Moyen-Orient : la fabrique de l’exil : épisode 3/4 du podcast Radiographie de la crise bélarusse

Cheval tirant une charrette avec des migrants en route vers la frontière gréco-turque dans la province d’Edirne en Turquie le 7 mars 2020.
Cheval tirant une charrette avec des migrants en route vers la frontière gréco-turque dans la province d’Edirne en Turquie le 7 mars 2020. ©AFP - Ozan KOSE
Cheval tirant une charrette avec des migrants en route vers la frontière gréco-turque dans la province d’Edirne en Turquie le 7 mars 2020. ©AFP - Ozan KOSE
Cheval tirant une charrette avec des migrants en route vers la frontière gréco-turque dans la province d’Edirne en Turquie le 7 mars 2020. ©AFP - Ozan KOSE
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Les migrants que le régimes biélorusse fait venir par avion viennent de Syrie et d'Irak, après avoir, pour certains d'entre eux, séjourné de longues années dans des camps de réfugiés au Liban.

Avec
  • Pierre-Jean Luizard directeur de recherche au CNRS, historien spécialiste du Moyen-Orient, en particulier de l'Irak, de la Syrie et du Liban
  • Sihem Djebbi chargée de conférence en science politique et relations internationales à l'IEP de Paris et affiliée à la faculté pontificale en théologie de l'Italie Meridionale. Spécialiste des questions de conflits et d'action humanitaire au Moyen-Orient

Ils sont Irakiens, Syriens, Libanais ou Yéménites et arrivent par milliers à Minsk, avec l’espoir de gagner l’Europe. Au fil des mois, le mythe de l’eldorado biélorusse monté par des voyagistes peu scrupuleux s’est progressivement dégradé, alors que s’accumulaient les témoignages cauchemardesques.

Pourtant, d’Erbil à Beyrouth en passant par Damas et Sanâa, beaucoup restent décidés à partir. Si les Yéménites fuient de manière évidente la guerre dans leur pays, c’est davantage l’absence désespérante de perspective qui pousse les Libanais, les Syriens et les Irakiens à l’exil. Au-delà de la misère, réelle dans ces trois pays qui ne se sont jamais complètement relevés des guerres qui les ont ravagés, ceux qui partent dénoncent surtout l’incurie de systèmes politiques qui les oppressent sans leur donner aucune chance de s’en sortir. Les Etats, privatisés par des élites communautaires, n’assurent aucune de leurs missions régaliennes, condamnant les citoyens à s’en remettre aux solidarités ethno-confessionnelles que beaucoup rejettent par ailleurs. 

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Quelles sont les racines historiques de l’incurie de ces régimes ? Pourquoi ont-ils systématiquement échoué à se réformer, condamnant leurs populations à choisir entre la misère et l’exil ? Quelle est la responsabilité des puissances étrangères dans ces situations ? 

Il est très facile de rentrer dans le confessionnalisme. Mais dès qu’on y a mis le petit doigt, il est difficile d’en sortir pacifiquement. (…) Le confessionnalisme politique [au Liban], depuis 1926, a à chaque fois été dénommé transitoire. Mais on voit que ce transitoire s’éternise et que ceux qui sont les plus hostiles au confessionnalisme ont peur d’en sortir. Pierre-Jean Luizard

Florian Delorme reçoit Pierre-Jean Luizard, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l’Irak.

Seconde partie : le focus du jour

Des migrations régionales à haut risque

Réfugiés palestiniens et activistes libanais dans un bateau de pêcheur lors d’un évènement de solidarité palestinien à Saïda, au Liban, le 6 mai 2021.
Réfugiés palestiniens et activistes libanais dans un bateau de pêcheur lors d’un évènement de solidarité palestinien à Saïda, au Liban, le 6 mai 2021.
© AFP - Mahmoud ZAYYAT

Une part importante des exilés qui arrivent en Biélorussie viennent de Beyrouth, mais peu sont Libanais. Il s’agit surtout de Syriens et de Palestiniens, qui se trouvaient là-bas dans des camps de réfugiés. Cela nous rappelle que si les conflits armés et les dysfonctionnements des Etats au Moyen-Orient poussent de nombreuses personnes à l’exil, la majorité d’entre elles se rendent dans d'autres pays de la région. Des mouvements de population qui viennent fragiliser à leur tour les Etats d’accueil, peu préparés à des bouleversements démographiques massifs. 

La Turquie a une politique d’accueil des réfugiés syriens extrêmement généreuse, avec un accès au système public et la possibilité de s’installer dans le tissu urbain, mais c’est aussi parce qu’ils contribuent à la croissance économique du pays : beaucoup sont venus avec un pécule et des compétences qui sont immédiatement utilisés par la Turquie. Sihem Djebbi

Avec Sihem Djebbi, chargée de conférence en science politique et relations internationales à l'IEP de Paris et affiliée à la faculté pontificale en théologie de l'Italie Méridionale.

Références sonores

  • Une employée de l’agence de voyage Tavia Travel à Beyrouth décrit les différents vols de la compagnie aérienne biélorusse Belavia (TV5 Monde, 12 novembre 2021)
  • Témoignage d’un Kurde irakien dont le frère est mort en Pologne et qu’il enterre en Irak (RFI, reportage de Lucile Wassermann, 16 novembre 2021)
  • Témoignage de Mohamed Hussein, candidat à l’exil depuis Beyrouth (TV5 Monde, 12 novembre 2021)
  • Témoignage de Sheko Ahmed Raheem, un Kurde irakien, qui détaille ses affaires avant de s’envoler pour la Biélorussie (RFI, reportage de Lucile Wassermann, 16 novembre 2021)
  • Témoignage d’une manifestante à Beyrouth en novembre 2019 contre le clientélisme et le confessionnalisme au Liban (France 24, 04 novembre 2019) 
  • Un jeune manifestant irakien exprime sa colère contre le pouvoir en place en novembre 2019 (RTBF, 24 novembre 2019)
  • Extrait d’un discours d’Antoun Saadeh lors de son retour au Liban en 1947 après huit années d’exil en Amérique du Sud
  • Rabih Ibrahim est vendeur d’eau à Beyrouth et candidat au départ pour Minsk (Arte reportage, 13 novembre 2021)

Références musicales

  • « Beirut (Original Mix) » de Valeron (Label : CutaRug Music)
  • « Nitrate » du rappeur libanais Jaafar Touffar tiré de la compilation « Beirut 20/21 » (Label : Beirut and Beyond)

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