

Partenaire économique et militaire de Moscou, et adversaire assumé des Etats-Unis, la Chine évite pourtant soigneusement, depuis le début du conflit en Ukraine, d'afficher un soutien trop marqué à la politique belliqueuse de Vladimir Poutine. Comment expliquer la position ambiguë de Pékin ?
- Valérie Niquet Politologue, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique
- Stéphane Corcuff spécialiste du monde chinois, maître de conférences à Sciences-Po Lyon.
- Frédéric Encel Docteur HDR en géopolitique, professeur à l'ESG Management School et maître de conférences à Sciences-Po Paris
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la Chine se montre relativement prudente : s’abstenant au conseil de sécurité de l’ONU lors du vote pour la résolution « déplorant l’agression contre l’Ukraine », mais refusant de « condamner » Moscou, Pékin préfère pointer du doigt les sanctions occidentales. Il faut dire que, ces derniers temps, les relations avec la Russie sont très bonnes. Entre coopération militaire, liens économiques et déclarations amicales réciproques : depuis quelques années, Pékin et Moscou n’ont eu de cesse de souligner leur proximité, symbolisée par la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine en marge des Jeux Olympiques d’hiver le 4 février 2022. Mais cette ambiguïté pourrait bien finir par être levée ; Pékin pourrait, en effet, décider d’apporter son soutien à Moscou, ce qui aurait alors pour conséquence de nous (re)plonger, dans une bipolarisation du monde entre, d’un côté, les régimes illibéraux, et de l’autre, les démocraties.
La Chine va-t-elle voler au secours de la Russie ? Quels peuvent être les couts et les gains de ce soutien pour Pékin ? Comment l’attitude de Moscou peut-elle servir les intérêts de Pékin dans la rivalité qui l’oppose à Washington ? Et quel impact l’offensive russe en Ukraine pourrait-elle avoir notamment sur l’irrédentisme chinois vis-à-vis de Taïwan ?
La position chinoise, après plusieurs semaines de guerre ou l’on voit la Russie s’enliser, est très inconfortable. Se couper de Moscou, c’est prendre le risque de perdre un allié qui, malgré l’affaiblissement économique, manie l’arme nucléaire et revient diplomatiquement en force dans certaines parties du monde, comme l’Afrique. Et d’un autre côté, soutenir trop profondément Moscou à travers la livraison d’armes risque d'exposer Pékin à des sanctions occidentales majeures. Valérie Niquet
La Chine n’a aucun intérêt à s’associer trop profondément avec la Russie qui est un pays relativement pauvre, excepté en matière d’hydrocarbures. Sauf si, à terme, la Chine parvient à exploiter la faiblesse et l’appauvrissement de la Russie pour investir massivement sur ce territoire, jusqu’à, peut-être, y acheter des terres, ce que Pékin expérimente ailleurs dans le monde. Stéphane Corcuff
Florian Delorme reçoit Valérie Niquet, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique et Stéphane Corcuff, enseignant-chercheur à Sciences Po Lyon et chercheur au Centre d’études français sur la Chine contemporaine à Hong-Kong.
Seconde partie : le focus du jour
Israël et la guerre en Ukraine : entre jeu d’équilibre et tentative de médiation

Le 6 mars 2022, le premier ministre israélien Naftali Bennett est le premier dirigeant étranger à rencontrer physiquement Vladimir Poutine depuis le début de la guerre en Ukraine. Par cette rencontre, qui vient illustrer le rapprochement opéré entre Israël et la Russie au cours de la dernière décennie, Israël cherche à jouer les médiateurs. Il faut dire que le premier ministre israélien se montre plutôt prudent dans ses réactions à ce conflit, par peur d’abimer sa relation privilégiée avec le partenaire russe. Comment expliquer le jeu d’équilibre israélien, pourtant allié traditionnel des États-Unis et du bloc occidental, dans un contexte de guerre en Ukraine ? Pourquoi Israël cherche-t-il à jouer les médiateurs ? Cette initiative a-t-elle des chances d’aboutir ?
En allant à Moscou, le premier ministre Naftali Bennett montre qu’Israël connait une montée en puissance diplomatique phénoménale, au point d’être appelé pour tenter de résoudre des crises qui ne se situent pas dans le giron diplomatique traditionnel d’Israël. Israël illustre ainsi qu’il n’est plus un petit Etat tourné exclusivement vers les problématiques proche-orientales. Frédéric Encel
Avec Frédéric Encel, docteur HDR en géopolitique et maitre de conférences à Science po Paris.
Références sonores
- La Chine, par la voix de Wang Wen Bin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, s'oppose aux sanctions internationales prises contre la Russie (CGTN, 26 février 2022)
- Zaho Lihian, autre porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères explique que la Chine appelle à la retenue dans le conflit ukrainien. (AFP, 14 mars 2022)
- Wang Yi, ministre des Affaires étrangères chinois évoque la relation sino-russe en des termes élogieux (Le Figaro, 07 mars 2022)
- Extrait d’une conférence de presse de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et réactions de deux citoyens taïwanais à cette menace chinoise (Republic World, 06 janvier 2019 + TV5 Monde, 09 octobre 2021)
- Réponse de Joe Biden en cas d’attaque de la Chine sur Taïwan (CNN, 22 octobre 2021)
- Naftali Bennet évoque l’appel au dialogue entre la Russie et l'Ukraine qu’il a lancé (Twitter, 06 mars 2022)
Références musicales
- « Europe » du chanteur israélien Geva Alon (autoproduit)
- « Anna Heidän Mennä » de Henri Lindström (Label : Artsy records)
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Production déléguée
- Production déléguée
- Réalisation
- Réalisation