Allemagne : de la repentance à la remilitarisation : épisode 2/4 du podcast Mai 1945, mémoires politiques

Le chancelier allemand Olaf Scholz devant un soldat tchèque le 5 mai 2022
Le chancelier allemand Olaf Scholz devant un soldat tchèque le 5 mai 2022 ©AFP - Tobias SCHWARZ
Le chancelier allemand Olaf Scholz devant un soldat tchèque le 5 mai 2022 ©AFP - Tobias SCHWARZ
Le chancelier allemand Olaf Scholz devant un soldat tchèque le 5 mai 2022 ©AFP - Tobias SCHWARZ
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Entre rappel honteux des atrocités commises et célébration heureuse de la fin du totalitarisme, la célébration du 8 mai 1945 rencontre forcément un écho contrasté et ambivalent en Allemagne. Dans un contexte de remilitarisation, quelle portée politique et symbolique donner à cette journée ?

Entre rappel honteux des atrocités commises et célébration heureuse de la fin du totalitarisme, la célébration du 8 mai 1945 rencontre forcément un écho contrasté et ambivalent en Allemagne, pays marqué au fer rouge par l’héritage du IIIème Reich. Érigée en contre-modèle du communisme de la RDA ou de la social-démocratie ouest-allemande, la barbarie nazie a longtemps façonné la société et la politique du pays. Parmi ces principes fondateurs : une posture résolument pacifiste que la guerre en Ukraine est venue révolutionner. Le 27 février dernier, Olaf Scholz annonçait en effet le déblocage d’un fonds de 100 milliards d’euros pour renforcer la Bundeswehr face à la menace russe, assorti de livraisons massives d’armes à Kiev.

Dans ce contexte de remilitarisation, quelle portée symbolique et politique donner à cette journée du 8 mai en Allemagne ? Comment la classe politique allemande se positionne-t-elle par rapport à l’implication de Berlin dans le conflit ukrainien ? Ce "changement d’époque" décrit par Olaf Scholz témoigne-t-il d’une évolution de l’Allemagne, moins traumatisée par son passé ? Comment le réveil militaire allemand peut-il s’intégrer dans le projet d’Europe de la défense lui aussi relancé par la guerre en Ukraine ?

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Florian Delorme reçoit Marie-Bénédicte Vincent, professeure en histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté et chercheuse au centre Lucien Febvre et Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’IFRI.

"Le rapport de l’Allemagne au 8 mai a beaucoup évolué depuis 1945.  Les priorités liées à la Guerre Froide et l’anticommunisme de la République Fédérale Allemande ont posé une sorte d’écran sur la commémoration du 8 mai. Ce n’est qu’avec la prise de conscience progressive de l’ampleur des crimes nazis qu’a émergé en Allemagne une nouvelle perception de cette date, celle d’un jour de libération" explique Marie-Bénédicte Vincent.

"La loi fondamentale de la RFA interdisait la guerre d’agression et le fait que l’Allemagne puisse prendre part à un conflit. Mais les nécessités imposées par la Guerre Froide et la prise de conscience de la menace soviétique ont conduit à la recréation de la Bundeswehr, l’armée allemande" observe Paul Maurice.

Le focus du jour

Seconde Guerre mondiale : Au Japon, un passé qui ne passe pas

L'Empereur japonais Naruhito s'incline devant un mémorial commémorant le 76ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale le 15 aout 2021
L'Empereur japonais Naruhito s'incline devant un mémorial commémorant le 76ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale le 15 aout 2021
© AFP - TORU HANAI

Au Japon, la mémoire de Seconde Guerre mondiale reste encore un sujet brûlant 76 ans après la capitulation de l’Empire. Face à l’image d’un Japon victime de la guerre et de son lot de destructions, notamment atomiques, qui s’est imposée au sein de la société nipponne, la classe politique peine à reconnaitre la responsabilité du pays dans les crimes de guerre commis par l’armée impériale dans les anciennes colonies d’Asie du Sud-Est. Une absence de travail de mémoire qui continue de ternir ses relations avec ses partenaires asiatiques.

Avec Arnaud Nanta, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’histoire du Japon au XIXe et XXe siècles.

"Le verdict du Procès de Tokyo, condamnant les hauts-dignitaires politiques et militaires de l’Empire, était un prérequis pour que le Japon puisse revenir sur la scène internationale après la guerre. Mais ce verdict n’a jamais été accepté par les conservateurs japonais qui ont toujours milité pour son annulation" analyse Arnaud Nanta.

Références musicales

  • Extrait du discours d’Olaf Scholz du 8 mai dernier dans lequel il évoque l’envoi d’armes à l’Ukraine et la position allemande dans ce conflit (Die Welt, 08 mai 2022)
  • Extrait d’un reportage de la télévision allemande décrivant la visite de Willy Brandt à Varsovie (Archive UFA/Dabei, 08 décembre 1970)
  • Le président de la République fédérale d’Allemagne Richard von Weiszacker prononce un discours historique qualifiant le 8 mai 1945 de "libération" (ZDF, 08 mai 1985)
  • A la veille des 70 ans de la défaite japonaise, le premier ministre Shinzo Abe affirme que la population japonaise actuelle n'a pas à s’excuser de l’attitude du Japon d’alors (The Guardian, 14 août 2015)

Références musicales

  • "Reubin" de Christian Löffler (Label : Ki records)
  • "Alles Grau" du groupe Isolation Berlin

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