

La libération, début octobre 2020, de Sophie Pétronin, de Soumaïla Cissé ainsi que de deux Italiens, a eu lieu contre celle de plus de 200 prisonniers djihadistes maliens. Mais dialoguer de cette manière avec les groupes djihadistes présents au Sahel, est-ce souhaitable ? Est-ce même possible ?
- Ghazal Golshiri Journaliste indépendante
- Jean-Hervé Jézéquel Directeur de projet Sahel à l’International Crisis Group
- Antoine Glaser Journaliste, spécialiste de l'Afrique
En début de semaine, à Bamako, les voix de Jean-Yves le Drian et de Moctar Ouane (Premier Ministre malien de transition), ne semblaient pas très accordées. L’un parle de vastes discussions, l’autre de groupes avec lesquels on ne peut pas parler : tout le monde ne semble pas prêt à discuter avec les groupes djihadistes présents au Mali et plus largement dans la région du Sahel.
La libération, début octobre 2020, de Sophie Pétronin et de Soumaïla Cissé, ainsi que celle de deux Italiens, a eu lieu contre celle de plus de 200 prisonniers djihadistes maliens. Une négociation à laquelle la France affirme avoir été extérieure, et dont on peut se demander si elle ouvre une nouvelle phase au Mali - celle de la possibilité du dialogue pour apaiser le niveau de violence dans le pays.
Mais dialoguer avec les groupes djihadistes, est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? Quels risques y a-t-il à accepter la remise en liberté de combattants djihadistes ? Faut-il voir dans ce type d’accords un signe de paix ou une trop grande prise de risque ? Et que signifient ces discussions pour l’avenir de l’opération Barkhane ?
Une discussion en compagnie de Jean-Hervé Jézéquel, directeur de projet Sahel à l’International Crisis Group (depuis Dakar), et d'Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l'Afrique.
Pour allez plus loin : l’International Crisis Group a produit en mai 2019 un rapport intitulé Parler aux jihadistes au centre du Mali : le dialogue est-il possible ?
Il y a, du côté malien, une désespérance et une volonté de s'en sortir. Les trois quarts du territoire ne sont plus contrôlés par l'État, les enfants maliens ne vont plus à l'école : il y a un vrai problème de gestion globale du pays. Antoine Glaser
Il y a un débat, au sein de la société malienne, sur la question de la sortie de guerre. Nous sommes aujourd'hui dans les prémices d'une possibilité de sortie de guerre par le dialogue avec une partie des groupes djihadistes, et le pouvoir actuel s'inscrit - comme Ibrahim Boubakar Keita avant la fin de son mandat - sur cette ligne-là. Jean-Hervé Jézéquel
L'acteur masqué de cette région, c'est l'Algérie. Ce n'est pas un hasard si Jean-Yves Le Drian est passé à Alger ce mois ci pour évoquer la situation régionale, et ce n'est pas non plus un hasard si le président algérien a déclaré dans un tweet que la solution au djihadisme malien était à 90 % algérienne. Antoine Glaser
Il faudrait se garder de réduire les groupes djihadistes à de petites marionnettes qui seraient dans les mains de puissances étrangères, quand on parle du rôle de l'Algérie : nous voyons qu'ici, la problématique va bien au-delà du nord du Mali, elle s'étend sur des parties du Burkina Faso et du Niger. Résoudre le problème du nord du Mali serait important mais ne serait pas suffisant. Jean-Hervé Jézéquel
Seconde partie - le focus du jour
Libération de prisonniers talibans en Afghanistan : la paix sans la justice ?
La confrontation militaire n’a pas seulement montré ses limites en Afrique subsaharienne : la compensation de l’impasse armée par le rapprochement avec les rebelles est une réalité en Afghanistan depuis 2018. Après l’accord signé le 29 février 2020 entre les États-Unis et les talibans sur le retrait définitif de l’armée américaine, suivi de longs mois de négociations et de reports en tous genres, le gouvernement afghan a enfin pu rencontrer en septembre, à Doha, les représentants du mouvement insurgé – mais au prix de la libération de plus de 5000 prisonniers.
Mais fut-ce un vrai échange bilatéral ou seulement le reflet d’intérêts étatsuniens ? La libération de prisonniers talibans est-elle inutile, ou pire, nocive pour le processus de paix afghan ?
Avec Ghazal Golshiri, journaliste pour Le Monde, spécialisée dans les questions iraniennes et afghanes.
Cet échange des prisonniers n'est pas équilibré. Du côté des forces afghanes, il y a eu 1000 libérations, alors que du côté des talibans il y en a eu 5000, et les autorités de Kaboul ont confirmé qu'une partie de ces prisonniers avaient déjà rejoint les camps talibans, et avaient recommencé à mener des attaques contre les intérêts du gouvernement central. Ghazal Golshiri

Références sonores
- Annonce sur TV5 Monde de la libération de djihadistes au Mali, début octobre 2020 (TV5 Monde, 09 octobre 2020)
- Le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, souligne que le "dialogue national inclusif" avait "très clairement indiqué la nécessité d'une offre de dialogue avec les groupes armés" jihadistes (France 24, 26 octobre 2020)
- En visite dans la capitale malienne, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a fermement rejeté il y a une semaine l’idée de discussions avec les rebelles islamistes liés à Al-Qaïda ou à l'organisation État islamique (France 24, 26 octobre 2020)
- Mali: prise de fonctions du Premier ministre de transition Moctar Ouane (AFP, 28 septembre 2020)
- Témoignage d’un prisonnier taliban fraîchement libéré début septembre dernier (Radio Free Europe, 1er septembre 2020)
Références musicales
- « Bonheur » de Vieux Farka Touré (autoproduit)
- « Damonson » du groupe malien Luka Production (Label : Sahel Sounds)
L'équipe
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