais – poèmes traduits par Claire Guillot et Olivier Brossard pour la Collection américaine aux éditions Joca Séria) 

Claire Guillot et Olivier Brossard (directeur de la Collection américaine aux éditions Joca Séria)

Pierre Mabille (peintre et écrivain – On fait comment, Lyrics, aux éditions Le bleu du ciel ; C’est cadeau, éditions Unes)

Clémentine Mélois (artiste et écrivaine – Cent titres ; Sinon j’oublie, Grasset)

Perrine Rouillon (artiste, "dessinautrice" – La petite personne, éditions Thierry Marchaisse)

Musiques et partition sonore : Christian Rosset. II B.S. et Theme for Lester Young de et par Charlie Mingus

Remerciements à Andréa Cohen pour l’enregistrement de Ron Padgett.

Production Christian Rosset

Réalisation Gaël Gillon

Mixage Éric Boisset