De l’Arabie aux Émirats : les écueils d’une modernisation à marche forcée : épisode 3/4 du podcast Monarchies au pied du mur

28 juin 2019, Osaka, Japon - Mohammed ben Salmane, prince héritier et vice-Premier ministre d'Arabie saoudite depuis 2017, participe à un sommet du G20
28 juin 2019, Osaka, Japon - Mohammed ben Salmane, prince héritier et vice-Premier ministre d'Arabie saoudite depuis 2017, participe à un sommet du G20 ©Getty - picture alliance
28 juin 2019, Osaka, Japon - Mohammed ben Salmane, prince héritier et vice-Premier ministre d'Arabie saoudite depuis 2017, participe à un sommet du G20 ©Getty - picture alliance
28 juin 2019, Osaka, Japon - Mohammed ben Salmane, prince héritier et vice-Premier ministre d'Arabie saoudite depuis 2017, participe à un sommet du G20 ©Getty - picture alliance
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Regard croisé sur l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, sur les stratégies de deux royaumes et de deux princes pour maintenir leur place dans la compétition économique et géopolitique mondiale.

Avec
  • Fatiha Dazi-Héni Chercheuse spécialiste des monarchies de la péninsule arabique à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM)
  • Olivier Da Lage rédacteur en chef à RFI et spécialiste du Moyen Orient et de l’Inde
  • Sébastien Boussois Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient-relations euro-arabes / terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l'UQAM Montréal), de SAVE BELGIUM

Depuis 5 ans maintenant, l’Arabie Saoudite est conduite par un jeune prince héritier, Mohammed Ben Salman, aux ambitions modernisatrices sans limite. En effet, dès son arrivée, « MBS » a dressé la feuille de route des réformes économiques, sociales et politiques nécessaires au Royaume, incarnées par son fameux plan « Vision 2030 » - présenté en avril 2016.

Diversification et libéralisation de l’économie, développement durable, place des femmes, relations avec les autorités religieuses ; autant de domaines dans lesquels le monarque entend rompre, voulant donner l’image d’un responsable progressiste et modernisateur. Mais derrière cette image se trouve également un homme autoritaire qui n’hésite pas à lancer des guerres sans fin, comme au Yémen, et à neutraliser ceux qui s’opposent à lui - que ce soit Mohammed Ben Nayef, l’ancien héritier déchu par décret et aujourd’hui accusé de complot, ou encore le journaliste Jamal Khashoggi, assassiné à Istanbul en 2018.

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Tandis que le mythe d’un dirigeant ouvert sur le monde et visionnaire semble échapper au leader, les problèmes s’accumulent pour le Royaume : enlisement dans la guerre au Yémen, crise pétrolière, conflit avec le Qatar...

MBS a-t-il encore les moyens de ses ambitions ? Ne devra-t-il pas revoir ses objectifs à la baisse, tant en matière de transformation de l’économie que de leadership régional ? Jusqu’où le pays pourra-t-il tenir le tain des réformes tout concentrant toujours plus les pouvoirs ?

Pour le comprendre, il faudra aussi regarder du côté des Émirats arabes unis où Mohammed Ben Zayed (le modèle – voire le mentor – de MBS) tient aussi une posture de réformateur, n’hésitant pas récemment à engager un processus de normalisation avec Israël, tout en instaurant un régime absolutiste...

Petit territoire entouré de grandes puissances, les Émirats n’en restent pas moins inquiets pour leur avenir. La stratégie d’influence tous azimuts de Ben Zayed portera-t-elle ses fruits ? La gestion autoritaire du Prince et son implication dans de nombreux conflits ne finira-t-elle pas par ternir son image ? Enfin, les clinquantes Dubaï et Abu Dhabi pourront-elles supporter l’effondrement du tourisme et des voyages d’affaires provoqué par la crise sanitaire ?

Mohammed Ben Salman a tout un projet qui consiste à construire une nation, que ce soit par rapport à sa politique régionale ou à sa nouvelle politique économique - une politique où il veut faire du royaume une nation solide économiquement et une référence au Moyen-Orient. Cette propagande a un certain attrait auprès des jeunes, et même si beaucoup ont été sidérés par l'assassinat de Khashoggi, ils ont eu tendance à penser que l'on voulait empêcher ce prince héritier de moderniser le pays et son image. Donc beaucoup d'entre eux ont défendu par défaut le prince, malgré cet impair qui pèse beaucoup sur la réputation du pays. Fatiha Dazi-Héni

En Arabie Saoudite, il y a de réelles craintes par rapport à certaines positions du Congrès [américain] qui réclament plus de transparence, de justice, et que si jamais une alternance avec Biden se faisait, le Congrès serait probablement plus apte à demander des comptes à Mohammed Ben Salman. Fatiha Dazi-Héni 

Il y a un rêve, chez Mohammed ben Zayed, de la « start-up nation ». Il a mis en place une stratégie de diversification et de modernisation de l'économie, et il est le président, à la fois, du fonds d'investissement et gère la planification du développement du pays. Et il rêve, les yeux ouverts, d'un modèle de développement à l'israélienne. Sébastien Boussois

Les réformes du droit du travail annoncées par le Qatar ne sont pas nouvelles : cela fait plusieurs années que le Qatar s'est engagé à abroger le système de la Kafala - le fait de devoir avoir un sponsor local, un garant, pour y travailler - ce qui a donné lieu à beaucoup d'abus. Quand ils ont obtenu l'attribution de la Coupe du Monde, les projecteurs internationaux se sont dirigés vers eux, et cela les a mis sur la sellette : les chantiers pour la construction d'infrastructures ont donné lieu à tellement d'abus que forcément, les organisations syndicales mondiales ou le Bureau International du Travail ont commencé à leur mettre la pression. Olivier Da Lage 

Extraits sonores

- Extraits d’une interview donnée par  Mohammed ben Salman à la chaîne Al Arabiya peu après la présentation de son plan « Vision 2030 » (Al Arabiya, 25 avril 2016)

- Nasser Al Khater, secrétaire général du Comité suprême pour l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, s'exprime sur la difficulté pour les autorités qataries à s’adapter aux standards occidentaux du droit du travail (RMC Sport, 08 novembre 2016), 

Extraits musicaux

- « Tawa » de Deena Abdelwahed (Label : Infine)

- « Khajlanah » de Aseel Omran (Label : Kriztal Entertainment)

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