Selon l'ONU, quelque 6,6 millions de Syriens ont été contraints de quitter leur pays depuis la révolution de 2011. Certains doivent faire face à une lourde précarité, et tous sont confrontés à la crainte de ne jamais rentrer chez eux. Comment parviennent-ils à se reconstruire dans l'exil ?
- Sihem Djebbi Chargée de conférence en science politique et relations internationales à l'IEP de Paris et affiliée à la faculté pontificale en théologie de l'Italie Meridionale. Spécialiste des questions de conflits et d'action humanitaire au Moyen-Orient
- Sana Yazigi Fondatrice de Creative memory, graphiste syrienne
- Leïla Vignal Géographe, professeure et directrice du département de géographie à l'École normale supérieure (ENS), spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient, coordinatrice du Pôle Europe, Think-Tank Terra Nova
Une émission présentée par Mélanie Chalandon
La majorité d’entre eux se trouvent en Turquie, au Liban et en Jordanie, suivi de près par l’Irak et l’Egypte. Depuis le début de la guerre, il y a 10 ans, ils sont près de 6,6 millions de syriens – selon l’ONU - à avoir été contraints de quitter leur pays.
Leurs conditions d’existences varient considérablement selon leur pays d’accueil, leurs profils et leurs réseaux, mais tous sont confrontés à la crainte grandissante de ne jamais pouvoir rentrer chez eux. Insécurité persistante dans certaines zones, habitations détruites ou spoliées, la peur du régime et des représailles.
Si les pays d’accueil commencent à faire pression pour un retour des déplacés, cette perspective est encore bien lointaine pour les syriens. Alors, en Europe ou au Moyen-Orient, les exilés tentent de survivre à la précarité économique et administrative qui leur est imposée depuis 10 ans.
Malgré tout des lueurs d’espoir surgissent dans ces trajectoires chaotiques. Des réseaux d’entre-aide se mettent en place pour subvenir aux besoins de la communauté et de ceux restés sur place.
Comment les Syriens en exil parviennent-ils à se reconstruire malgré tout, entre espoir de retour et persistance de la guerre ? De Beyrouth à Berlin en passant par Istanbul ou le Caire, comment s’organisent les réseaux d’entre aide au sein de la diaspora ? Enfin comment les différents pays d’accueil font-ils face à leur présence depuis près de 10 ans ?
Dans les années 2010, un nombre important de familles ont fait le choix de quitter la Syrie et de sortir leurs garçons, y compris avant la puberté, pour s’assurer que ces jeunes gens ne soient pas être incorporés dans les unités de l’armée ou bien dans des unités de milices. Leïla Vignal
Depuis les années 90, la Syrie connaît une explosion démographique. On est passé de 4 millions d’habitants dans les années 60 à environ 21 millions d’habitants avant le début de la guerre. Cela s’est manifesté par une explosion urbaine avec le développement d’habitats informels dans la périphérie des grandes villes et des villes moyennes. Or, beaucoup d’habitants en Syrie n’avaient pas de titre de propriété formel et se retrouvent mis de côté dans les procédures de reconstruction. Sihem Djebbi
Seconde partie - le focus du jour
Depuis l’exil, préserver l’art révolutionnaire syrien
Pour les réfugiés Syriens, l’exil est aussi un moyen de faire vivre la mémoire d’une créativité que le régime empêche et que la guerre détruit. C’est tout le sens du projet The Creative Memory of the Syrian Revolution, lancé par la graphiste Sana Yazigi. Avec son équipe, elle répertorie sur une plateforme en ligne, toute l’effervescence créatrice qui a accompagné la révolution syrienne, des affiches aux chansons en passant par les films.
Ces œuvres, émanant de Syriens restés sur place comme ceux de la diaspora, rappellent que cette décennie de destruction a aussi été, pour la Syrie, une décennie de création – même si celle-ci s’est souvent exprimée au péril de la vie des artistes.
Notre plateforme est avant tout une mémoire avec laquelle on travaille sur la créativité qui porte les valeurs de la révolution. Tout ce qu’on fait ce n’est pas rien, même si la révolution a échoué, je ne considère pas que celle-ci a réellement échoué. Il faut continuer. Sana Yazigi
Une émission préparée par Margaux Leridon.
Références sonores
- Anonyme 1, réfugiée syrienne dans le "camp des veuves et des orphelins" d’Ersal, dans le Nord du Liban, qui vit à crédit pour tout ce qu’elle consomme en élevant seule ses 4 enfants. Elle est là depuis 10 ans. (France 24, 15/03/2021)
- Anonyme 2, réfugié syrien en Turquie, près d’Izmir. Il ne veut pas aller en Europe, et espère rentrer un jour. Dans Turquie : le cauchemar des réfugiés syriens. (Documentaire de Mayalen de Castelbajac, Arte, 2018)
- Sulaiman Al-Sakka, réfugié syrien à Berlin. Il travaille dans la boulangerie de ses parents à Berlin et fait des études pour passer son diplôme de physiothérapeuthe. (France 24, 16/03/2021)
- Réfugiés syrien en Jordanie, Racha El Husban, manager pour une ONG danoise pour les réfugiés, et un réfugié (anonyme), sur la nécessité d’avoir une autorisation pour travailler librement en Jordanie. (France 24, 09/03/2021)
- Service militaire, Mohammed, réfugié syrien, travaille dans un restaurant du camp de Zaatari en Jordanie. Il explique que seuls les vieux rentrent en Syrie car les jeunes ne veulent pas être intégrer de force dans l’armée. (France 24, 15/03/2021)
- « Qu’attends-tu » de Samir Aktaa. Morceau issu du site Mémoire Créative de la Révolution Syrienne.
Références musicales
- « Danse funèbre » de Khaled Mouzanar (label : Naïve)
- « Ara » du groupe de rock syrien Khebez Dawle (label HomeWay Record). En exil en Europe, ils sont arrivés en Croatie et sont devenus les portes paroles des syriens exilés.
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