

La victoire électorale de Lula au Brésil en novembre solde une année marquée par le retour de la gauche au pouvoir dans plusieurs pays d'Amérique latine. Le contexte d’aspiration au changement à l'origine de ce tournant se heurte à des résistances et à des clivages forts au sein des sociétés.
- Franck Gaudichaud Professeur d’études latino-américaines à l’Université Toulouse - Jean Jaurès
- Olivier Compagnon Historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Sorbonne-Nouvelle et directeur du Centre de recherche et de documentation des Amériques (CNRS/Paris 3)
- Adriana Urrutia Directrice de l'école de Sciences politiques à l'Université Antonio Ruiz de Motoya et présidente de l'association civile Transparencia
Gabriel Boric prenant officiellement le pouvoir au Chili, la Colombie élisant pour la toute première fois un président de gauche, Gustavo Petro, et une vice-présidente noire, Francia Marquez, et enfin le Brésil, conduisant de nouveau en octobre Lula à la tête du pays… 2022 semble avoir confirmé une vague de retour au pouvoir de la gauche en Amérique du Sud, une vague déjà entamée les années précédentes au Mexique et en Bolivie. De quoi susciter dans chacun de ces pays espoirs et enthousiasmes chez les militants et sympathisants de gauche… Oui mais, à peine arrivés au pouvoir, déjà de premières difficultés se font sentir, faisant planer le doute sur la possibilité de réaliser toutes les ambitions annoncées.
Alors comment comprendre d’abord cette nouvelle période pour la gauche sud-américaine ? Qu’a-t-elle de commun avec ce qui avait déjà été présenté comme une vague de gauche au début des années 2000 ? Celles et ceux qui ont accédé au pouvoir pourront-ils réaliser les réformes promises ? Et ces exécutifs désormais politiquement plus proches peuvent-ils relancer ensemble des dynamiques régionales et permettre à l’Amérique du Sud de peser davantage sur la scène internationale ?
Pour répondre à ces questions, Mélanie Chalandon reçoit Franck Gaudichaud, professeur des universités en histoire et civilisation de l’Amérique latine à l’université Toulouse Jean Jaurès ainsi que Olivier Compagnon, professeur d’histoire à l’université Sorbonne Nouvelle, rattaché à l’Institut des Hautes Etudes sur l’Amérique latine.
"Après des expériences de droite plutôt catastrophiques ces dernières années en Amérique latine, on essaie de tester autre chose ou de revenir à une expérience déjà réalisée comme c'est le cas avec le Parti des travailleurs au Brésil. Dans tous les cas, il y a ce désir d'un Etat plus fort du point de vue des programmes sociaux. Mais la conjoncture est très différente par rapport à celle qui existait lors de la vague de gauche du début des années 2000 en Amérique latine. La crise économique, la pandémie viennent polariser les électorats, et les gauches tentent de s'insérer dans ce contexte chaotique", note Franck Gaudichaud.
"Toutes ces gauches ne sont pas unanimes sur un certain nombre de grandes problématiques comme la question vénézuélienne, ou colombienne. Il ne faut pas idéaliser ce virage à gauche. Il y a une grande diversité dans les différentes expériences en cours", explique Olivier Compagnon.
Pour aller plus loin :
- Franck Gaudichaud a co-dirigé avec Thomas Posado l'ouvrage Gouvernements progressistes en Amérique latine (1998-2018). La fin d’un âge d’or publié aux Presses universitaires de Rennes en 2021.
- Une biographie de Salvador Allende écrite par Olivier Compagnon est en cours de préparation aux éditions Flammarion.
Seconde partie : le focus du jour
Pérou : l’embrasement

Le 7 décembre 2022, le président péruvien Pedro Castillo, un instituteur issu de la gauche radicale élu en juin 2021 a tenté un "coup d’état présidentiel", en essayant de dissoudre le Parlement avant que celui-ci ne vote sa destitution. Mais il est arrêté avant, et placé en garde à vue. Depuis, la population a pris les rues réclamant, entre autres, le renouvellement du Parlement. Les manifestations sont durement réprimées par les forces armées. On compte 26 morts, sans que la vice-présidente ne cède ni ne prenne la parole sur ces violences.
Avec Adriana Urrutia, directrice de l'école de Sciences politiques à l'université Antonio Ruiz de Motoya et présidente de l'association civile Transparencia.
"L'agenda des mobilisations reflète un malaise social et des demandes sociales qui n'ont pas été écoutées jusque-là par e gouvernement", explique Adriana Urrutia.
Références sonores & musicales
- Premier discours de Gabriel Boric lors de sa prise de fonction à la tête du Chili ( TVN Chile - 12/03/22)
- Pour la première fois, la Colombie élit un président de gauche, Gustavo Petro ( France 24 - 20/06/22)
- Brésil : l’élection de Lula. Ambiance de la foule et première réaction de Lula.
- La défiance des Mapuche face au nouveau président chilien ( Arte - 2022)
- Chili : le féminisme au pouvoir ( Les Nouvelles News - 25/01/22)
- Pérou : Pedro Castillo destitué et arrêté après avoir tenté de dissoudre le Parlement ( RFI - 07/12/22)
- "resisto y ya" de Lido Pimienta, chanteuse Afro colombienne née à Barranquilla, feministe engagée
- "Toda menina baiana" de Gilberto Gil
- "Archbay by window" de Chamberlain Explorer
Une émission préparée par Amélie Perrot et Bertille Bourdon.
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Julie DucosStagiaire