L’art du savon d’Alep

Le savon d' Alep est un produit naturel réalisé avec de l'huile de baies de laurier en Syrie par des artisans savonniers .
Le savon d' Alep est un produit naturel réalisé avec de l'huile de baies de laurier en Syrie par des artisans savonniers . ©Getty -  Friso Gentsch/picture alliance
Le savon d' Alep est un produit naturel réalisé avec de l'huile de baies de laurier en Syrie par des artisans savonniers . ©Getty - Friso Gentsch/picture alliance
Le savon d' Alep est un produit naturel réalisé avec de l'huile de baies de laurier en Syrie par des artisans savonniers . ©Getty - Friso Gentsch/picture alliance
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La madeleine de Proust d'un Alépin en exil, c'est l'odeur du savon. Avec elle, il retrouve son enfance et, au-delà, le passé millénaire de sa ville et de ses traditions.

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La tragédie qui frappe aujourd’hui la Syrie, et notamment la ville d’Alep, est une raison de plus qui nous ordonne de faire connaître un peuple dont le savoir-faire qui occupe ses mains témoigne de l’intemporel et de l’immémorial.

Le savon d’Alep, ce petit cube de matière lisse aux nuances de vert inimitables, nous introduit dans les profondeurs d’une civilisation qui remonte jusqu’à Sumer. Munis de ce cube, nous nous promenons à travers les caravansérails, à la croisée de l’Orient et de l’Occident nous rencontrons la diversité humaine à l’ombre de l’urbanisme des souks, de l’architecture des hammams et des bimaristans (établissement où l’on traitait les fous dans la tradition médicale d’islam).

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Nous retrouvons l’ampleur des oliveraies et les richesses du désert. Huile d’olive, salicorne, baie de laurier : chacun des ingrédients qui entre dans la composition du savon d’Alep nous amène à découvrir un monde géographique et humain qui s’étend jusqu’à 300 km de la ville. L’on passe ainsi des Kurdes et des Bédouins aux Arméniens du désert aux environs de Palmyre aux collines qui jouxtent la côte méditerranéenne au bord des frontières turques sans oublier la zone des villes byzantines restées intactes suite à leur abandon soudain au VIIe siècle.

Tous ces espaces sont sollicités pour pénétrer les secrets de fabrication de ce savon. Dès lors, nous sommes en mesure d’être initiés à son savant dosage, à sa cuisson lente, au coulage de la matière à même le sol de vastes salles, au rituel et à la technique de la découpe, au tamponnage (les savons sont frappés comme on frappe la monnaie), au séchage qui dure au moins neuf mois, à la conservation enfin (comme le vin, le savon d’Alep est élevé et son vieillissement apprécié).

Le savon a-t-il une âme, lui qui, dans nos mains, passe de l’être au néant à mesure qu’on en use ? N’est-il pas aussi un agent purificateur, au physique et au moral ?

« Mais le plus merveilleux, c’est qu’on sorte de ces exercices les mains plus pures. Voilà la grande leçon. » (Francis Ponge, Le savon,  Gallimard, 1967).

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