Épisode 4/4 : Marché de l’énergie : le grand emballement

Les responsables européens sont à pied d’œuvre pour répondre à l’urgence sociale et à l’inquiétude des citoyens qui voient le prix du gaz, du pétrole et de l’électricité augmenter brutalement. Vladimir Poutine est notamment venu leur rappeler, lors d’un forum sur l’énergie organisé en Russie, qu’il n’est pas responsable de ces hausses et que c’est la pénurie qui provoque l’augmentation, non l’inverse. Il serait donc inutile de rejeter la faute sur lui, d’autant qu’il pourrait être « la solution » plus que « le problème ».

Le Président russe a également souligné les manquements de l’Union Européenne en matière de politique énergétique. Parallèlement, l’Europe demande à Moscou de « faire plus » pour lui fournir du gaz à l’approche de l’hiver.

Dans quelle mesure Bruxelles est-elle effectivement responsable des difficultés de ses Etats-membres en matière énergétique ? Quel bilan peut-on dresser de l’Union Européenne dans le domaine ces dernières années ? Jusqu’où cette situation permet-elle à nos fournisseurs – notamment la Russie - de nous imposer ses règles et ses tarifs ? Comment remettre de l’ordre dans ce marché européen de l’énergie qui s’emballe – et qui est de surcroit incontournable pour accompagner la relance économique après la crise du Covid ? 

Florian Delorme reçoit Catherine Locatelli, chargée de recherche au CNRS, spécialiste des industries pétrolière et gazière en Russie et Angélique Palle, docteure en géographie à l’université Paris 1-Sorbonne et chercheuse à l’IRSEM au sein du domaine Armement et économie de défense.

Le pivot vers la Chine est enclenché, mais de manière lente (…). Face au message de l’Union Européenne, qui ne veut pas être trop dépendante de la Russie, et à la politique climatique qui va diminuer la demande de gaz, la grande question de la Russie est : faut-il continuer à investir dans les gisements de Sibérie occidentale ou privilégier le marché chinois ? Catherine Locatelli

La stratégie russe est plutôt de remplacement que d’addition. La Russie essaie progressivement de sortir de ce couloir qui transite par l’Ukraine pour passer plus au Nord, avec le gazoduc Yamal, Nordstream I et Nordstream II. Angélique Palle

Seconde partie : le focus du jour

La rente gazière algérienne, arme diplomatique et opium du peuple

Il n’y a pas qu’en Russie que diplomatie et énergie sont étroitement imbriquées. Entre les deux rives de la Méditerranée, les flux gaziers définissent les contours des relations entre entre l’Espagne, l’Algérie et le Maroc. Conflictuelles depuis des décennies et empoisonnées par le dossier du Sahara occidental, les rapports entre les deux voisins du Maghreb se sont encore un peu plus dégradés ces derniers mois, tout particulièrement avec la rupture des relations diplomatiques. L’Algérie, l’une des plus grosses puissances mondiales en hydrocarbures, a donc utilisé cette arme pour nuire à son rival. Alger a tout simplement annoncé qu’elle ne reconduirait pas le contrat d’exploitation du Gazoduc Maghreb Europe Créé en 1996, ce pipeline approvisionne l’Espagne et le Portugal en transitant par le Maroc, qui engrangeait de lucratifs droits de passage. Une attitude qui ne masque pas les difficultés d’Alger, qui peine à exploiter pleinement sa rente gazière. 

Les gazoducs ont été construits avec des investissements espagnols, [mais] les relations sont ensuite restées asymétriques. Fatiha Talahite 

Avec Fatiha Talahite, chercheuse au CNRS et spécialiste des politiques économiques algériennes .

Références sonores

• Discours de Vladimir Poutine lors d’un forum énergétique à Moscou le 13 octobre 2021. Il déclare que la Russie n’a rien à se reprocher dans la crise qui frappe l’Europe, et que cette dernière récolte les fruits de sa mauvaise gestion énergétique. (Le Figaro Live, 13 octobre 2021) 
• Un eurodéputé lors de l’ordre du jour de la session plénière du Parlement européen du 6 octobre 2021. (Euronews, 6 octobre 2021) 
• Laetitia travaille dans un centre d’accueil pour personnes handicapées et témoigne de sa précarité énergétique (BFMTV, 12 octobre 2021) 
• Alex Vogt, maire de Lubmin, sur l’importance des revenus générés par Nord Stream II dans sa commune et Theresia Crone, militante pour le climat “Fridays For Future” (mouvement de Greta Thunberg), sur les dangers environnementaux du gaz et l’abandon du projet Noord Stream II (France 24, 9 juillet 2021) 
• José Manuel Alvarez, Ministre des Affaires Etrangères espagnol, sur la relation Espagne-Algérie et la question du gaz (Hamid Messir, 30 septembre 2021) 

Références musicales

• « Noise Beats» de Rubin Steiner (Label : Platinium Records)