Alors que l'OMS appelle à une réponse sanitaire collective et exhorte les États à « éviter le nationalisme vaccinal », les contrats se multiplient entre États et laboratoires pour obtenir un accès exclusif à un éventuel vaccin. Peut-on vraiment concevoir ce vaccin comme « bien public mondial » ?
- Bernard Seytre Directeur de BNS Communication, ancien journaliste scientifique.
- Nathalie Coutinet Economiste à l’université de Sorbonne Paris Nord et chercheuse au Centre d’économie de l’université de Paris-Nord (CEPN)
- Anne-Claude Crémieux Infectiologue
Washington, Moscou, Bruxelles, mais aussi bien sûr Pékin : les puissances mondiales sont toutes lancées dans la course. Aux États-Unis – où plusieurs candidats sont en phase avancée de tests – et en Russie – où un vaccin a été annoncé en grandes pompes sans que les expérimentations soient publiées dans les revues scientifiques internationales –, Donald Trump et Vladimir Poutine font de ce défi un enjeu personnel, tant vis-à-vis des autres dirigeants mondiaux que de leurs propres concitoyens. En Europe, à l’inverse, l’accent est mis sur la coopération et la nécessité de rendre le vaccin accessible au monde entier... Une promesse également faite par la Chine, dont la communication se fait ces temps-ci plus discrète, mais qui a également commencé des phases avancées de test.
À ce rythme, un ou plusieurs vaccins peuvent légitimement être attendus dans les deux ans à venir. Preuve qu’au-delà des rivalités géopolitiques, la course au vaccin contre le covid constitue un rallye scientifique inédit, tant en termes de moyens utilisés – entre financement des gouvernements et précommandes massives – que de méthodologie, avec un protocole respecté mais spectaculairement accéléré.
Comment s’organise concrètement cette recherche du vaccin contre le covid-19 ? S’agit-il d’une course entre laboratoires, entre firmes pharmaceutiques ou entre États ? Et une fois le vaccin obtenu, qui pourra en bénéficier ?
C'est aussi une course politique que de savoir quel pays aura la recherche la plus innovante. Et chez Trump, il y a une espèce de fierté nationaliste à être capable de développer ce vaccin en premier - il a même promis aux citoyens étatsuniens qu'un vaccin serait prêt avant les élections présidentielles. La Chine se sert aussi de ce vaccin comme arme politique puisqu'il y a quelques jours, le Canada a été évincé de la liste des États autorisés à faire des essais pour le vaccin chinois sous prétexte que le Canada détient un ressortissant chinois. Nathalie Coutinet
On avait déjà vu un investissement assez important des États pour pousser les industriels à développer des vaccins - c'était le cas pour la grippe H1N1 - mais il s'agissait d'une technologie vaccinale connue, et les États avaient donc donné de l'argent pour réserver ces vaccins. Ici, on assiste à un effort sans précédent où les États ont investi avant même de connaître les résultats des candidats vaccins. Anne-Claude Crémieux
On essaie tellement de technologies nouvelles de manière parallèle que si les vaccins n'entraînent pas d'effets indésirables gravissimes, on devrait y arriver - je rappelle que le covid est une maladie immunisante, et ça change tout : on sait que les anticorps neutralisants induits par son infection sont protecteurs. Anne-Claude Crémieux
Les firmes pharmaceutiques externalisent de plus en plus leur recherche vers des start-ups, et c'est l'histoire de Moderna et de Curvax : des start-ups qui sont montées sur des projets de recherche très précis, qui sont co-financés par des laboratoires pharmaceutiques, et c'est aujourd'hui le modèle de développement des traitements dans les nouvelles biotechnologies. Ces technologies sont extrêmement coûteuses et complexes, et c'est ce qui explique le succès de ces approches externalisées. Nathalie Coutinet
Les brevets pharmaceutiques sont aujourd'hui mondiaux, et permettent aux laboratoires d'avoir le monopoles sur les produits qu'ils ont développés. Si c'est Moderna ou Pfeizer qui trouvent en premier un vaccin, ces acteurs ont déjà annoncé que leurs objectifs seraient lucratifs. Et dans ce cas, la firme concernée peut alors proposer des prix différenciés ou non selon les marchés, les pays. Mais d'autres laboratoires, comme AstraZeneca, ont déjà annoncé qu'ils vendraient le vaccin à prix coûtant, à un prix modique, mais un prix qui pourrait aussi varier. Nathalie Coutinet
Ce qui est intéressant de noter sur l'histoire de l'éradication de la poliomyélite, c'est qu'elle a été décidée en 1988 avec pour objectif une éradication totale en l'an 2000. Or, 20 ans après, l'éradication totale n'a pas eu lieu, alors que les facteurs biologiques étaient réunis pour ce faire. Bernard Seytre
Extraits sonores
- Donald Trump promet de « terrasser » le coronavirus avec un vaccin « cette année » (BFM, 28 août 2020)
- La Russie annonce avoir trouvé un vaccin par la voix de Vladimir Poutine (France 24, 11 août 2020)
- Ursula von der Leyen estime ne pas pouvoir vaincre le Covid-19 sans vaccin (France 24, premier mai 2020)
- Selon Emmanuel Macron, le vaccin est un bien public mondial (AFP, 23 juin 2020)
Extraits musicaux
- « Stop the virus » du pasteur David Wright (label : Godfather Records)
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