

Le 15 septembre 2022, Google a fêté ses 25 ans. Depuis 1998, l'entreprise s'est peu à peu imposée comme l'outil incontournable de la recherche sur Internet, une situation de monopole qu'elle ne cesse d'exploiter, s'attirant ainsi les foudres des régulateurs ou d'institutions comme l'UE.
- Guillaume Sire maître de Conférences en science de l'information à l'université de Toulouse Capitole, romancier
- Joëlle Toledano Professeure émérite d'économie, associée à la Chaire « Gouvernance et Régulation » de l'Université Paris-Dauphine
- Isabelle Berrebi-Hoffmann Sociologue, directrice de recherche au laboratoire Lise (Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique) du CNRS
A la fin du XIXe siècle déjà, le dramaturge Eugène Labiche présageait de l’absurdité d’un monde où l’on saurait tout. "La statistique madame" faisait-il dire à l’un de ses personnages, "est une science moderne et positive. Ainsi grâce à des recherches laborieuses, nous arrivons à connaître le nombre exact des veuves qui ont passé le Pont-Neuf au cours de l’année 1860". Alors certes ce n’est pas Google qui produit ce genre d’informations, mais c'est Google qui les relaie. Aujourd’hui pour tout et n’importe quoi, on s’en remet à Google et la fidélité de cet auxiliaire. Sa présence sans faille et à sa réponse à tout nous a même fait croire qu’il était neutre, comme un dictionnaire. Que dit le petit Robert du mot "monopole" ? Une situation où une seule entreprise est maître de l'offre. Et de fait, s’il existe une bonne dizaine de moteurs de recherche, il n’y en a qu’un que nous sollicitons à tout bout de champ. Près de 25 ans après l’avoir créé dans un garage, ses deux fondateurs Larry Page et Serguey Brin sont désormais à la tête d’un empire du numérique. Exploitation des données personnelles des utilisateurs, fabrique de l’opinion, dépendance des entreprises, ces enjeux politiques et économiques poussent les Etats à tenter de réguler les activités du géant américain.
Quelles contre-offensives a imaginées Google pour maintenir sa position dominante ?
Pour répondre à cette question et à bien d'autres, Julie Gacon reçoit Joëlle Toledano, professeure émérite d’économie et membre du Conseil national du numérique ainsi que Guillaume Sire, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse Capitole.
"Aujourd'hui, quand un américain veut acheter un produit, il commence ses recherches chez Amazon. Sur le sujet du commerce, qui est central dans tous les déploiements chez Facebook, Amazon, TikTok..., Google n'est pas le meilleur. Si on veut parler une faiblesse ou d'un échec de Google, ce serait de celui-là", note Joëlle Toledano.
"La cohérence de l'ensemble des acquisitions de Google se traduit dans son activité de publicitaire. Google est aujourd'hui le plus grand acteur publicitaire du monde. [...] Ce qui intéressant du point de vue romanesque dans l'histoire de Google c'est que les jeunes doctorants Larry Page et Serguey Brin qui ont créé Google en 1998 se juraient, et l'ont d'ailleurs écrit dans l'annexe de leur premier article, de ne jamais se financer par la publicité en expliquant que la publicité c'était l'argent, que l'argent c'était mauvais, avec une perception très amusante, presque enfantine de décrire ce monde-là. Leur premier slogan était "don't be evil" (**il ne faut pas être méchant), cela rappelle Disney...", observe Guillaume Sire.
Pour aller plus loin :
- Joëlle Toledano est l'autrice du livre GAFA. Reprenons le pouvoir paru aux éditions Odile Jacob en août 2020.
- Guillaume Sire est l'auteur du livre Les moteurs de recherche paru aux éditions La Découverte en 2016.
Seconde partie : le focus du jour
Syndicats, pétitions et sit-ins : Google sous la pression de ses salariés

Face à l’opacité liée au secret industriel de l’algorithme et la rapidité d’évolution de ce dernier, la loi peine à encadrer les activités de Google. Le groupe de Mountain View doit néanmoins faire face à un autre risque menaçant son monopole : les revendications de ses propres salariés, qui ont déjà réussi à faire reculer leur employeur sur un projet de collaboration militaire avec le Pentagone et qui s’opposent désormais à un partenariat avec l’armée israélienne. Des violences faites aux femmes de l’entreprise aux réflexions éthiques sur l’utilisation des algorithmes, comment les employés de Google mais aussi les think tank techno critiques s’imposent-ils peu à peu comme des régulateurs crédibles ?
Avec Isabelle Berrebi-Hoffmann , directrice de recherche au CNRS, chercheuse au Lise-Cnam.
"C'est très récent qu'il y ait des syndicats chez Google et chez les autres géants de la tech. La Silicon Valley et les GAFAM étaient connus notamment pour leur forte résistance à la syndicalisation. Depuis les années 70 il n'y a eu aucun syndicat dans la Silicon Valley. Cela a commencé en 2016 après l'élection de Donald Trump où une première crise morale a traversé le monde du numérique. Le premier syndicat est arrivé en septembre 2019 chez Pittsburg, un sous-traitant de Google. Le premier syndicat de Google remonte à janvier 2021.", explique Isabelle Berrebi-Hoffmann.
Références sonores
- Comment Google est devenu un empire ( Le Monde - 14/09/18)
- Larry Page, co-fondateur de Google, définit la mission de Google à l’occasion d’une conférence TedX en 2014 ( TED - 22/03/14)
- Margrete Vestager condamne Google ( Tribunal pour les générations futures - 11/12/17)
- Témoignages anonymes de plusieurs employés de Google s’étant opposés en interne au projet Nimbus, le partenariat entre Google et l’armée israélienne ( Youtube - 09/09/22)
Références musicales
- "Hey saturday sun" de Boards of Canada
- " Gooogle it" de The Fox Heads (2011)
Une émission préparée par Barthélémy Gaillard.
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Julie DucosStagiaire