One Piece, Dragon Ball, Naruto, Detective Conan ou les Chevaliers de Zodiaques.. Depuis la fin des années 70 les mangas, que ce soit sous forme de livres ou de dessins animés connaissent un succès fulgurant partout dans le monde. Comment ce secteur est-il devenu un pilier du soft power japonais ?
- Pierre-William Fregonese Chercheur associé au centre Thucydide, auteur
- Julien Bouvard Maître de conférences en langue et civilisation du Japon contemporain à l'université de Lyon 3
C’est l’histoire d’un jeune garçon fasciné par le monde des pirates. Son nom : Luffy. Son rêve : devenir le roi des pirates et découvrir le “One Piece”, un trésor légendaire, dissimulé quelque part sur les océans. La saga - qui n’est pas terminée mais qui a déjà dépassé les 100 tomes - s’est écoulée à près de 500 millions d’exemplaires à travers le monde. Un succès record pour ce manga créé en 1997 par Eichiiro Oda, qui du magazine Weekly Shonen Jump, destiné aux adolescents japonais, aux librairies européennes et américaines a conquis des millions des lecteurs.
One Piece, mais avant lui Dragon Ball, Naruto, Detective Conan ou les Chevaliers de Zodiaques.. Depuis la fin des années 70, les mangas, que ce soit sous forme de livres, de dessins animés ou de jeux vidéos connaissent un succès fulgurant partout dans le monde.
En 2002, dans un article devenu célèbre, publié par le Foreign Policy, le journaliste américain Douglas McGregor s’interrogeait : après une décennie de marasme économique, et à défaut de redevenir la puissance économique qu’il fut, pourquoi le Japon ne miserait-il pas sur l’incroyable succès des ses productions culturelles pour en faire un atout de puissance ? Il évoque alors un concept qui va faire florès : le Japan’s Gross national Cool, autrement dit le “Cool National Brut”.
Très influencés par cet article le gouvernement décide de lancer une campagne de soutien à la diffusion de ses industries culturelles à l’étranger. La politique “Cool Japan” doit non seulement permettre de dynamiser un secteur porteur de croissance mais aussi véhiculer l’image d’un pays attractif et créatif.
La culture manga - pourtant encore souvent mal perçue au Japon – va tenir une place de choix dans ce dispositif. Qu’est-ce vraiment que cette politique du “Cool Japan” et quel bilan 20 ans après sa mise en place ? Le secteur des mangas est-il désormais un des piliers du soft power japonais ou bien continue-t-il d’évoluer dans sa propre sphère comme il l’a toujours fait ? Que ce soit avec ou sans le soutien de l’Etat comment expliquer la globalisation de l’univers manga ?
Florian Delorme reçoit Julien Bouvard , Maître de conférences en langue et civilisation du Japon contemporain et Pierre-William Fregonese , Maître de conférences en science politique à l'Université de Kobe.
"Si des politiques culturelles ont été mises en place par Tokyo au début des années 2000, c’est parce que l’image du Japon à l’étranger était, à ce moment-là, catastrophique : les Japonais étaient régulièrement moqués, victime du phénomène du « péril jaune » en Occident, ou des conflits mémoriels non soldés chez ses voisins asiatiques" explique Julien Bouvard.
"On parle du « Cool Japan » comme un soft power, comme une capacité d’influencer pour faire imprimer la marque nationale. Mais en réalité, l’objectif reste essentiellement économique, le « Cool Japan » n’est pas empreint d’idéologie" note Pierre-William Fregonese.
Le focus du jour
Le quartier d’Akihabara à Tokyo, vitrine du “Cool Japan”
Situé en plein cœur de Tokyo le quartier d'Akihabara fut longtemps le repère des “otakus”, ces passionnés de la culture populaire japonaise. On y trouve une concentration impressionnante de boutiques dédiées à ces univers mais aussi les fameux “maids café” où les clients sont accueillis par des serveuses en tenue de soubrette victorienne. Un quartier un peu “étrange” aux yeux du reste des Tokyoïtes mais que les autorités ont décidé d’investir dans le cadre de la campagne “Cool Japan” pour en faire l’une des vitrines des spécificités culturelles japonaises. A grand renfort de rénovation urbaine et de promotion publicitaire le quartier s’est progressivement, depuis 2010, ouvert aux touristes du monde entier.
Avec Clothilde Sabre, anthropologue, enseignante à l'université catholique de Lille et chercheure associée au clersé à l'université de Lille et au CATS à l'université de Hokkaido.
"Au début des années 90, le quartier d'Akihabara était un quartier très populaire pour acheter des appareils électriques puis plus tard électroniques. Mais le quartier a progressivement été déserté avant d’être réinvesti par les otakus. Progressivement, des boutiques dédiées aux mangas ont ouvert dans la seconde moitié des années 90. Parallèlement, la Mairie de Tokyo a décidé d’un plan de rénovation dans les années 2000, orientant, en accord avec les commerçants, de plus en plus le quartier vers le tourisme" observe Clothilde Sabre.
Références sonores
- Extrait de la bande-annonce de « One Piece » (IGN, 13 septembre 2019)
- Témoignages d’un libraire et de lecteurs venus de très bonne heure tenter de se procurer le tome 100 collector de « One piece » en décembre dernier (France 5 + France 24, 08 décembre 2021)
- Extrait de la bande-annonce de « L’Attaque des Titans », manga écrit et dessiné par Hajime Isayama en 2009 et adapté en version animée depuis 2013 (France Info, 21 février 2021)
- A la question de savoir quel est son manga préféré, voici ce que le Premier ministre japonais Fumio Kishida répondait en septembre dernier (Youtube de Kishida Fumio, 15 septembre 2021)
- Extrait de l’épisode 1 de « Goldorak » diffusé sur Antenne 2 le 3 juillet 1978 dans l’émission « Récré A2 » + Extrait du générique début de Goldorak de 1978
- Extrait de la bande-annonce de « Mon Voisin Totoro » d’Hayao Miyazaki produit par les studios Ghibli, sorti en 1988 au Japon et en 1999 en France
- 06. Extrait d’une vidéo d’une touriste américaine qui nous fait visiter le « At-Home Cafe » dans le quartier d’Akihabara à Tokyo.
Références musicales
- « A Nomad retreat » de Pantha du Prince (Label : Rough Trade)
- « Heavy Rotation » du groupe AKB48
L'équipe
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