Accusé d’avoir organisé le soulèvement de Gezi en 2013 et le putsch militaire de juillet 2016, voilà quatre ans qu'Osman Kavala, magnat truc reconverti dans le mécénat, attend son jugement depuis la prison.
- Ahmet Insel Professeur retraité de l’université de Galatasaray à Istanbul, éditeur
- Ariane Bonzon Journaliste indépendante, ancienne correspondante pour Arte en Turquie
- Nouran Gad Doctorante en sciences politiques au laboratoire "Mesopolhis", le centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire de Aix-Marseille Université/CNRS/Sciences Po Aix
Osman Kavala : mécène et philanthrope, emprisonné depuis quatre ans maintenant alors même qu’il n’a pas encore été jugé. La semaine dernière, en signe de contestation, l’homme d’affaire a décidé de ne pas se rendre à l’audience pour dénoncer la détention arbitraire dont il est la victime.
Au-delà de l’acharnement judiciaire et des chefs d’accusation dont il fait l’objet, le cas d'Osman Kavala illustre cette volonté de l’Etat d’affaiblir la société civile par le truchement de poursuites judiciaires et de condamnation à des peines de prison. Cette logique, déployée à des fins de politique intérieure, n’est pas sans conséquences sur les relations internationales. Ainsi, fin octobre, Erdogan avait déclaré persona non grata dix ambassadeurs occidentaux qui s’étaient élevés contre le traitement réservé à Osman Kavala, avant de se raviser. Cet incident diplomatique témoigne de la position toujours plus marginale de la Turquie en matière de droits humains vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
Que peut espérer Osman Kavala de la justice turque ? Comment est-il devenu un symbole politique des tensions qui traversent le pays ? Et de quelles armes la communauté internationale dispose-t-elle pour infléchir l'attitude d'Ankara sur ce dossier ?
Nous pensons que Tayyip Erdoğan veut gagner la course contre la montre et [jouer sur] les lenteurs bureaucratiques des décisions du Conseil de l’Europe, afin de prolonger le maintien en détention d’Osman Kavala. Ahmet Insel
L’ingérence du politique dans la justice n’est pas nouvelle en Turquie. En revanche, c’est maintenant extrêmement personnalisé. Ariane Bonzon
Florian Delorme reçoit Ahmet Insel, professeur retraité de l’université de Galatasaray à Istanbul, éditeur et Ariane Bonzon, journaliste indépendante, ancienne correspondante pour Arte en Turquie.
Seconde partie : le focus du jour
Istanbul, un refuge d’exilés politiques arabes en autocratie ?
Si la figure d’Osman Kavala illustre la dérive autocratique turque, la ville d’Istanbul demeure encore un refuge pour nombre d’exilés politiques arabes. Plus religieuse et traditionnelle que l’Occident mais moins répressive que Damas ou le Caire, la mégapole stambouliote attire intellectuels et réfugiés politiques notamment depuis 2011, une période où l’AKP avait apporté son soutien aux révolutionnaires arabes. Comment Istanbul concilie-t-elle répression intérieure turque et complaisance envers les dissidents arabes ? En quoi ces derniers sont-ils devenus un levier de la politique régionale d’Ankara ?
Il y a une autocensure de la part de ces dissidents arabes, qui ne critiquent pas la Turquie. La liberté leur est offerte et il n’y a pas d’ingérence de la part du pouvoir turc à partir du moment où les médias [implantés à Istanbul] sont destinés à la critique des pays d’origine. Nouran Gad
Avec Nouran Gad, doctorante à Sciences Po Aix et chercheuse associée à l’Institut Français des Études Anatoliennes d’Istanbul.
Références sonores
- Extrait d’un court film non-daté dans lequel on voit Osman Kavala raconter comment il a créé un centre artistique à Diyabakir malgré l’état d’urgence en vigueur là-bas depuis le coup d’Etat militaire en 1980 (Action For Hope, 22 septembre 2021)
- Fin octobre dernier, Recep Tayyip Erdogan déclarait que les ambassadeurs de dix pays dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis ayant lancé un appel en faveur de la libération de l'opposant Osman Kavala allaient être déclarés "persona non grata" (TV5 Monde, 24 octobre 2021)
- Extrait de la lettre d’Osman Kavala écrite en prison en septembre dernier dénonçant les injustices de traitements judicaires et la politique essentialiste du pouvoir turc. Cette lettre est lue par sa femme, Ayşe Buğra (Action for hope, 22 septembre 2021)
- Témoignages de deux enseignants venus manifester à Ankara la semaine passée contre la vie chère en Turquie (AFP, 24 novembre 2021)
- Témoignage datant de 2017 d’Oussama el-Hamaoui, professeur de droit à Istanbul, exilé syrien qui a fui Damas où sa libraire et sa maison ont été détruites, où un de ses fils fut tué et où il faisait face à des menaces (RTBF, 22 mai 2017)
Références musicales
- « Translator’s clos II » d’Esmerine (Label : Constellation)
- « Yeni » de la chanteuse Nilipek (Label : autoproduit)
L'équipe
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