Jacob Zuma, braquage au sommet : épisode 4/4 du podcast Les chefs d’Etat face à la justice

L’ancien Président sud-africain Jacob Zuma salue ses partisans dans la Haute Cour de Pietermaritzburg en Afrique du Sud, le 26 octobre 2021.
L’ancien Président sud-africain Jacob Zuma salue ses partisans dans la Haute Cour de Pietermaritzburg en Afrique du Sud, le 26 octobre 2021. ©AFP - Jerome Delay / POOL
L’ancien Président sud-africain Jacob Zuma salue ses partisans dans la Haute Cour de Pietermaritzburg en Afrique du Sud, le 26 octobre 2021. ©AFP - Jerome Delay / POOL
L’ancien Président sud-africain Jacob Zuma salue ses partisans dans la Haute Cour de Pietermaritzburg en Afrique du Sud, le 26 octobre 2021. ©AFP - Jerome Delay / POOL
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Jacob Zuma est au cœur d’un scandale politico-financier d’une ampleur inédite dans l’histoire de l'Afrique du Sud : durant ses neuf années de présidence, il aurait organisé l’exploitation méthodique des richesses de l’Etat sud-africain pour son profit personnel.

Avec
  • Marianne Séverin Experte de l’Afrique du Sud au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) à Sciences Po Bordeaux
  • Anne Dissez Ancienne journaliste et correspondante en Afrique du Sud pour RFI, La Croix et Africa 1
  • Cécile Perrot Enseignante-chercheuse à l’Université de Rennes II, spécialiste de l’Afrique du Sud

Comme tout bon braquage, le coup orchestré par Zuma a été monté avec des complicités. Au sein de son parti d’abord, le tout-puissant ANC, dont certains cadres ont fermé les yeux sur les malversations de l’ancien président contre rétribution. Mais aussi dans le monde des affaires, avec en particulier la complicité de businessmen d’origine indienne, les « frères Gupta », qui ont peu à peu tissé des liens étroits avec Jacob Zuma, jusqu’à devenir les principaux bénéficiaires du système de spoliation des richesses sud-africaines.

Après des années d’impunité, l’ancien président et ses affidés ont néanmoins été rattrapés. Lanceurs d’alerte courageux, parlementaires rigoureux et journalistes pugnaces ont peu à peu mis à jour un système dont les ramifications s’étendaient jusqu’en Inde et à Dubaï. Les Guptaleaks, sortis en 2017, ont d’ailleurs précipité la chute politique de Zuma quelques mois plus tard. Une chute politique certes, mais sans grandes conséquences judiciaires puisque pour l’instant, l’ancien chef de l’Etat parvient à échapper à la justice. En effet, même ses quelques semaines passées derrière les barreaux pour outrage à magistrat avaient provoqué d’importantes violences de la part de ses supporters cet été.

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Comment Jacob Zuma a-t-il structuré un tel système de corruption généralisée, et comment échappe-t-il encore à la justice ? Quelles sont les conséquences de ces révélations sur le paysage politique et l’état de la démocratie sud-africaine ? Enfin, les citoyens peuvent-ils espérer voir disparaître cette culture clientéliste répandue à tous les niveaux de décision ? 

La corruption dans l’ANC (Congrès National Africain) ne date pas de 1994, elle date d’avant, notamment dans les délégations en exil. Dans le contexte politique de la fin de l’apartheid, l’ANC était l’enfant chéri des Nations Unies et le système d’apartheid était tellement horrible que l’ANC pouvait faire un peu tout ce qu’elle voulait. Anne Dissez

Le state capture (…) c’est un petit groupe de personnes qui ont des intérêts financiers et personnels et qui vont corrompre des personnes au plus haut sommet de l’Etat. On va avoir un Etat dans l’Etat : l’Etat officiel et l’Etat secret. Ici, l’Etat secret était constitué de Zuma, de son fils, des frères Gupta et des autres corrompus. Marianne Séverin

Florian Delorme reçoit Marianne Séverin, experte de l’Afrique du Sud au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) à Sciences Po Bordeaux et Anne Dissez, ancienne journaliste et correspondante en Afrique du Sud pour RFI, La Croix et Africa 1.

Seconde partie : le focus du jour

Afrique du Sud : la fin de l’impunité foncière pour la monarchie zouloue ?

Le roi zoulou Goodwill Zwelithini salue ses partisans dans le stade de football Moses Mabhida à Durban le 7 octobre 2018.
Le roi zoulou Goodwill Zwelithini salue ses partisans dans le stade de football Moses Mabhida à Durban le 7 octobre 2018.
© AFP - RAJESH JANTILAL

Le roi de la Nation zouloue, dont l’ancien président Jacob Zuma est originaire, est également visé par la justice sud-africaine. A la tête depuis 1994 de l’Ingonyama Trust, une société fiduciaire qui regroupe près d’un tiers des terres d’une province zouloue, le monarque a été accusé cet été d’avoir instauré un système de corruption au détriment des habitants de la région. Cependant, la proximité des chefs traditionnels avec le système politique sud-africain et la persistance des tensions post-apartheid entravent la mise en œuvre des sanctions prévues.  

Dans un pays où la terre représente un enjeu symbolique fort, sur quels mécanismes prospère le fond Ingonyama ? Sa mise en accusation consacre-t-elle la baisse d’influence du chef traditionnel zoulou en Afrique du Sud ? 

Depuis 1994, tous les présidents sud-africains sans exception, et le président actuel également, ont marqué leur soutien pour les chefs traditionnels. Le rôle de ces chefs est reconnu dans la Constitution de 1996 et ces dernières années, tout un appareil législatif est venu renforcer leur rôle. Cécile Perrot

Avec Cécile Perrot, enseignante-chercheuse à l’Université de Rennes II, spécialiste de l’Afrique du Sud. 

Références sonores

  • Témoignage d’une manifestante souhaitant le départ de Jacob Zuma en décembre 2015 (France 24, 16 décembre 2015) 
  • Témoignage d’une manifestante pour le départ de Jacob Zuma en avril 2017 (France 24, 07 avril 2017)
  • En septembre 2018, Jacob Zuma dénigrait publiquement les accusations portées contre lui faisant état de corruption généralisée en sa faveur (ENCA, 12 septembre 2018)
  • En février dernier, à la suite d’une nouvelle convocation non-honorée par Jacob Zuma, le juge Raymond Zondo, présidant la commission chargée d’enquêter sur la corruption généralisée, appelle à saisir la cour constitutionnelle devant ce nouvel affront (Africanews, 15 février 2021)
  • Cyril Ramaphosa reconnaît la corruption de l’Etat lorsqu’il était vice-président (Le Figaro, 17 septembre 2021)
  • Le roi zoulou s’exprimait en octobre 2018 sur la réforme foncière que voulait mener le président Cyril Ramaphosa (ENCA, 08 octobre 2018)

Références musicales

  • « The Crown Territory » de Pantha du Prince (Label : BMG)
  • « Measure The Valley » de Miriam Makeba (Label : Reprise records)

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