Biélorussie : Svetlana Tikhanovskaïa, l’opposante exilée : épisode • 4/4 du podcast Bêtes noires des régimes autoritaires

Svetlana Tikhanovskaya, leader de l'opposition biélorusse, s'exprime lors d'une conférence de presse à Christiansborg, Copenhague, le 22 octobre 2020.
Svetlana Tikhanovskaya, leader de l'opposition biélorusse, s'exprime lors d'une conférence de presse à Christiansborg, Copenhague, le 22 octobre 2020. ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
Svetlana Tikhanovskaya, leader de l'opposition biélorusse, s'exprime lors d'une conférence de presse à Christiansborg, Copenhague, le 22 octobre 2020. ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
Svetlana Tikhanovskaya, leader de l'opposition biélorusse, s'exprime lors d'une conférence de presse à Christiansborg, Copenhague, le 22 octobre 2020. ©AFP - Liselotte Sabroe / Ritzau Scanpix
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Candidate à l’élection présidentielle biélorusse pour poursuivre le combat de son mari, Svetlana Tikhanovskaïa n’avait aucune expérience politique lorsqu’elle s’est lancée dans la course. Pourtant, cette femme de 38 ans est parvenue à cristalliser les aspirations démocratiques de l'opposition.

Avec
  • Olga Gille-Belova Maître de Conférences au Département d'Etudes Slaves de l'Université Michel de Montaigne Bordeaux 3.
  • Alexandra Goujon Maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne, enseignante à Sciences Po Paris et spécialiste de l’Ukraine et de la Biélorussie
  • Anna Colin Lebedev Maîtresse de conférences à Paris Nanterre, spécialiste de l'Ukraine et de la Russie post-soviétique

Candidate à l’élection présidentielle biélorusse d’août 2020 pour poursuivre le combat de son mari, un blogueur incarcéré, Svetlana Tikhanovskaïa n’avait aucune expérience politique lorsqu’elle s’est lancée dans la course. Un profil rassurant pour le pouvoir, qui pourrait expliquer qu’elle ait été autorisée à se présenter, contrairement à plusieurs autres figures de l’opposition. 

Mais en dépit de ce qu’avaient anticipé Alexandre Loukachenko et ses partisans, cette mère de famille de 38 ans est parvenue à cristalliser les aspirations démocratiques d’une population excédée par des années de dictature. Créditée de 10% des suffrages par un décompte officiel ostensiblement frauduleux, elle en aurait obtenu jusqu’à 40% (selon plusieurs estimations) ce qui aurait dû entraîner l’organisation d’un second tour. L’annonce de ces résultats a donné lieu à des manifestations pacifiques de grande ampleur à travers le pays, qui se sont poursuivies tout au long de l’automne 2020, en dépit d’une répression violente. 

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De son côté, Svetlana Tikhanovskaïa, victime d’intimidations, a fui en Lituanie, craignant que ses enfants ne se retrouvent privés de parents si elle venait à être incarcérée, son mari étant déjà en prison. Elle poursuit à Vilnius son combat démocratique, se faisant l’ambassadrice auprès des dirigeants étrangers du mouvement de contestation biélorusse, exsangue mais pas vaincu.

Comment expliquer l’ascension politique fulgurante de Svetlana Tikhanovskaïa ? Dans quelle mesure est-elle représentative d’une nouvelle génération d’opposants et d’opposantes politiques biélorusses ? De quelle marge de manœuvre dispose-t-elle encore, maintenant qu’elle a quitté le pays ?

Pour répondre à ces questions, Cultures Monde reçoit Olga Gille-Belova, maîtresse de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne, chercheuse au Centre d’études des mondes moderne et contemporain (CEMMC), et Alexandra Goujon, maîtresse de conférences à l’université de Bourgogne, rattachée au Centre de recherche et d’étude en droit et science politique (Credespo), spécialiste de la Biélorussie. 

Pour aller plus loin : La crise politique en Biélorussie - révolution ou transition ? est un colloque, co-organisé par Olga Gille-Belova, qui aura lieu entièrement en ligne le 11 et le 12 mars 2021. Plus d'informations ci-dessous.

Le fait d'écarter des opposants par l'exil est un phénomène récurrent au sein du régime de Loukachenko, qui existe depuis les années 1990. Il y a des opposants qui sont, coûte que coûte, restés, et qui passent régulièrement du temps en prison. Alexandra Goujon

Svetlana Tikhanovskaïa est allée, en s'exilant, rejoindre ses enfants en Lituanie. On peut supposer qu'il y avait une forme de chantage émanant du régime biélorusse, de ce côté-là, en menaçant Tikhanovskaïa d'être séparée de ses enfants si elle restait auprès de son mari. Olga Gille-Belova

La crise politique en Biélorussie
La crise politique en Biélorussie

Seconde partie - le focus du jour

Svetlana Alexievitch, écrivaine et symbole de la dissidence biélorusse

En décembre 2020, le prix Sakharov "pour la liberté de l'esprit" a été décerné à dix personnalités de l'opposition bélarusse, incluant, bien sûr, Svetlana Tikhanovskaïa, mais également la lauréate du prix Nobel de littérature 2015, Svetlana Alexievitch. Par sa quête de de paroles intimes et sur la guerre, sur Tchernobyl, et sur le totalitarisme, Svetlana Alexievitch est devenue à travers son œuvre l’un des regards les plus acérés sur les sociétés post-soviétiques. 

Mais ce n’est qu’en août 2020, lorsque l’autrice a été nommée au sein du présidium du conseil de coordination de l’opposition à Loukachenko, que cet engagement a pris une dimension politique institutionnalisée.

Alors : comment cette écrivaine, certes engagée, mais à distance du champ politique, s’est-elle retrouvée sur le devant de la scène, et dans le collimateur de Loukachenko ? Quel symbole véhicule-t-elle, en Biélorussie et à l’international ?

Avec Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences à l’Université Paris Nanterre, spécialiste de l'Ukraine, de la Biélorussie, et de l’espace post-soviétique.

Svetlana Alexievitch est tout à fait consciente de son aura internationale. Il semblait cohérent qu'elle utilise, l'été dernier, cette influence pour rejoindre le mouvement d'opposition. Anna Colin Lebedev

L'écrivain biélorusse et prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch assiste à une conférence de presse au musée Nobel de Stockholm, en Suède, le 6 décembre 2015.
L'écrivain biélorusse et prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch assiste à une conférence de presse au musée Nobel de Stockholm, en Suède, le 6 décembre 2015.
© AFP - CLAUDIO BRESCIANI / TT NEWS AGENCY

Une émission préparée par Margaux Leridon et Nicolas Szende.

Références sonores

  • Témoignage d’une jeune manifestante pro-Svetlana Tikhanovskaïa lors d’une manifestation, en août 2020 (France 24, 30 août 2020)
  • Témoignage d’une autre manifestante lors d’un des plus grands rassemblements qui s’est tenu à Minsk en août dernier (France 24, 16 août 2020)
  • Extrait du discours de Svetlana Tikhanovskaïa lors de la remise du prix Sakharov des droits de l’Homme (France 24, 16 décembre 2020)
  • Interrogée sur l’avenir de son pays, cette jeune étudiante estime qu’après s’être débarrassée de Loukachenko, la Biélorussie aura encore a affronter la Russie pour conserver sa souveraineté sans s’occuper non plus de l’Union européenne (Extrait de « Contre Loukachenko : en exil, les femmes bielorusses se mobilisent » de Dietmar Klümpp, Arte, 20 janvier 2021)
  • Extrait d’une déclaration de Svetlana Alexievitch au sujet de la répression de la contestation biélorusse le 26 août dernier (Global News, 26 août 2020)

Références musicales

  • « Fate » de Christian Löffler (Deutsche Grammophon)
  • « почему » de l’artiste biélorusse duся

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