De l'Arabie Saoudite en passant par le Koweït, des voix militantes parviennent à se faire entendre pour les droits des femmes, lentement mais sûrement. Dans des régimes aussi verrouillés, quelles sont les revendications et comment peuvent-elles être portées par les militantes ?
- Fatiha Dazi-Héni Chercheuse spécialiste des monarchies de la péninsule arabique à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM)
- Amélie Le Renard chercheuse en sociologie, CNRS
- Hélène COUTARD Journaliste indépendante
La libération, le mois dernier, de la militante saoudienne Loujain Al-Athloul, a été accueillie avec soulagement dans le monde entier. La jeune femme, arrêtée alors qu’elle traversait la frontière au volant d’une voiture en 2018, était devenue le symbole d’une nouvelle génération de féministes dans les monarchies du Golfe. Ces militantes ont paradoxalement fait l’objet d’une campagne d’arrestations massives au moment même où le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, leur accordait le droit de conduire.
Cette situation illustre bien la difficulté de lutter pour les droits des femmes dans un pays où le pouvoir n’envisage la réforme que par le haut. Alors que des droits substantiels ont été accordés aux Saoudiennes en 2018-2019, et que des femmes de la famille royale sont régulièrement nommées à des postes prestigieux, l’activisme reste extrêmement contrôlé. Une situation comparable à celle des Emirats arabes unis, où la question est revenue sur le devant de la scène à la suite de l’appel à l’aide de la princesse Latifa, fille de l’émir de Dubaï, qui affirme être retenue en otage.
Comment les femmes engagées pour l’égalité des droits parviennent-elles à se faire entendre dans des régimes aussi verrouillés que l’Arabie Saoudite ou les Emirats arabes unis ?
Face à l’immensité des droits à conquérir, quelles sont leurs revendications principales ? Quelles sont les conditions de leur émancipation ?Dans quelle mesure ces revendications circulent-elles d’un pays du Golfe à l’autre, et quels sont les plus ouverts à ce sujet ?
Nos invités sont Amélie Le Renard, chercheuse au CNRS et Fatiha Dazi-Héni, chercheuse à l’IRSE
Un certain nombre d'intellectuels peuvent dire que cette liberté de mouvement est une chose cosmétique. Or ce n'est pas superflu de s'organiser, d'amener ses enfants à l'école, de pouvoir se déplacer. C'est vécu comme quelque chose d'important qui a bouleversé leur vie et je peux le comprendre. Bien évidemment, le contrôle familial et social reste extrêmement fort, maintenant la bataille est menée sur l'abolition du tutorat. Fatiha Dazi-Héni
Dans les années 2000, il y a eu plusieurs décrets qui autorisaient le travail des femmes dans différents secteurs, au compte-gouttes au fil des années. De l’extérieur, les gens avaient l’impression que rien ne changeait, pourtant de l’intérieur des évolutions étaient visibles pour des jeunes Saoudiennes. L’accès à l’emploi leur permettait de se projeter dans une certaine autonomie hors du cadre de la famille et du mariage. Amélie Le Renard
Seconde partie - le focus du jour
Fuir l’Arabie Saoudite
Face à l’oppression qu’elles subissent, certaines Saoudiennes décident de quitter leur pays, à l’insu de leurs parents ou de leur mari. Un parcours de combattante pour des femmes dont le moindre mouvement est scruté par leur tuteur légal - toujours un homme - d’autant plus difficile que celles qui choisissent cette voie sont souvent les plus surveillées. Lorsqu’elles arrivent à gagner l’Europe, l’Australie ou le Canada, elles sont traquées par leurs familles, mais aussi par le régime, qui redoutent que leurs témoignages ne fasse vaciller une communication axée sur la modernisation du pays. Hélène Coutard a rencontré une quinzaine d’entre elles.
Qui sont-elles ? Qu’est-ce qui les pousse à une décision si radicale ? Pourquoi le régime est-il si effrayé de les savoir libres ?
Avec Hélène Coutard, auteure du livre "Les Fugitives: partir ou mourir en Arabie Saoudite", journaliste pour Society et rédactrice en chef de So good stories.
Point commun évident au début de mes recherches c’est elles étaient toutes assez jeunes, entre 18 et 35 ans, pour une raison assez simple qui est que l’âge moyen du mariage en Arabie saoudite est globalement autour des 20 ans. Il est plus facile de fuir lorsqu’on est célibataire plutôt qu’avec des enfants et un mari. Hélène Coutard
Une émission préparée par Margaux Leridon.
Références sonores
- Loujain Al-Hathloul, militante féminine Saoudienne en novembre 2014 juste avant son arrestation au moment où elle tentait de franchir la frontière entre les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite en conduisant sa voiture (Arte TV / Kreatur 11, 26 janvier 2021)
- Loujain Al-Hathloul exprimait ses doutes sur la liberté d’expression en Arabie Saoudite en septembre 2016 (The Economist, 2016)
- Lina Al Hathloul, sa sœur, s’exprimant sur France 24 dans « l’Entretien » le 13 février 2021 après la libération de Loujain Al Hathloul le 11 février dernier (France 24, 13 février 2021)
- Mai Shams El-Din, chauffeuse de taxi (Arte, 26 janvier 2021)
- La Princesse Latifa AL Maktoum de Dubaï. Disparue depuis 2018, elle affirme être retenue prisonnière par son père, l’émir de Dubaï (BBC, 16 février 2021)
Références musicales
- « Marco slow » de Soapkills (Label : Crammed)
- « Bint Mecca » (traduction : la fille de la Mecque) d’Asayel Slay, rappeuse saoudienne
L'équipe
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