Chili : changer de Constitution pour changer de système : épisode 1/4 du podcast Amérique latine : à la recherche d’un nouveau pacte démocratique

Santiago, Chili - Traduction du graffiti : "Le Chili décide (le 26 avril est en référence à la date initiale du référendum constitutionnel chilien), la police assassine"
Santiago, Chili - Traduction du graffiti : "Le Chili décide (le 26 avril est en référence à la date initiale du référendum constitutionnel chilien), la police assassine" ©AFP - Martin Bernetti
Santiago, Chili - Traduction du graffiti : "Le Chili décide (le 26 avril est en référence à la date initiale du référendum constitutionnel chilien), la police assassine" ©AFP - Martin Bernetti
Santiago, Chili - Traduction du graffiti : "Le Chili décide (le 26 avril est en référence à la date initiale du référendum constitutionnel chilien), la police assassine" ©AFP - Martin Bernetti
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Après le plébiscite pour une nouvelle Constitution, un vaste chantier démocratique s'ouvre au Chili : la nouvelle Constitution permettra-t-elle de sortir de l’idéologie néolibérale héritée de Pinochet, et de mettre en place les réformes sociales réclamées par les récents mouvements sociaux ?

Avec
  • Emmanuelle Barozet sociologue à l’Université du Chili. Membre du COES - centro de estudios de conflictos y cohesión social.
  • Franck Gaudichaud Professeur d’études latino-américaines à l’Université Toulouse - Jean Jaurès
  • Alfredo Joignant Professeur à l’école de sciences politiques de l’Université Diego Portales. Membre du COES - centro de estudios de conflictos y cohesión social.

Le 25 octobre dernier, les Chiliens et les Chiliennes étaient appelés aux urnes pour s’exprimer sur un éventuel changement de Constitution. Héritée de la dictature d’Augusto Pinochet, la Constitution avait inscrit dans le fonctionnement du pays les principes idéologiques néolibéraux mis en place pendant cette période par les économistes de l’école de Chicago - les Chicago boys.

Mais c’est aussi ce néolibéralisme qui avait produit une aggravation des inégalités sociales : 1 % des plus riches détiennent plus d’un quart du PIB national. C’est dans ce contexte qu’en octobre 2019, l’augmentation de 30 centimes sur le ticket de métro aux heures de pointe avait provoqué un mouvement social puissant, brutalement réprimé par la police : on compte une trentaine de morts, près de 4000 blessés, des viols et des exactions.

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Pourtant, les mobilisations se sont poursuivies et le changement de Constitution est progressivement devenu le principal mot d’ordre du mouvement, une revendication à laquelle le président Sebastián Piñera, dont la cote de popularité était descendue sous la barre des 10%, a dû se plier. C’est donc naturellement que ce référendum a rencontré un véritable plébiscite, avec 78,28% des suffrages, ouvrant la porte à la constitution d’une Convention Constituante qui devra rendre ses travaux d’ici avril prochain avant un nouveau vote populaire, prévu pour 2022.

Mais la réforme constitutionnelle pourra-t-elle régler tous les maux de la société chilienne ? Permettra-t-elle de faire reculer les inégalités, de faire avancer le droits des femmes, de répondre aux inquiétudes de minorités indigènes qui se sentent marginalisées ?

Une nouvelle Constitution permettra-t-elle de sortir de l’idéologie néolibérale héritée de Pinochet, et de mettre en place les réformes sociales réclamées par les mouvements sociaux de ces dernières années ? Comment va s’organiser la mise en place de la Constituante chargée de formuler une proposition de nouvelle Constitution ?

Une conversation en compagnie d'Emmanuelle Barozet, sociologue à l’Université du Chili, et d'Alfredo Joignant, professeur à l’école de sciences politiques de l’Université Diego Portales, Santiago, Chili.

Concernant la Convention Constituante, le risque de verrouillage de celle-ci par la classe politique existe, mais est amoindri par le fait que l'ancienne génération de politiciens de centre-gauche y est inéligible. Les militants qui feront partie de cette Constituante seront jeunes. Alfredo Joignant

Au Chili, l'exécutif et le législatif sont complètement décrédibilisés. C'est pour cela que la plupart des citoyens ont choisi de constituer une assemblée "non-mixte", qui ne sera donc pas composées d'élus. La pression de la rue est telle qu'il est difficile que les pouvoirs en place ne valident pas l'ensemble de ces processus. Emmanuelle Barozet

Seconde partie - le focus du jour

La place des mouvements féministes dans les contestations 

Il y a juste un an, le 25 novembre 2019, le mouvement d’artistes féministes Las Tesis partageait une performance qui fera le tour du monde et sera adaptée dans de nombreux pays : Un violador en tu camino, “un violeur sur ton chemin”, désigne l’Etat et la société comme responsables des violences faites aux femmes. Née en réponse à la répression des manifestations d’octobre 2019, cette performance témoigne de la puissance des mouvements féministes au Chili, largement impliqués dans le mouvement social d’octobre, en montrant que la “précarisation de la vie”, dénoncé par le mouvement, est à la base de l’oppression machiste. Aujourd’hui, l’enjeu est de traduire cet élan dans le processus Constitutionnel qui est en train de s’ouvrir.

Avec Franck Gaudichaud, professeur des universités en civilisation hispano-américaine à l’Université de Toulouse II - Jean Jaurès, chercheur au laboratoire FRAMESPA - France Amériques Espagne.

Le mouvement féministe a assurément été un acteur central du réveil de la société chilienne, du mouvement d'octobre 2019. Elles n'ont pas été seules, il faut rappeler que d'autres acteurs sociaux - les retraités, certains syndicats, le peuple Mapuche - ont été actifs dans cet effort. Mais cela fait plusieurs années qu'elles sont apparues comme actrices essentielles de ce grand réveil contre la société néolibérale et l'héritage de Pinochet. Franck Gaudichaud

25 novembre 2020, Santiago, Chili - Des militantes du groupe féministe Las Tesis manifestent dans le cadre de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
25 novembre 2020, Santiago, Chili - Des militantes du groupe féministe Las Tesis manifestent dans le cadre de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
© AFP - MARTIN BERNETTI

Références sonores

Références musicales

  • « II » de Follakzoid (Label : Sacred Bones)
  • « Canción De Mierda » de la chanteuse chilienne Mon Laferte (Label : Universal)