Favoriser la concurrence entre banques? Chiche!

Dans le secteur bancaire la concurrence n'est pas libre et non faussée
Dans le secteur bancaire la concurrence n'est pas libre et non faussée ©Fotolia
Dans le secteur bancaire la concurrence n'est pas libre et non faussée ©Fotolia
Dans le secteur bancaire la concurrence n'est pas libre et non faussée ©Fotolia
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Bercy lance un comparateur des tarifs bancaires pour favoriser la concurrence dans le secteur. Tant que le secteur reste fermé, et les numéros de compte non transférables d'une banque à une autre, toute concurrence réelle est illusoire.

Bercy va mettre en ligne aujourd'hui un comparateur de tarif bancaire qui permettra de comparer 11 tarifs appliqués par les banques. Michel Sapin présente ce comparateur comme une réponse à l’augmentation des frais de tenue de compte dans plusieurs banques au 1er janvier, dont les deux plus grandes: BNP Paribas et Société générale.

"Les prix sont libres" expliquait le ministre des Finances lors de ses voeux à la presse, "ce qu’il faut c’est favoriser la concurrence en favorisant l’accès à l’information". C’est vrai qu’aujourd’hui si on prend les plaquettes de deux banques et qu'on cherche à comparer les tarifs, il y a de quoi s’arracher les cheveux. Néanmoins ce comparateur bancaire ne changera pas grand chose. Il donne simplement l’illusion de l’action.

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Le comparateur bancaire: une idée européenne

Ce comparateur bancaire est une obligation fixée par une directive de l’Union Européenne, pas du tout une initiative française. Et puis, sur les frais de tenue de compte, que va nous dire ce comparateur? Qu'ils augmentent dans toutes les banques ou presque. L'autorité de la concurrence a d'ailleurs été saisi pour voir s'il n'y avait pas une entente à ce sujet.

Mais ça n'est pas ça le plus important. Ce qu'il faut comprendre c'est que le secteur bancaire est un secteur où les règles classiques de concurrence ne s'appliquent pas.

Les barrières à l'entrée, pour de nouveaux acteurs sont considérables. Il faut un agrément pour exercer et c'est très difficile à obtenir. Voir ici la procédure à mener auprès de l'ACPR, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution. La NEF, une société coopérative qui cherche à devenir une banque éthique et environnementale demande l'agrément pour tenir des comptes depuis 20 ans, et elle ne l'obtient pas. Ses garanties ne sont pas suffisantes, il faut qu'elle soit liée à une banque déjà agréée pour l'obtenir, ce qui limite, la portée de son projet alternatif. Voilà pourquoi les banques en ligne sont souvent des filiales de banques existantes ou étrangères. Voilà aussi pourquoi le secteur est si concentré. Six grands groupes gèrent 80% des comptes bancaires.

Vide juridique pendant 20 ans

Ce qui explique cette concentration, c'est aussi que le secteur bancaire a bénéficié d'un vide juridique pendant 20 ans. En 1984 une loi bancaire a soustrait les activités bancaires du champ d’application du droit de la concurrence et il a fallu attendre 2003, pour qu'un arrêt du conseil d'état viennent rappeler ce vide, ce qui a obligé le législateur a faire rentrer de nouveau le secteur bancaire dans le droit commun sur les concentrations. Voir ici page 16 dans ce compte rendu d'un colloque organisé par la DGCCRF sur le secteur bancaire et la concurrence. 

Le secteur bancaire aura donc passé 20 ans hors la loi en quelques sorte. 20 ans pendant lequel il a eu le temps de se concentrer. Souvenez-vous, il a même un temps été question de voir BNP Paribas absorber la société générale. Pour toutes ses raisons on ne peut pas parler de concurrence réelle dans le secteur bancaire.

Client captif

La mobilité bancaire est ce qu'on appelle un sujet serpent de mer, toujours évoqué, jamais résolu. 3% de Français changent de banques chaque année, c'est trois fois moins que la moyenne européenne. Difficile de résister aux pressions du banquier qui vous assure que vous êtes obligés d’avoir un compte chez lui s'il vous a octroyé un crédit immobilier. Dommage d’abandonner, en fermant votre compte, votre vieux PEL rémunéré à plus de 3%.

Certes, on a supprimé les frais de fermeture compte, certes, en 2017, les banques vont devoir vous aider à transférer vos prélèvements et vos virements (certaines ont déjà commencé), mais c'est encore cosmétique comme mesure. Ce qu'il faudrait, c'est faire avec son numéro de compte en banque comme avec son numéro de téléphone, c'est à dire le garder, quelque soit sa banque. On appelle cela la portabilité du numéro de compte, mais un rapport à enterré le sujet il y a un an. Il a été rédigé par Inès-Claire Mercereau, conseiller référendaire à la Cour des comptes et ancienne PDG de Boursorama.

L’ultime choix pourrait être de ne pas avoir de compte en banque mais là encore c’est impossible. Depuis 1977 la loi vous oblige à être détenteur d’un compte pour toucher votre salaire ou les prestations sociales.

Vous voilà cernés, rackettés disent certaines associations, mais avisés dorénavant, grâce au comparateur bancaire.

 

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