

A deux ans des prochaines présidentielles, les perspectives politiques semblent plus incertaines que jamais au Brésil. Comment les résultats des élections municipales - entre rejet des partis classiques et de Bolsonaro - nous renseignent-ils sur les équilibres politiques au niveau fédéral ?
- Frédéric Louault Directeur du Centre d'étude de la vie politique (CEVIPOL), co-directeur du Centre d'étude des Amériques (AmericaS) à l’Université Libre de Bruxelles.
- Denis Merklen Sociologue, professeur à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 et membre de l'Institut de Hautes Etudes sur l’Amérique latine.
- Marie-Hélène Sa Vilas-Boas Maîtresse de conférences en science politique à l’Université Côte d’Azur
C’est finalement le centriste Bruno Covas qui a remporté, et haut la main, la mairie de São Paulo, dimanche 29 novembre 2020, contre l’espoir de la gauche brésilienne Guilherme Boulos. Face à la déliquescence de la gauche de gouvernement incarnée par le Parti des travailleurs, et deux ans après l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, le Parti Socialisme et liberté apparaissait à de nombreux observateurs comme l’instrument d’une refondation de la gauche dans le pays.
Mais il n’a pas raflé les villes espérées lors de ces municipales très attendues, qui ont plutôt sacré une myriade de partis de centre-droit locaux, incarnant une stabilité rassurante dans un pays durement touché par la pandémie de Covid-19, et éprouvé par deux ans d’hystérisation de la vie politique. A deux ans des prochaines présidentielles, les perspectives semblent plus incertaines que jamais, entre rejet des partis de gouvernement pré-Bolsonaro et profondes divisions au sujet de ce dernier. Si une refondation du paysage politique semble inévitable, il est bien difficile, à l’issue de ces municipales, d’en déterminer la direction.
Dans quelle mesure les résultats du week-end du 29 novembre 2020 nous renseignent-ils sur les équilibres politiques brésiliens au niveau fédéral ? Quels nouveaux acteurs a-t-on vu émerger à la faveur de ses élections ? Dans un pays où les tensions raciales et sexistes ont été exacerbées ces dernières années, comment les personnes victimes de discriminations accèdent-elles à la représentation politique ?
Une discussion en compagnie de Marie-Hélène Sa Vilas-Boas, maîtresse de conférences en science politique à l’Université Côte d’Azur, et de Frédéric Louault, directeur du Centre d'étude de la vie politique (CEVIPOL), et co-directeur du Centre d'étude des Amériques (AmericaS) à l’Université Libre de Bruxelles.
Il faut relativiser la notion de 'centre' en politique électorale brésilienne. Si, à São Paulo, l'on peut parler de la victoire d'un centre-droit qui s'oppose à Jair Bolsonaro, l'essentiel des partis centristes qui ont remporté le scrutin municipal sont des partis qui soutiennent le gouvernement Bolsonaro et qui, pour la plupart, y participent. Frédéric Louault
Le Parti des Travailleurs (PT) connaît un déclin, mais également ses alliés traditionnels - je pense notamment au Parti Communiste du Brésil. On peut se demander si le PT va pouvoir jouer un rôle dans la recomposition des gauches brésiliennes. C'est un parti qui bénéficie encore de ressources, à l'échelle locale, mais c'est un parti essoufflé. Et cet essoufflement est lié au fait que le PT a été grandement discrédité par les droites, qui ont l'ont associé à la corruption. Marie-Hélène Sa Vilas-Boas
Seconde partie - le focus du jour
En Argentine, l’équilibre fragile du président Fernández
Il y a tout juste un an, après la parenthèse néolibérale incarnée par Mauricio Macri, l’Argentine est retombée dans les bras du péronisme en la personne d’Alberto Fernández. Le pays était alors au bord du gouffre, étouffé par ses créanciers et la pauvreté atteignait des niveaux record. Un an plus tard, alors qu’elle pleure la disparition de Diego Maradona, l’Argentine sort timidement d’un confinement interminable. Le président Fernández marche sur une ligne de crête.
Son sens aigu du consensus suffira-t-il à rassembler les ailes gauches et droites du péronisme autour de valeurs communes ? Dans le même temps, parviendra t-il à contenter les milieux d’affaires, dont dépendent la survie économique du pays ?
Avec Denis Merklen, sociologue, professeur à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 et membre de l'Institut des Hautes Etudes sur l’Amérique latine.
Le péronisme d'Alberto Fernández se rapproche de l'idée d'un parti politique traditionnel, plutôt que celle d'un mouvement. Il retrouve une tradition que l'on appelle "rénovation péroniste" : c'est un péronisme minoritaire, qui émerge à la sortie de la dictature, et qui représente son aile la plus institutionnelle, la moins plébéienne, et qui s'éloigne le plus, à la fois, des traditions militaires et de l'icône d'Eva Perón. Denis Merklen

Références sonores
- Témoignage d’électeurs brésiliens lors du second tour des élections municipales (France 24, 30 novembre 2020)
- Discours de Bruno Covas après sa victoire aux élections municipales à Sao Paulo, face à celui au candidat qui portait les espoirs de la gauche, Guilherme Boulos (CNN Brasil, 29 novembre 2020)
- Clip de campagne « Allez voter » d’Eduardo Paes, qui a remporté le 2ème tour de l’élection à Rio (compte Twitter Eduardo Paes)
- Jussara Basso, candidate à l’élection municipale vivant dans un bidonville à Sao Paulo (France 24, 15 novembre 2020)
- Hommage d’Alberto Fernandez à Maradona (Clarin, 25 novembre 2020)
Références musicales
- « Held » de Kiasmos (Label : Erased tapes)
- « Maná » de Rodrigo Amarante (Label : Rough Trade)
L'équipe
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