Europe : libéraliser n’est pas intégrer : épisode 1/4 du podcast Les nouveaux aventuriers du rail

Une femme dans le premier Frecciarossa à la Gare de Lyon de Paris, le 18 décembre 2021
Une femme dans le premier Frecciarossa à la Gare de Lyon de Paris, le 18 décembre 2021 ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Une femme dans le premier Frecciarossa à la Gare de Lyon de Paris, le 18 décembre 2021 ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Une femme dans le premier Frecciarossa à la Gare de Lyon de Paris, le 18 décembre 2021 ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Publicité

"Année européenne du rail", l'an 2021 faisait du train un acteur incontournable de la lutte contre le réchauffement climatique et l'élément fédérateur d'une Europe unie. Début 2022, quel est le bilan du réseau ferroviaire européen, qui s'ouvre depuis plusieurs années à la concurrence ?

Avec
  • Antoine Beyer maître de conférences à l’UFR de Géographie et d’Aménagement (Université de Paris-Sorbonne).
  • Nacima Baron Géographe française

7h26, le 18 décembre 2021. La première « Flèche rouge », comme on nomme le train à grande vitesse italien, est décochée depuis la Gare de Lyon. Faisant escale à Lyon avec deux minutes d’avance, elle repartira de plus belle pour Milan.

La compagnie italienne TrenItalia a ainsi signé l’arrivée du premier acteur étranger sur le marché français, désormais ouvert au transport de voyageurs. Après le transport des marchandises en 2006, puis celui des voyageurs à l’international (2011), deux nouveaux segments du marché ferroviaire s’ouvrent progressivement à la concurrence, conformément à la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

Publicité

En effet, depuis les années 90, les règles du marché libre européen obligent à mettre fin aux monopoles étatiques dans la gestion des flux ferroviaires. Cela afin que cette mise en concurrence améliore les services proposés. Pourtant, il semble que plusieurs obstacles se dressent sur cette route : problèmes d’interopérabilité, variations des législations, manque d’investissement …

En Angleterre, il y a eu un tel succès, une telle augmentation du nombre de trains que le réseau peut difficilement l’assumer. On se rend compte qu’il y a un problème de coordination entre le gestionnaire d’infrastructures et les différents opérateurs ferroviaires. Didier Van de Velde

Sur la longue distance, les trains allemands à grande vitesse sont moins performants que l’offre française (…). Le succès du ferroviaire allemand est à chercher dans le fret, beaucoup plus que dans le transport des voyageurs. Antoine Beyer

Que peut-on attendre de ce nouveau chapitre du train européen ? L’ouverture à la concurrence est-elle toujours une bonne affaire ? Et pour qui ? Quelles leçons tirer de nos partenaires européens dans le domaine ?

Florian Delorme reçoit Antoine Beyer, professeur de géographie à l’Université de Cergy-Paris Université et Didier Van de Velde, chercheur à la faculté de Delft, directeur de Inno-V.

Seconde partie : le focus du jour

La concurrence SNCF-RENFE : un enjeu territorial ?

Une femme achetant un billet de train dans une borne RENFE à Madrid, le 5 septembre 2019.
Une femme achetant un billet de train dans une borne RENFE à Madrid, le 5 septembre 2019.
© AFP - GABRIEL BOUYS

Le 10 mai dernier, Ouigo, la filiale à bas prix de la SNCF, inaugurait son premier trajet à l’étranger, en Espagne, entre Barcelone et Madrid. Une première pour l’Espagne, dont le monopole de l’Etat par la RENFE était jusqu’à présent assuré. Une nouveauté aussi pour les voyageurs, puisqu’en Espagne, le transport en TGV était considéré comme un luxe, avec une très grande qualité de service, mais des prix souvent rédhibitoires. Face à cette concurrence française, la RENFE a annoncé vouloir transporter des voyageurs dans ses wagons entre Paris et Marseille, via Lyon, dans les prochaines années. Derrière cette concurrence entre compagnies, il semble que se joue pour l’Espagne son ancrage dans le territoire européen.

L’Espagne est un terrain privilégié du déploiement des nouveaux entrants, un terrain d’affrontement violent entre les opérateurs. Il va falloir du temps pour que Renfe change progressivement de modèle : elle a perdu beaucoup d’argent en 2021 et (…) essaie de répondre avec un low cost encore plus low cost que OUIGO. Nacima Baron

Avec Nacima Baron, géographe, professeure à l'université Paris Est Marne La Vallée, chercheuse au laboratoire « Ville, mobilité, transport » de l'École des Ponts ParisTech (ENPC).

Pour en savoir plus : "WHO KILLED BARCELONA'S HIGH SPEED STATION PROMISES ? INFRASTRUCTURE POLITICAL CAPTURE, SCALING NARRATIVES AND THE URBAN FABRIC", Nacima Baron (mars 2019) in European Journal of Geography Volume 10

Références sonores

Ambiances du départ d’un Frecciarossa 1000 de la compagnie Trenitalia à Gare de Lyon le 18 décembre dernier

Reportage d’un journaliste italien + témoignage de passagers à l’arrivée en gare de Lyon le 18 décembre dernier (FS News, 18 décembre 2021)

Témoignages d’usagers du train britannique qui regrettent l’époque où le train était un service public et critiquent le prix exorbitant des tarifs actuels (France 24, 03 avril 2018)

Ambiance de grève dans une gare allemande (grève du syndicat des machinistes GDL, la Deutsche Bahn fait une proposition) (RTBF.BE, 1er septembre 2021)

Adina Valean, la Commissaire européenne chargée des transports, explique les enjeux du train européen, le « Connecting Europe Express » qui a relié pendant cinq semaines plusieurs centaines de villes européennes en septembre dernier (Euronews, 03 septembre 2021)

Références musicales

  • « Photon » de Pantha du Prince & The Bell Laboratory (Label : Rough Trade)
  • « The Train From the Kansas city » des Shangri-La’s (Label : Lilith records)

L'équipe