

Les ONG engagées dans le secours des migrants font l'objet deharcèlement judiciaire de la part des autorités européennes. Dans quelle mesure la logique de criminalisation des migrants et d’hostilité à l’égard de l’aide humanitaire s'inscrit-elle dans un contexte d’obsession sécuritaire ?
- Joachim Debelder chercheur à l’Institut de Recherche, Formation et Action sur les Migrations (IRFAM, Bruxelles)
- Michaël Neuman Directeur d’études au Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (CRASH) de la Fondation MSF
- Virginie Guiraudon Directrice de recherche au CNRS, en poste au centre d'études Européennes à Sciences Po Paris
Deux ans après avoir accosté de force à Lampedusa à bord d’un navire de l’ONG allemande Sea-Watch, avec à son bord des dizaines de migrants secourus aux larges de la Libye, Carola Rackete a finalement vu, la semaine dernière, l’une des plaintes classée sans suite dont elle faisait l’objet. En revanche, la capitaine du navire est toujours poursuivie par la justice italienne pour « résistance à des officiers publics ». Cette affaire est l’un des multiples exemples du harcèlement judiciaire dont font l’objet les ONG engagées dans le secours des migrants.
Si, en Italie, la pression sur les ports a décru depuis le départ de Matteo Salvini, les enquêtes lancées contre les militants associatifs se poursuivent, entraînant un climat de peur. La France n’est pas en reste, entre les procès intentés à Cédric Herrou et Pierre-André Mannoni, et l’interdiction de la distribution d’aide alimentaire dans certains quartiers de Calais. On observe que les ONG les plus anciennes sont dotées de services juridiques qui leur permettent de résister à ces pressions, alors que les structures plus récentes, conçues après l’arrivée massive de migrants en 2015, sont plus vulnérables.
Quels sont les ressorts juridiques, administratifs et judiciaires de la criminalisation des ONG d’aide aux migrants en Europe ? Quels sont les pays les plus concernés par ce phénomène ? Dans quelle mesure y a-t-il une criminalisation des migrants eux-mêmes et de l’hostilité à l’égard de l’aide humanitaire en général, dans un contexte d’obsession sécuritaire ?
Nos invités sont Virginie Guiraudon, directrice de recherche CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po et Michaël Neuman, directeur d’études au Crash / MSF.

Retrouvez la tribune de France terre d'asile du 25 mai 2021 dans Le Monde.
On parle d’harcèlement des aidants et non des ONG. Les personnes en vulnérabilité juridique sont plus exposées, comme cela a pu être le cas pour Cédric Herrou, le procès des sept de Briançon ou des maraudeurs. Ce n’est pas le cas pour les grandes institutions, comme Médecins sans frontières, qui ont une forte exposition médiatique et politique, en plus de la surface financière nécessaire pour engager des frais. Michaël Neuman
Le recours au droit international ne sera pas le même pour un État ou pour un bateau de sauvetage. Par exemple, le droit international maritime va faire qu’un migrant en mer n’est plus un migrant mais une personne à sauver. Selon la convention de Genève, il s’agit d’un demandeur d’asile potentiel ou de quelqu’un qui a le droit de quitter son pays, tant qu’il n’est pas arrivé, cet individu a le droit au bénéfice du doute. La convention de Palerme, elle, se concentre sur la pénalisation des personnes qui aident à l’entrée ou au séjour irrégulier. En fonction de l’acteur que l’on est, on va invoquer un droit spécifique et la complexité est que chacun joue de ces armes juridiques. Virginie Guiraudon
Seconde partie - Le focus du jour
Au procès des hébergeurs, les citoyens solidaires pris pour cible
Si les ONG d’aide aux migrants sont de plus en plus confrontées à des formes d’intimidation à la fois législative, administrative et judiciaire, c’est également le cas des citoyens venant en aide aux étrangers en situation irrégulière. Symbole de ce problème en Belgique, le procès en appel « des hébergeurs » vient de prendre fin à Bruxelles. Des citoyens sont accusés de trafic d’êtres humains pour avoir logé des migrants, ce « procès de la solidarité » agite la société belge depuis plus de trois ans.
Entretien avec Joachim Debelder, chercheur à l’Institut de Recherche, Formation et Action sur les Migrations (IRFAM, Bruxelles).
A partir de l’été 2017, des centaines de personnes migrantes logeaient en plein cœur de Bruxelles. Différentes formes de solidarité s'organisent avec des citoyens, des associations, des ONG. Puis, à partir de l’été 2017, il y a eu des descentes policières pour arrêter ces migrants. Un mouvement de solidarité a été mis en place par la plateforme de soutien aux réfugiés. Chaque nuit, des citoyens hébergeaient des personnes afin de les mettre à l'abri. Joachim Debelder
Une émission préparée par Margaux Leridon.
Références sonores
- Prise de parole de Matéo Salvini au sujet de Carola Rackete qu'il qualifie de "criminelle". Arrêtée le 29 juin 2019 pour avoir fait débarquer, à Lampedusa, 40 migrants secourus par le Sea-Watch 3. ( France 24, 18 juillet 2019)
- Témoignage de Carole Rackete, la capitaine qui a forcé l’entrée du port de Lampedusa ( 28 minutes, 14 septembre 2020)
- Jean Claude Lenoir, président de l’association Salam. Les associations sont révoltées par l'interdiction de fournir des repas aux migrants à Calais pour cause de Covid-19. ( Europe 1, 11 septembre 2020)
- Prise de parole de Violaine, membre de l’association Salam ( BFMtv, 11 septembre 2020)
- Jozsef Peter Martin, directeur exécutif de Transparency International Hongrie et une représentante d'Amnesty international Hongrie militent pour le droit des migrants, qui sont menacés par un projet de loi. ( Euronews, 06 mai 2018)
- Témoignages d'Anouk Van Gestel et Zakia Sioudi, deux hébergeuses acquitées par la cour d'appel de Bruxelles. ( RTBF, 26 mars 2021)
Références musicales
- "Song For Our Ancestors" de Steve Miller Band
- "Another day in paradise" de Phil Collins
L'équipe
- Production
- Production déléguée
- Réalisation
- Collaboration
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