Du Xinjiang au Tibet : musulmans et bouddhistes face à la sinisation : épisode • 2/4 du podcast Minorités religieuses : exister malgré tout

Des manifestants brandissent des drapeaux du Turkestan oriental (ouïgour) devant l'ambassade de Chine à Berlin le 27 décembre 2019 pour dénoncer les mauvais traitements infligés par la Chine
Des manifestants brandissent des drapeaux du Turkestan oriental (ouïgour) devant l'ambassade de Chine à Berlin le 27 décembre 2019 pour dénoncer les mauvais traitements infligés par la Chine ©AFP - JOHN MACDOUGALL
Des manifestants brandissent des drapeaux du Turkestan oriental (ouïgour) devant l'ambassade de Chine à Berlin le 27 décembre 2019 pour dénoncer les mauvais traitements infligés par la Chine ©AFP - JOHN MACDOUGALL
Des manifestants brandissent des drapeaux du Turkestan oriental (ouïgour) devant l'ambassade de Chine à Berlin le 27 décembre 2019 pour dénoncer les mauvais traitements infligés par la Chine ©AFP - JOHN MACDOUGALL
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Un million de Ouïgours seraient internés dans des camps de rééducation chinois, les témoignages des rescapés sont insoutenables. La volonté de contrôle chinois sur le Xinjiang n’a cessé de s’intensifier, rappelant la sinisation du Tibet. Que reste-t-il de la culture ouïgoure dans le Xinjiang ?

Avec
  • Rémi Castets Maître de conférences et co-directeur de l'unité de recherche Dynamiques, interactions, interculturalité asiatiques à l'Université Bordeaux Montaigne
  • Sabine Trebinjac Directrice de recherche en anthropologie politique
  • Katia Buffetrille Ethnologue, chercheuse au Centre de documentation sur l’aire tibétaine (CDAT – EPHE).

Exilés en France, en Turquie ou au Kazakhstan, les rescapés des camps de rééducation chinois offrent des témoignages terribles, mais précieux, pour comprendre la politique à l’œuvre dans la région du Xinjiang, désormais inaccessible aux observateurs étrangers.

Un million de Ouïgours, soit un douzième de la population locale, seraient internés dans ces structures. Une estimation basée sur le recoupement minutieux de témoignages, l’étude approfondie de documents officiels et de rares fuites de données protégées, ainsi que l’observation d’images satellites.

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En ressort une politique de sinisation forcée qui rappelle la révolution culturelle, entre lavage de cerveau, déplacement de population et stérilisations des femmes, que Pékin ne nie qu’en partie. Si la Chine récuse, en effet, les internements extrajudiciaires et les exactions qui en découlent, elle revendique en revanche dans le Xinjiang une politique de développement économique, mais également de déradicalisation et de lutte contre le terrorisme.

Alors que les exactions de Pékin à l’égard de Ouïgours ont été assimilées à un génocide par plusieurs puissances occidentales, que reste-t-il de la culture ouïgoure aujourd’hui dans le Xinjiang ?

Outre les raisons idéologiques et sécuritaires avancées par Pékin, quels calculs économiques et politiques ont abouti à une telle situation ?

La lente prise de conscience du problème par la communauté internationale a-t-elle une chance d’infléchir la répression ?

Avec Sabine Trebinjac, directrice de recherche en anthropologie politique et Rémi Castets, maître de conférences en études chinoises à l’université Bordeaux-Montaigne. 

La montée de la violence dans les années 2010, sans parler de violence de forte intensité, va amener les autorités à adopter un cadre répressif de plus en plus mal accepté par les ouïghours, jusqu’au moment où il va devenir tellement totalisant et répressif, qu’il n’y aura plus de marges d’expression pour les voix dissonantes. Rémi Castets

Je parle d'un civilicide puisque tout ce qui relève de la civilisation ouïghoure tend à disparaitre ou est gommé. Par exemple, les ouïghours n’ont plus le droit de parler leur langue et doivent parler le mandarin. Sabine Trebinjac

Seconde partie - focus du jour

Comme le Xinjiang, le Tibet fait l’objet d’une intense politique de sinisation forcée, dont les bouddhistes sont les principales victimes. 

Le mois dernier, un moine de 19 ans est mort en détention à la suite de mauvais traitements. 

Le Nouvel an tibétain, mi-février, a été à peine fêté, les autorités ayant pris le prétexte du Covid-19 pour fermer le très sacré temple de Jokhang. Et comme chaque année à l’approche du 10 mars, date anniversaire du soulèvement de Lhasa en 1959, la surveillance est actuellement extrême dans cette région autonome de l’ouest de la Chine. 

Quelle forme prend la répression du bouddhisme tibétain ? Sa pratique subsiste-t-elle malgré tout dans la région ? La situation du Tibet est-elle comparable à celle du Xinjiang, et dans quelle mesure relèvent-elles toutes deux d’un même projet politique ?

Entretien avec Katia Buffetrille, chercheuse à l’école pratique des hautes études (EPHE). 

Depuis 2019, les religieux qui sont allés en Inde, et reviennent au Tibet ensuite, n’ont plus le droit d’enseigner. Katia Buffetrille

Une émission préparée par Margaux Leridon

Références sonores 

  • Gulbahar Haitiwaji,  femme Ouighour rescapée des camps chinois du Xinjiang (RFI, 25 janvier 2021)
  • Kayrat Samarkan, rescapé Kazakh d’un camp de rééducation, en octobre 2018 (Arte journal, 24 octobre 2018)
  • Gulbahar Jalilova, femme Ouighour rescapée des camps (Extrait du reportage « Chine : Ouighours, un peuple en danger » d’Antoine Védeilhé et Angélique Forget diffusé sur Arte le 15 mai 2019)

Références musicales 

  • « Paused » par Kiasmos (Label : Erased Tapes)
  • « Nisagul » de Sanubar Tursun, chanteuse compositrice Ouighoure (Label Felmay)
Grand Reportage
56 min

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