Après une étape aux Etats-Unis, où le plan "Build Back Better" tente de réhabiliter un réseau ferroviaire délaissé, direction le Japon, pays pionnier de la grande vitesse qui pâtit de la concurrence. La dernière halte se fera en Russie, où les LGV peinent à dépasser le stade de promesses politiques.
- Charlotte Ruggeri Géographe, chercheuse associée au Laboratoire Ville Mobilité Transport et à l’université Gustave Eiffel
- Jean-François Sabouret Sociologue du Japon, directeur de recherche au CNRS et directeur du réseau Asie/Imasie.
Le train a joué un rôle important dans l’unification et la structuration du territoire états-unien au XIXème siècle. Avant de tomber en décrépitude, les Américains privilégiant peu à peu l’automobile et l’avion au détriment du ferroviaire.
Pourtant, ces dernières années, Washington a tenté à plusieurs reprises d’endiguer le désintérêt croissant des compagnies privées pour le rail.
Récemment, c’est le président Biden qui annonçait des investissements fédéraux ambitieux dans le cadre de son fameux plan de relance post-Covid Build Back Better.
En novembre dernier, le Congrès a d’ailleurs validé un plan de relance ferroviaire de 66 milliards d’euros dont une partie doit financer le développement de trains à grande vitesse et des infrastructures qui vont avec. L’occasion pour les Etats-Unis de moderniser et de densifier leur réseau pour satisfaire les usagers, mais aussi de combler une partie du retard abyssal pris sur leur rival chinois en la matière.
Pour ce faire, Joe Biden devra surmonter des obstacles sur lesquels s’étaient écrasés quelques prédécesseurs, notamment l’ancien président Obama, qui avait lui aussi de grandes ambitions pour le rail. Quelles motivations politiques guident l’ambitieux plan de Joe Biden ? Comment expliquer le fossé infrastructurel et technologique qui sépare les Etats-Unis de la Chine en matière de train à grande vitesse ? L’interventionnisme actuel de la Maison-Blanche marque-t-il un tournant majeur dans l’histoire ferroviaire américaine ? Et sur quels acteurs Washington peut-il compter pour accomplir la mue de son réseau ?
Une des raisons qu’on avance sur le retard des Etats-Unis, c'est de dire qu’il s’agit d’un très grand pays spatialement : un TGV serait inadapté car les distances sont trop grandes (…). Or, à partir du moment où un très grand pays comme la Chine lance des lignes à grande vitesse, cet argument tombe et donne un argument pro-rail. Charlotte Ruggeri
Florian Delorme reçoit Charlotte Ruggeri, géographe, chercheuse associée au Laboratoire Ville Mobilité Transport et à l’université Gustave Eiffel.
Seconde partie : les focus du jour
Japon : le précurseur au défi de l’export
Si les Etats-Unis tentent de combler un retard accumulé depuis des décennies en matière de train à grande vitesse, de l’autre côté du Pacifique, la donne est toute autre. Le TGV japonais, baptisé Shinkansen, est le premier au monde à être entré en circulation en 1964. Il occupe une place centrale dans la culture, le développement industriel et l’aménagement territorial de l’archipel. Fleuron de la technologie nippone, il peine néanmoins à s’exporter à l’international, malgré quelques contrats d’ampleur signés ces dernières années. Pourquoi le Shinkansen est-il devenu l’un des symboles du renouveau japonais ? Dans quelle mesure a-t-il contribué à structurer le territoire et l’économie nippone contemporaine ? Et comment le Japon vit-il la concurrence chinoise, sud-coréenne, et plus largement internationale qu’il doit affronter dans l’attribution de nouveaux marchés à l’étranger ?
Le train grande vitesse au Japon, c’est à la fois la prouesse technique et la mise à la disposition pour le plus grand public. Jean-François Sabouret
Avec Jean-François Sabouret, sociologue du Japon, directeur de recherche au CNRS, directeur du réseau Asie/Imasie.
En Russie, le mirage de la grande vitesse
A l’ouest du Japon, les terres du célèbre Transsibérien ne sont pas propices au développement des Lignes Grande Vitesse : trop étendu, pas assez peuplé, le territoire russe est aussi profondément inégalitaire. De Moscou à Pékin, Saint-Pétersbourg ou encore Helsinki, les LGV russes ne sont encore que des projets, évoqués par des dirigeants soucieux de leur image à l’échelle nationale comme internationale. Pourquoi les Lignes Grandes Vitesses russes en restent-elles au stade d’annonce ? A qui profite cette communication ? Et malgré leur caractère prospectif, sur quels enjeux régionaux reposent ces grands axes ?
Le principe de la ligne à grande vitesse est qu’elle doit être rentable, et par conséquent desservir des bassins de population assez importants. Le problème, c’est qu’il n’y a que 15 villes millionnaires (avec plus d’un million d’habitants) en Russie, dont deux qui cumulent une grande partie de cette population. Vladimir Pawlotsky
Avec Vladimir Pawlotsky, doctorant en géopolitique à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8).
Références sonores
Ambiances de passage du train Amtrak Alstom Avelia Liberty (le nouveau Acela 21), tests de jour à Rhode Island en avril 2021 (Fan Railer, 15 avril 2021)
Discours de Joe Biden annonçant son investissement pour Amtrak à Philadelphie, et son importance pour rester dans la course internationale (Global News, 30 avril 2021)
Discours d’Obama dévoilant son plan de développement des trains à grande vitesse et laissant imaginer la façon dont le train simplifiera la vie de tous (The Obama White House, 13 avril 2009)
Discours de Gavin Newsom, gouverneur de la Californie, qui chante les louanges du projet de ligne à grande vitesse dans son Etat et les transformations que le train va apporter à la région (Sacramento Bee, 13 février 2019)
Inauguration de la ligne Tokaido Shinkansen en 1964 (Panparopan, 1er décembre 2018)
Témoignage d’Alina Mcleod après son voyage de 4h dans le Saspan St Pétersbourg-Moscou
Références musicales
- « Train » de Thylacine (Label : Intuitive Records)
- « Take A Train", Ella Fitzgerald (Label : Verve)
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