De Bruxelles à Stockholm : les évangéliques réveillent l’Europe : épisode 3/4 du podcast Minorités religieuses : exister malgré tout

Le pasteur principal de l'église évangéliste "La porte ouverte", Samuel Peterschmitt, prononce un discours lors de la journée d'inauguration de la nouvelle église le 9 mai 2015 à Mulhouse, France.
Le pasteur principal de l'église évangéliste "La porte ouverte", Samuel Peterschmitt, prononce un discours lors de la journée d'inauguration de la nouvelle église le 9 mai 2015 à Mulhouse, France. ©AFP - SEBASTIEN BOZON
Le pasteur principal de l'église évangéliste "La porte ouverte", Samuel Peterschmitt, prononce un discours lors de la journée d'inauguration de la nouvelle église le 9 mai 2015 à Mulhouse, France. ©AFP - SEBASTIEN BOZON
Le pasteur principal de l'église évangéliste "La porte ouverte", Samuel Peterschmitt, prononce un discours lors de la journée d'inauguration de la nouvelle église le 9 mai 2015 à Mulhouse, France. ©AFP - SEBASTIEN BOZON
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Le mouvement évangélique est l'une des religions les plus dynamiques au monde, il n'en reste pas moins minoritaire. Valeurs conservatrices, dérives sectaires, le mouvement, parfois incompris, est source de tension avec les pouvoirs publics. Comment cette religion trouve-t-elle sa place en Europe ?

Avec
  • Emir Mahieddin anthropologue, chargé de recherche CNRS, spécialiste des mouvements évangéliques, pentecôtistes et chrétiens charismatiques en Europe du Nord.
  • Sarah Demart chargée de recherche à l’Université Libre de Bruxelles et à l’Observatoire du Sida et des sexualités.
  • Sébastien Fath Historien et sociologue Chercheur au CNRS

Le mouvement évangélique est l'une des religions les plus dynamiques au monde. Aux Etats-Unis, en Amérique latine ou en Afrique, ces églises se distinguent par leur croissance et leur capacité à attirer, chaque année, des milliers de nouveaux membres, et. l’Europe, continent le plus sécularisé au monde, n’échappe pas à la règle. Cette dynamique est liée, en partie au moins, à l’immigration.

En effet, s’intégrant dans les réseaux existants ou créant de nouvelles églises, ces adeptes venus du Congo, du Nigéria ou du Ghana ont permis de donner un second souffle au mouvement évangélique européen.

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Mais le mouvement n’en reste pas moins très minoritaire et assez discret. Sur un continent où il est globalement admis que la religion relève de la sphère privée, le prosélytisme – au cœur des mouvements évangéliques – est parfois source de tensions et d’incompréhensions avec les pouvoirs publics.

En témoigne les propos de plusieurs ministres récemment en France pointant du doigt le communautarisme supposé des évangéliques – souvent appelés à tort « évangélistes » -, leurs valeurs conservatrices, voire leurs dérives sectaires.

Un environnement a priori peu favorable pour ces croyants attachés aux valeurs traditionnelles de la famille et qui ont fait de la conversion de leur prochain l'un des piliers de leur engagement.

Comment les mouvements évangéliques trouvent-ils leur place en Europe ? Qui sont-ils vraiment, quelles valeurs et quel projet de société défendent-ils ? Pourquoi suscitent-ils l’inquiétude dans certains territoires ?

Le vieux continent est-il pour eux une terre de mission ? Et si oui, comment prêcher la bonne parole dans un environnement marqué par le recul du religieux  dans l’espace public ?  

Pour en parler Sébastien Fath, historien, chercheur au CNRS. Membre du laboratoire GSRL (Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité).

Dans le pitch évangélique, nous ne sommes pas assignés à une condition de départ, on peut recommencer, reconstruire sa vie et on peut gravir l’échelle sociale. Ce discours de mobilité,  de changement et d’ascension est tout naturellement très apprécié des catégories sociales qui se sentent à l’écart de la table de la prospérité européenne ou africaine. Sébastien Fath

Seconde partie - les focus du jour 

Suède. L’immigration : planche de salut pour les Pentecôtistes suédois ?

Le mouvement Pentecôtiste est né au début du XXe siècle en Suède. Après avoir connus son apogée dans les années 80 puis un certain déclin il cherche aujourd’hui à se renouveler. L’arrivée massive de migrants – qu’ils soient afghans ou syriens - sur le sol suédois ces dernières années constitue, pour certains Pasteurs, de nouveaux terrains où porter la « bonne nouvelle ».  

De nombreux évangéliques se sont investis dans l’accueil et l’aide aux migrants. Mais quels sont les ressorts de cet engagement ? Charité chrétienne et devoir de solidarité ou nouveaux terrains de missions ?  

Avec Emir Mahieddin, anthropologue, chargé de recherche CNRS, spécialiste des mouvements évangéliques, pentecôtistes et chrétiens charismatiques en Europe du Nord.

Il y a un prosélytisme des évangéliques suédois à l’égard des migrants, mais les migrants sont eux-mêmes prosélytes envers les nouveaux arrivants et font beaucoup de travail pour les accueillir aussi. Emir Mahieddin

Le contexte national joue aussi un rôle, on s’aperçoit en comparant avec le contexte français qu’en Suède le cloisonnement est plus important. Il y a d’un côté des communautés de convertis, de migrants évangéliques, qui constituent leurs propres églises. De l’autre côté, les églises suédoises avec beaucoup de passerelles, certes, mais cela reste très limité. En France on l’observe beaucoup moins, il y a plus de circulation et de mélange, cela est peut-être dû à l’élément linguistique et à l’héritage de la colonisation. Sébastien Fath

Belgique. Préventions du VIH et églises évangéliques belges : l’alliance improbable

En Belgique les afro-descendants sont davantage exposés à l’épidémie de Sida que le reste de la population. En 2019, un programme de recherche-action a fait le pari d’associer les églises de « réveil » aux politiques de prévention santé et de miser sur leur influence sur la communauté africaine pour améliorer la lutte contre l’épidémie. 

Mais comment faire la promotion du préservatif auprès de Pasteurs qui le perçoivent comme un instrument de licence sexuelle ? Comment convaincre de prendre un traitement dans un milieu où on pense que la guérison ne vient que de Dieu et qu’ « Il » pourvoira à tous les problèmes ?  

Conversation avec Sarah Demart, chargée de recherche à l’Université Libre de Bruxelles et à l’Observatoire du Sida et des sexualités.

Je me suis basée sur les recherches que j’avais collectées entre 2004 et 2010 dans le cadre de ma thèse et qui avait permis de montrer que nous avons à faire à un champ religieux très pluriel et donc différents profils de pasteurs, de migrants. Sarah Demart

Une émission préparée par Mélanie Chalandon 

Références sonores 

  • Le pasteur Tobi Adgboyega, fondateur de SPAC Nation, explique comment il évangélise ses fidèles, notamment dans les quartiers pauvres de Londres (Extrait du reportage « Evangéliques : la multiplication des gains », Vox Pop – Arte, 16 juin 2020)
  • Un fidèle évangélique de la branche charismatique explique en quoi cette église l’a séduite (France 24, reportage de Juliette Lacharnay, 19 mars 2018)
  • Bienvenu Kukimunu, pasteur du Zion Temple à Bruxelles considère que les réfugiés congolais ont une mission à remplir en Belgique, celle d’évangéliser ce peuple (« Dieu est mon gps – Les Eglises évangéliques en Belgique » reportage de Benoît Feyt, 15 décembre 2011)
  • Philippe Ndjoli, vice-président du CEAF (Communauté des Eglises d’Expressions Africaines de France), explique que les migrants africains créent leurs propres églises afin de célébrer leur foi (France 24, reportage de Juliette Lacharnay, 19 mars 2018)
  • Marlene Schiappa évoquait en janvier dernier la portée de la loi sur le séparatisme concernant les évangéliques (Dimanche politique, France 3, 10 janvier 2021)
  • Extrait d’une vidéo de Micael Grenhold, un jeune pentecôtiste radical, figure de ces évangéliques impliqués sur la question migratoire. Il cite ici le Lévitique 19: 33-34

Références musicales 

  • « Es schneit » de Pantha du Prince (Label : Rough Trade)
  • « Come let us go back to god » de Sam Cooke (Label : Get back)

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