L'histoire se répète à Jérusalem : la restriction de l'accès à l'espace public et les expropriations de maisons palestiniennes déclenchent une éruption de violence dans la ville, et dans tout le pays. Comment le conflit s'exprime-t-il dans l’aménagement de Jérusalem ?
- Irène Salenson géographe, chercheuse associée au Centre de Recherche Française de Jérusalem
- Vincent Lemire Historien, géographe, directeur du Centre de recherche français à Jérusalem et maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Gustave Eiffel
- Daniel Monterescu professeur associé en anthropologie (Central European University) : titulaire de la chaire EHESS/Iméra en études transrégionales
C’est à nouveau à partir de Jérusalem qu’ont explosé les colères conduisant à une escalade de violences pendant onze jours, à la mi-mai. Le bilan officiel s’élève à près de 250 morts du côté palestinien, une dizaine du côté israélien.
Même si Israël et le Hamas ont fini par trouver un accord de cessez-le-feu le 21 mai, nul doute qu’il ne suffira pas à ramener durablement la paix dans la cité. L’histoire se répète donc inlassablement à Jérusalem. La restriction de l’accès à l’espace public, que ce soit l’esplanade des Mosquées et la porte de Damas, ou encore les expropriations de maisons palestiniennes ont mis le feu au poudre et ont déclenché une nouvelle éruption de violence qui s’est propagée dans tout le pays, y compris dans les villes dites « mixtes » comme Lod, Jaffa ou Acre.
Comment le conflit israélo-palestinien prend forme dans l’organisation de l’espace public et l’aménagement de la ville de Jérusalem ? Que représentent ces lieux de la cité où les tensions se sont cristallisées ? Quels instruments sont utilisés par les autorités israéliennes pour tenter de maintenir une supériorité démographique juive sur la ville Sainte ? Quelle solution permettrait d’entrevoir un règlement pacifique du statut de la ville ?
Nos invités sont Vincent Lemire, historien, directeur du Centre de Recherche Français à Jérusalem et Irène Salenson, géographe, chercheuse associée au Centre de Recherche Française de Jérusalem.
Le litige immobilier est fondé sur un élément de droit israélien dissymétrique et discriminatoire : des propriétés juives, ou réputées juives, d’avant 1948 peuvent bénéficier d’un titre de propriété rétroactive. Évidemment, les 750 000 Palestiniens qui ont dû quitter leur village, leur terre ou leur propriété en 1948 ne peuvent pas en bénéficier ni même l’invoquer. Ces quelques maisons palestiniennes sont emblématiques du sort de l’histoire collective des Palestiniens de Jérusalem, de Gaza et d’une bonne partie de la diaspora palestinienne. Vincent Lemire
Dans la stratégie des colons juifs, il y a 17 points d’appuis autour de la vieille ville de Jérusalem. Dans Jérusalem Est, la plupart des maisons ont été achetées à des sommes astronomiques, par exemple une maison de 70 mètres carrés a été vendue aux enchères à quatre millions de dollars. Autrement, il s’agit de batailles juridiques, comme on peut le voir à Sheikh Jarrah. Irène Salenson
Seconde partie - le focus du jour
Les villes mixtes en Israël : la fin du mythe de la coexistence
Ces dernières semaines les villes mixtes israéliennes comme Saint Jean d’Acre, Lod, ou encore Jaffa, se sont embrasées, laissant libre cours à des scènes de violences intercommunautaires inédites. En Israël, une ville est considérée comme « mixte » si, selon la définition du Bureau central de la statistique (CBS), au moins 10 % de ses habitants sont enregistrés en tant qu’« Arabes ».
Comment a évolué la démographie de ces villes depuis 1948 ? Comment se manifeste la mixité au quotidien ? Pourquoi les récentes tensions se sont-elles particulièrement cristallisées dans ces villes ?
Entretien avec Daniel Monterescu, professeur associé en anthropologie (Central European University) : titulaire de la chaire EHESS/Iméra en études transrégionales.
Concernant les villes mixtes, on parle de ville où 95% de la population palestinienne a été transformée en réfugiés en 1948. Puis après la guerre, des dizaines de milliers d’immigrants bulgares, roumains, marocains arrivent dans ces espaces négligés. On constate une cohabitation, voire une coexistence prolétaire entre les nouveaux arrivants et les Palestiniens, pendant 30 ans. Depuis les années 1990, de nouveaux juifs sont arrivés, créant une situation complexe pour les Palestiniens mais aussi pour la population juive prolétaire, notamment à cause de la gentrification. Daniel Monterescu
Une émission préparée par Lucas Lazo.
Références sonores
- Saleh DIAB, résident de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est des résidents palestiniens de Cheikh Jarrah craignent l’expulsion ( RT, 06 mars 2021)
- Témoignage d'une femme participant à une barmitsva à Jérusalem (Arte : Israël : le long de la ligne verte, 22 août 2018)
- Mazel Jabbari, un musulman qui devait assister à la nuit du destin à Jérusalem, la peur et l'incertitude règnent sur l'esplanade des Mosquées ( France24, 09 mars 2021)
- André Chouraqui, maire adjoint de Jérusalem (1967) INA
- Uris Yirmias, propriétaire du restaurant Uri Buri qui a été attaqué. (France 24 : Conflit israélo-palestinien : au cœur de Saint-Jean-D’acre, ville mixte en proie aux violences, 14 mai 2021)
Références musicales
- "A woman in Jérusalem" de Cyril Morin, bande originale du film "The Human Resources Manager" de Eran Riklis
L'équipe
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