Le qawwâli de Nusrat Fatih Khan

France Culture
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Avec
  • Pierre-Alain Baud chercheur et conseiller artistique

Notre invité est un témoin privilégié de la musique et du chant de Nusrat Fatih Khan avec qui il a travaillé pendant plusieurs années contribuant à organiser certaines de ses tournées internationales et le fréquentant assidûment au Pakistan. Nous écouterons certains fragments de *qawwâli * chantés par Nusrat que nous commenterons avec notre invité : 1. *Allah hoo, * CD produit par Real World de Peter Gabriel (1988, 1992) 2. *Kafi, * poème de Bullen Shah (1680-1753) : « Je partirai avec le yogi », vol. V, Ocora, 1988 3. *Must Must, * CD Real World, 1990 4. *Kafi, * poème en pendjabi : « Je suis éprise d’un indifférent », vol. V, Ocora, 1988.

Et quoi de plus pertinent que de citer le journaliste tunisien Khaled Tebourbi pour caractériser l’immensité de la voix de Nusrat telle qu’il l’a entendue dans le théâtre romain de Carthage un soir d’été en 1994 : « … l’essentiel, la quintessence de ce que peut, de ce que doit être le chant de l’humain … Il faut écouter, rien qu’écouter… Nulle halte permise, nul repos autorisé : c’est une incroyable succession de thèmes et de techniques connus : crescendos et décrescendos d’une précision et d’une justesse stupéfiantes, jeux d’intervalles vocaux à faire pâlir ténors et cantatrices d’ici et d’ailleurs, superpositions et chevauchements de tonalités et de procédés parfaitement inédits : « vrilles », distorsions, contorsions gestuelles, vocales même, jaillissant comme de l’intérieur de l’être… Qu’ils aient chanté le *dhikr, * le *nâât * ou les *mankabet, * Nusrat et son groupe ont merveilleusement restitué les différents états de l’initiation soufie en interprétant dans un parfait souci de progression les expressions de recueillement et d’humilité (tonalités graves, chuchotements et murmures impressionnants de symétrie et de profondeur spirituelle), les incantations de la supplique (fulgurances vocales, registres aigus, remarquables élévations des voix, en unisson et en polyphonies, à donner des frissons !) et les accents d’allégresse et jubilation caractéristiques de l’extase mystique, la répétitivité et la circularité obsessionnelles des percussions et des rythmes conduisent droit à la légèreté des sens et au transport joyeux de l’être… »

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Bibliographie :

Pierre-Alain Baud, *Nusrat Fateh Ali Khan, le messager du qawwali, * Editions Demi-Lune, collection « Voix du monde », 2008