Suite à l’affaire de la suspension des comptes de Donald Trump, des voix s’élèvent, appelant le pouvoir politique à réguler les réseaux sociaux, sous peine de voir Internet imposer des règles au pouvoir politique. Que révèle cette polémique du rôle des réseaux sociaux dans le débat démocratique ?
- Dominique Cardon Sociologue et directeur scientifique du Médialab de Sciences Po
- Grégor Brandy Journaliste au Monde, spécialiste des questions numériques
- Maud Quessard Maître de conférences et chercheure Etats-Unis à l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire), spécialiste des guerres de l'information.
La suspension des comptes de l’ancien président américain Donald Trump par toutes les grandes plateformes à la suite de l’attaque du Congrès par une partie de ses partisans a créé un précédent inédit, mais a également soulevé un vif débat.
Alors que les reproches s’accumulaient depuis des années au sujet de la permissivité des réseaux sociaux, accusés d’entretenir - voire de provoquer - la polarisation extrême de la vie politique et de favoriser la propagation de fausses informations, Facebook, Twitter et Youtube sont désormais taxés de censure.
Des voix s’élèvent, de part et d’autre de l’Atlantique, appelant le pouvoir politique à imposer des règles aux réseaux sociaux, sous peine de voir les réseaux sociaux imposer des règles au pouvoir politique. C’est notamment l’un des objectifs du Digital Services Act, présenté par la Commission européenne en décembre 2020. Mais les objectifs revendiqués par les pouvoirs publics semblent parfois contradictoires : d’un côté, empêcher des théories conspirationnistes comme celles du mouvement QAnon de proliférer sur les réseaux, de l’autre, empêcher les réseaux de faire obstacle au débat démocratique en censurant certains utilisateurs.
Cet antagonisme se retrouve du côté des plateformes, qui ont longtemps revendiqué une liberté d’expression absolue avant de mettre en place récemment des politiques de modération plus sévères, et potentiellement arbitraires, sous la pression de l’opinion publique.
Que révèle l’affaire de la suspension des comptes de Trump du rôle des réseaux sociaux dans le débat démocratique ? Quelle est leur influence réelle sur la formation de l’opinion publique ? Sont-ils davantage qu’une caisse de résonnance pour les mouvements complotistes et les fausses informations qui y circulent ?
Pour en parler, Cultures Monde reçoit Dominique Cardon, professeur de sociologie à Sciences Po, directeur du Médialab, ainsi que Maud Quessard, maîtresse de conférences et directrice du domaine « Espace Euratlantique - Russie » à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM).
Les grands réseaux sociaux vont définir eux-mêmes et pour leurs utilisateurs - qui à travers les Conditions Générales d'Utilisation signent un contrat privé avec la plateforme - des règles qui les autorisent à mettre en place une politique de modération dont elles doivent définir et rendre publiques les principes, mais qu'elles peuvent ensuite appliquer de manière discrétionnaire. C'est ce qui a été fait dans le cas de Donald Trump. Dominique Cardon
Comme les plateformes sont des acteurs transnationaux, il n'y aura de possibilité de régulation que s'il y a une éventuelle coordination des régulations par la norme au niveau international. On est donc déjà assez chanceux que l'Europe, qui a du mal à se mettre d'accord sur d'autres sujets, arrive à pousser dans cette direction. Maud Quessard
Seconde partie : le focus du jour
Parler, le réseau social alternatif de l’alt-right
Face aux mesures de modérations récemment adoptées par les réseaux sociaux traditionnels, plusieurs sympathisants de l’alt-right américaine sont allés trouver refuge sur des plateformes alternatives, à l’instar de Parler, où les discours de haine ne sont pas censurés. Mais voilà qu’Amazon, qui hébergeait le site, l’a banni la semaine dernière, estimant qu’il ne respectait pas ses conditions d’utilisations. Parler est réapparu ce week-end sur un nouvel hébergeur, Epiktechnologie, habitué des contenus sulfureux.
Quel est l’objectif de ce réseau social alternatif ? Qui sont ses utilisateurs, ses soutiens et ses concurrents ? Au-delà du pouvoir d’arbitrage des réseaux sociaux révélé par la suspension des comptes de Trump, que nous apprend le bannissement de Parler sur le rôle des hébergeurs ?
Avec Grégor Brandy, journaliste au Monde spécialiste des questions numérique.
Parler était à environ 15 millions d'utilisateurs avant d'être mis hors-ligne. Cela peut sembler énorme, mais c'est incomparable avec les 330 millions d'utilisateurs de Twitter ou les 2,7 milliards d'utilisateurs de Facebook. Grégor Brandy
Une émission préparée par Margaux Leridon.
Références sonores
- Sheryl Sandberg sur le bannissement de Trump, NBC, le 11 janvier
- Trump sur la liberté d’expression dans son discours d’adieu, le 19 Janvier 2021
- Mark Zuckerberg s'exprime en faveur d'une liberté d’expression radicale à l’Université de Georgetown en 2019
- John Matze à propos de la croissance exponentielle de Parler, le 12 novembre 2020 (KUSI News)
Références musicales
- « Reve » de Coti K.
- « On nous cache tout, on nous dit rien » de Jacques Dutronc
L'équipe
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