

Après des années de mobilisation et de projets de lois rejetés, le 30 décembre 2020, l'Argentine légalise l'avortement. Un signal fort pour les pays d'Amérique latine, dont la majorité interdisent encore l’interruption volontaire de grossesse. Un effet d'entraînement est-il possible ?
- Nicole Forstenzer docteure en sociologie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IEDES)
- Maricel Rodriguez Blanco sociologue et enseignante à Sciences Po Paris
- Angeline Montoya Cheffe adjointe du service international du journal Le Monde, spécialiste des questions de genre et ancienne correspondante en Amérique latine
Le 30 décembre dernier, alors qu’elles l’attendaient depuis des décennies, les femmes argentines ont enfin obtenu la légalisation de l’avortement. Jusqu’ici, il n’était autorisé qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, en vertu d’une loi remontant à 1921. Il est désormais autorisé pendant les quatorze premières semaines de grossesse.
Après plusieurs années de mobilisation et de projets de lois rejetés, cette légalisation est aussi un signal pour tous les pays d’Amérique latine dont la grande majorité interdit encore l’interruption volontaire de grossesse.
Dans quelles conditions les femmes pourront, demain, le faire valoir ?
Comment se sont organisées les mouvements féministes depuis des décennies pour arracher ce droit de haute lutte ? D’ailleurs l’est-il complètement et définitivement ? Quels furent les principaux obstacles et comment ont-ils été franchis ? Peut-on s’attendre à un effet d’entraînement de cette loi à l’échelle régionale ?
Nos invitées sont Maricel Rodriguez Blanco, docteure en sociologie, chercheuse associée au Cespra à l’EHESS et Angeline Montoya, cheffe adjointe du service international du Monde. Ses articles sont à retrouver ici.
Au fil des années, pour défendre l'interdiction du recours à l'IVG, les secteurs conservateurs se sont adaptés aux temps modernes. Dans les années 80 - 90, ces mouvements revendiquaient leur appartenance catholique. Peu à peu il y a eu un glissement des arguments, ils sont passé sur le droit à la vie. On est passé des photos de fœtus déchiquetés à des bébés qui parlent en leur nom propre. Angeline Montoya
En 1994, Carlos Menem, ancien président qui appartenait au pôle conservateur, avait voulu introduire dans la Constitution le droit à la vie depuis la conception. A l'époque cette idée était soutenue par l'Académie Nationale de Médecine. Aujourd'hui nous sommes loin de cette idée, même pour celles et ceux qui pourraient s'en rapprocher il y a une une évolution concernant cela. Maricel Rodriguez Blanco
Seconde partie - le focus du jour
Chili : l’avortement, bientôt en débat pour la nouvelle Constitution ?
Si la dépénalisation de l’avortement en Argentine est un geste fort qui marque tout le continent latino-américain, c’est d’autant plus vrai pour son voisin le Chili, notamment parce que les luttes féministes sont dynamiques et communiquent particulièrement.
Ainsi, une association a proposé au mois de janvier un projet de loi pour légaliser l’avortement dans ce pays où il était totalement interdit jusqu’en 2017, un héritage du dictateur Pinochet, qui avait inscrit dans la Constitution que "la loi protège la vie de l’enfant à naître".
Si le projet de loi a pour l’instant peu de chance d’aboutir, il permet de tenter de placer les droits sexuels et reproductifs comme un sujet incontournable dans l’écriture de la nouvelle Constitution.
Conversation en compagnie de Nicole Forstenzer, docteure en sociologie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Les manifestations féministes au Chili ont été à l'avant-garde de la révolte sociale de 2019 avec le "Mayo feminista" de 2018 qui était lié au mouvement #Metoo . Nicole Forstenzer
Une émission préparée par Bertille Bourdon.
Références sonores
- Témoignage de Julia Martino militante pro-avortement la veille du vote concernant le projet de loi sur l’avortement en Argentine (France 24, 29 décembre 2020)
- Résultat du vote du texte de loi légalisant l’avortement en Argentine (AFP, 30 décembre 2020)
- Témoignages d’Erika et de Magdalena, militantes pro-avortement au soir de la légalisation l’avortement (Reportage d’Aude Villiers-Moriamé, Europe 1, 30 décembre 2020)
- Bettina Ugarte, activiste anti-avortement, ne comprend pas la lutte du mouvement Ni Una Menos et des pro-avortement (Extrait du reportage « Argentine : la révolte des femmes », Arte, 07 novembre 2019)Bettina Ugarte, activiste anti-avortement, ne comprend pas la lutte du mouvement Ni Una Menos et des pro-avortement (Extrait du reportage « Argentine : la révolte des femmes », Arte, 07 novembre 2019)
- Témoignage de Nora Cortinas, présidente des mères de la place de mai, critiquant l’attitude de l’Eglise argentine vis-à-vis des femmes (France 24 + France info, 21 août 2018)
- Las Tesis sont venues devant le Congrès de la Nation argentine en février 2020 pour soutenir les militantes pro-avortement, en adoptant les paroles sur l’avortement (Infobae, 20 février 2020)
- La Député Chilienne Maité Orsini , à propos des discussions autour d’un projet de loi déposé en janvier au Chili pour légaliser l’avortement (24horas, 13/01/2021)
Références musicales
- « Pelican narrows » de Caribou (Label : Leaf)
- « Nos queremos fuertes » de Cecilia Griffa, chanson contre le féminicide en Argentine
L'équipe
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