Le dépassement du confessionnalisme et du communautarisme est aujourd'hui revendiqué par de nombreux manifestants en Irak. Quelle place tiennent ces demandes aux yeux d’une population épuisée par la succession des guerres depuis les années 1980, mais aussi au sein d'une classe politique fragmentée ?
- Arthur Quesnay Docteur en science politique affilié à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- Adel Bakawan Directeur du Centre français de recherche sur l'Irak (CFRI)
Les manifestations massives déclenchées en 2019 en Irak, et qui subsistent depuis - par étincelles et en dépit de la répression et de la crise sanitaire - ont pu donner l’impression que le pays connaissait, à l’instar du Liban, un Printemps à retardement. Pourtant, dès 2011, des mouvements de contestation avaient émergés, notamment dans la région kurde de Souleimanye, où les habitants s’étaient mobilisés contre les pouvoirs locaux, avant d’être rapidement rappelés à l’ordre. Des manifestations avaient également eu lieu dans les territoires sunnites. Leur répression, tout aussi violente, avait progressivement tourné à la guerre civile, ouvrant la voie à la prise de pouvoir de l’Etat islamique.
Les années de conflits qui se sont ensuivies ont achevé de ravager un pays déjà laissé exsangue par la guerre américaine contre le terrorisme. Mais l’espoir d’un renouveau démocratique n’est pas mort.
Si les régions qui se soulèvent depuis 2019 ne sont pas les mêmes qu’il y a dix ans, on retrouve dans ce mouvement le répertoire d’action des Printemps arabes, comme l’occupation des places. Loin des querelles identitaires qui ont longtemps miné le pays, on observe ces dernières années des populations kurdes qui se soulèvent contre des autorités kurdes, et des populations chiites contre un gouvernement chiite, avec un appel à dépasser le confessionnalisme. Pourtant, ces différents mouvements peinent à converger, et la répression persiste.
Le dépassement du confessionnalisme et du communautarisme irakiens, revendiqué par de nombreux manifestants, est-il concrètement possible aujourd’hui ? Quelle place tiennent encore l’espoir démocratique et le désir de réformes aux yeux d’une population épuisée par la succession des guerres depuis les années 1980 ? Quel est le rôle des omniprésentes milices chiites dans la répression systématique de toute tentative de contestation en Irak ?
Comment les pays voisins – notamment l’Iran - pèsent-ils pour empêcher la reconstruction d’un état irakien fort et indépendant ?
Un échange en compagnie d'Adel Bakawan, directeur du département recherche de l'Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), directeur du Centre de Sociologie de l'Irak (CSI/ Université de Soran), et d'Arthur Quesnay, chercheur post-doctorant en science politique à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Il est important de rappeler qu'il y a une vraie déconnexion entre la population irakienne et sa scène politique, composée de partis qui s'accaparent les institutions et les ressources de l'Etat à des fins privées. Finalement, même le mouvement qui s'impose en 2014 pour contrer l'Etat islamique devient très vite une nouvelle strate d'organisation politico-milicienne qui tente de s'accaparer le pouvoir. Arthur Quesnay
La grande pathologie de l'Irak actuel, c'est qu'il n'y a aucune élite qui porte un projet national. Personne ne porte ce projet de reconstruction irakienne à l'échelle nationale, de mise en place d'un référentiel irakien, d'élaboration d'un contrat social sur lequel l'on fait consensus. Adel Bakawan
Une émission préparée par Margaux Leridon et Nicolas Szende.
Références sonores
- Témoignages de manifestants irakiens lors des manifestations d’octobre 2019 (France 24, 29 octobre 2019)
- Témoignage d’un manifestant irakien sur la place Tahrir de Bagdad en octobre dernier (France 24, 25 octobre 2020)
- Extrait d’une déclaration de Massoud Barzani en juillet 2014 évoquant l’idée d’un référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien (France 24, 04 juillet 2014)
- Extrait d’une interview d’Hadi Al-Ameri, chef de la milice chiite irakienne Badr dans lequel il insiste sur le fait que son organisation se bat d’abord pour l’Irak (France 24, itw menée par Khalil Bechir, 30 juin 2015)
- Abu Mohammed al-Adnani, porte-parole de l’Etat islamique évoquant la désignation d’Abou Bakr al-Baghdadi comme calife (France 24, 30 juin 2014)
Références musicales
- « Choubi » d’Alya al-Sultani & The Shamash Ensemble (Label : Two Rivers records)
- « Kalimat » du groupe Sawa composé de la chanteuse d’origine irakienne Alya al-Sultani et du pianiste allemand Clemens Christian Poetzsch (Label : Two Rivers records)
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