La Guyane abrite depuis 1964 la base de lancement spatial française et européenne, une technologie de pointe qui contraste avec les nombreuses problématiques sociales que connait le département.
- Valérie Morel Géographe, maîtresse de conférences à l’Université d'Artois.
- Patrick Blancodini Professeur agrégé d'histoire et géographie en lycée et classes préparatoires, spécialiste de la Guyane
- Mathieu Brier Journaliste indépendant, auteur et éditeurs aux Éditions de la dernière lettre
Des fusées qui décollent et un territoire qui reste à terre, c’est tout le paradoxe qu’avaient soulevé en 2017 des milliers de Guyanais, toutes classes sociales et convictions politiques confondues, lors d’un immense mouvement social parti de la ville de Kourou.
C’est dans cette petite bourgade de 20 000 habitants, située en bordure de l’océan Atlantique et à une soixantaine de kilomètres de Cayenne, que se trouve le CSG : le Centre spatial guyanais, une base de lancement française et européenne d’où partent une quinzaine de lancements chaque année.
Dans les années 1960, la France choisit la Guyane pour installer le pas de tir de ses fusées. L'Algérie, dont le CNES avait jusqu’ici utilisé les champs de tir, venait juste de prendre son indépendance. Kourou est alors sélectionné parmi une quinzaine de sites pour son ouverture sur l’océan Atlantique et pour sa proximité avec l'équateur qui permet de bénéficier au maximum de la vitesse de la rotation de la Terre – ce qu’on appelle l’effet de fronde.
Vu de métropole, le spatial continue de fasciner, malgré les difficultés que connaît le secteur. Vu de Guyane, la présence de cette industrie de pointe contraste avec la réalité sociale et économique du département où 53% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Comment expliquer le décalage d’investissement de l’État entre les activités spatiales et le reste de l’économie marginalisée et dépendante des aides ? À quel point le centre spatial est-il considéré comme stratégique et que deviendrait le département si les fusées Ariane devenaient moins compétitives ? En quoi les frontières avec le Brésil et le Suriname font de ce territoire un espace vulnérable ? Enfin, comment les Guyanais vivent et s’organisent-ils pour faire face à cette situation ?
Julie Gacon reçoit Valérie Morel, géographe, maîtresse de conférences à l’Université d'Artois ainsi que Patrick Blancodini, professeur agrégé d'histoire et géographie en lycée et classes préparatoires et spécialiste de la Guyane.
Valérie Morel analyse les inégalités sociales comme étant à l’origine du mouvement social de 2017 en Guyane : “La situation était très tendue, les émeutes ont commencé à Kourou pour des questions d’insécurité qui sont de plus en plus présentes, car on a un décalage économique très fort entre les différents groupes sociaux.”
La frontière entre la Guyane et le Suriname, difficile à contrôler, représente un vrai défi pour l’État français analyse Patrick Blancodini : “Les trafics sont très importants dans l’Ouest guyanais, notamment celui de la drogue qui explose littéralement. Tout ça entraîne beaucoup de violence et d’insécurité. L’État est complètement dépassé.”
Seconde partie : le focus du jour
“La Montagne d’or” : les espoirs controversés du développement par le secteur aurifère.
Avec Mathieu Brier, journaliste indépendant, auteur et éditeurs aux éditions de la dernière lettre.
Quatre-vingt tonnes d’or, c’est ce que les promoteurs et défenseurs du projet Montagne d’or espéraient retirer en douze ans d’exploitation d’un site situé sur le massif Lucifer Dékou-Dékou sur le flanc ouest du territoire guyanais. Une mine à ciel ouvert au cœur de la forêt amazonienne qui faisait craindre d’importantes conséquences environnementales en raison notamment de l’usage du cyanure que requiert ce type d’exploitation. Contesté par de nombreuses associations locales et nationales, le projet a finalement été déclaré contraire à la Constitution en février 2022 suite à une plainte de France Nature Environnement. Que révèle-t-il des espoirs de développement que suscitent les gisements d’or en Guyane, mais aussi du rapport de l’État français à ce territoire ?
Selon Mathieu Brier, si l’État français a renoncé au projet Montagne d’or, ce n’est pas là l'état d'esprit de l’industrie minière : “L’idée d'abandonner définitivement l’exploitation d’un site est assez étrangère à l’industrie minière qui est rodée au fait d’attendre parfois plusieurs décennies avant d’accéder à un gisement. L’entreprise continue d’ailleurs de proposer aux investisseurs le projet Montagne d’or sur son site internet en disant qu’elle est simplement en attente de nouvelles autorisations.”
Pour aller plus loin :
- Mathieu Brier est l'auteur du reportage " La riche idée du développement, enquête sur une Montagne d’Or" paru dans le n°12 de la revue Z, consacré à la Guyane : " Guyane, trésors et conquêtes” en 2018
- Il est également l'auteur, avec Naïké Desquesnes, de " Mauvaises mines" publié par les Éditions de la dernière lettre en 2018
Références sonores & musicales
- Décollage d’une fusée Ariane (Centre spatial guyanais - 05/02/19)
- Témoignage d'un ingénieur sur l’enjeu financier des lancements de satellites (Documentaire “Kourou la course aux étoiles” - 09/21)
- Manifestant lors du mouvement social de 2017 expliquant qu’il n’y en a que pour le spatial en Guyane (Guyane la 1ère, 03/17)
- Témoignages de Guyanaises sur les problèmes sociaux en Guyane (France 3 - 03/17)
- Une élue guyanaise se plaint des promesses non tenues du Président (France 24 - 31/05/19)
- Reportage de Philippe Randé dans le journal 9h de France Culture du 05/04/17
- Deux témoignages d’immigrants clandestins (France 3 - 29/09/22)
- Une militante autonomiste guyanaise (Guyane la 1ère - 24/03/22)
- Un opposant au projet Montagne d’or (Reportage L’Obs - 06/18)
- " 500 frè" du rappeur guyanais Dasinga (2017)
Une émission préparée par Mélanie Chalandon.
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- Elie ToquetStagiaire